Gédéon TALLEMANT DES RÉAUX / Historiettes (1) / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Des Yveteaux luy disoit [à Malherbe] que c'estoit une chose désagréable à l'oreille que ces trois syllabes : ma la pla toutes de suite, dans un vers : Enfin cette beauté m'a la place rendüe Et vous, luy respondit-il, vous avez bien mis pa ra bla la fla. - Moy ? reprit des Yveteaux, vous ne sçauriez me le montrer. - N'avez-vous pas mis, repliqua Malherbe : Comparable à la flamme » <Malherbe, p.110>
« Comme un jour un faiseur de vers se plaignoit à luy [Malherbe] qu'il n'y avoit de recompense que pour ceux qui servoient le Roy dans ses armées et dans les affaires d'importance, et que l'on estoit trop cruel pour ceux qui excelloient dans les belles-lettres, Malherbe luy respondit que c'estoit une sottise de faire le mestier de rimeur, pour en esperer autre recompense que son divertissement ; et qu'un bon poëte n'estoit pas plus utile à l'Estat qu'un bon joüeur de quilles. » <Malherbe, p.114>
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) / Garnier frères 1877 [BnF]
« On parlait de poésie et on passait en revue les poètes héroïques, les tragiques, les comiques, etc. : "Vous oubliez, dit Piron, les faméliques, et ce n'est pas le plus petit nombre." » <p.124>
Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX / OEuvres / Art Poétique / Société des Belles Lettres 1939
« Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant, ou sublime, Que toujours le Bon sens s'accorde avec la Rime. L'un l'autre vainement ils semblent se haïr, La Rime est une esclave, et ne doit qu'obéïr. » <Chant I v.27-30 p.82>
Georges ELGOZY / Le Contradictionnaire ou l'esprit des mots / Denoël 1967
« Rime : le calembour au service de la poésie. » <p.301>
Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS / Le mariage de Figaro (1784) / OEuvres complètes / Firmin-Didot 1865
« Or, messieurs, la comédie Que l'on juge en cet instant, Sauf erreur, nous peint la vie Du bon peuple qui l'entend. Qu'on l'opprime, il peste, il crie, Il s'agite en cent façons : Tout finit par des chansons. » <Acte V scène xix p.171>
« Où est l'heureux temps signalé par Beaumarchais où tout finissait par des chansons ? - Hélas ! aujourd'hui tout finit par des discours. » <novembre 1843 p.46>
Paul MASSON / Pensées d'un Yoghi / Paris, L.Vanier 1896 [BnF]
« Tout finit par des chansons. La dernière c'est le De profundis. » <320 - p.72>
Antoine de RIVAROL / L'Universalité de la langue française (1783) / arléa 1998
« Les enfants, avant de connaître la signification des mots, leur trouvent à chacun une variété de physionomie qui les frappe et qui aide bien la mémoire. Cependant, à mesure que leur esprit plus formé sent mieux la valeur des mots, cette distinction de physionomie s'efface ; ils se familiarisent avec les sons et ne s'occupent guère que du sens. Tel est le commun des hommes. Mais l'homme né poète revient sur ces premières sensations dès que le talent se développe ; il fait une seconde digestion des mots ; il en recherche les premières saveurs, et c'est des effets sentis de leur diverse harmonie qu'il compose son dictionnaire poétique. » <p.118>
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [oeuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Quelqu'un lui disait [à Rivarol] : connaissez-vous le vers du siècle : "Le trident de Neptune est le sceptre du monde." * Oui, répondit-il, mais ce n'est qu'un ver solitaire. » <Anecdotes et bons mots, p.167>
* Vers de Antoine Marin Lemierre (1723 ?-1793), tiré de sa pièce le Commerce (1756). Ce poète, aveuglé par un amour-propre d'auteur tout-à-fait étonnant, trouvait ce vers génial et se plaisait à l'appeler le vers du siècle.
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / Album perdu [Ana] / Paris, ? 1829 [BnF]
« Excédée de recevoir à chaque instant, de M. de T...[Talleyrand], des missives où il était question de toute autre chose que de diplomatie, une belle dame le menaça un jour de faire subir à ses billets doux le sort que le Misanthrope réserve au sonnet d'Oronte ; le prince répondit par le quatrain suivant : Allez, mes vers, enfants de mon génie, Allez, suivez votre destin ; Mais en passant, je vous en prie, Annoncez-moi chez le voisin. » <p.35>
Victor HUGO / Océan prose / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Quelques peuples seulement ont une littérature, tous ont une poésie. » <1838-40 p.3>
Victor HUGO / Littérature et philosophie mêlées / Critique / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1985
« Qu'un vers ait une bonne forme, cela n'est pas tout ; il faut absolument, pour qu'il ait parfum, couleur et saveur, qu'il contienne une idée, une image ou un sentiment. L'abeille construit artistement les six pans de son alvéole de cire, et puis elle l'emplit de miel. L'alvéole, c'est le vers ; le miel, c'est la poésie. » <1833 p.194>
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) / Garnier frères 1877 [BnF]
« C'est un usage en Normandie que les aînés ont presque tout le bien de la famille, et qu'il en reste fort peu aux cadets. [Boileau-] Despréaux, faisant allusion à cet usage, disait : "Les vers de Thomas Corneille comparés à ceux de Pierre Corneille font bien voir que le premier n'est qu'un cadet de Normandie". » <p.84>
« M. Adolphe Dumas - qui n'est nullement parent d'Alexandre Dumas, - rencontra celui-ci dans un couloir le jour de la première représentation du Camp des Croisés, - pièce dudit Adolphe Dumas - dans laquelle - les ennemis de l'auteur ont prétendu avoir entendu ce vers : Et sortir d'ici-bas comme un vieillard en sort*, qu'ils écrivent et prononcent : Comme un vieil hareng saur. - Monsieur, dit M. Adolphe à M. Alexandre, - pardonnez-moi de prendre un peu de votre place au soleil, mais il peut bien y avoir deux Dumas, comme il y a eu deux Corneille. - Bonsoir Thomas, dit Alexandre en s'éloignant. » <Octobre 1842, p.132>
* Ces vers ridicules d'Adolphe Dumas (1810-1861) sont exactement : J'en sortirai du camp, mais quel que soit mon sort J'aurai montré du moins comme un vieillard en sort !
Albert CIM / Récréations littéraires / Hachette 1920 [BnF]
« C'est par erreur qu'on a attribué à Victor Hugo et à ses Burgraves ce drolatique hémistiche : ... Il sortit de la vie Comme un vieillard en sort. Victor Hugo était le premier à rire de cette plaisanterie, et, quand elle survenait, ne manquait jamais de riposter : Tout en faisant des vers comme un vieillard en f'rait. C'est du moins ce que contait le géographe Onésime Reclus. (Renseignement verbal.) » <p.119>
« Le Télémaque, ou du moins un fragment de ce livre, Télémaque dans l'île de Calypso, a été mis en vers par un poète du nom d'Eugène Mathieu (1821- ?), qui s'est amusé, dans cette parodie, "à plier la langue française à toute sorte d'excentricités". Ainsi Calypso, reprochant au fils d'Ulysse sa froideur à son égard et sa terreur de Mentor, lui dit : Tu te tais, tant te tient ton tuteur tortueux, Dans d'odieux dédains des doux dons d'un des dieux ! » <p.24>
Louis JOUVET / Réflexions du Comédien / Librairie théâtrale 1941
« Becque, parmi beaucoup d'inimitiés, n'aimait pas Dumas [Alexandre Dumas fils]. Il écrivit un jour sur lui le distique que voici : Comme il fut deux Corneille, il y a deux Dumas. Mais aucun d'eux n'est Pierre et tous deux sont Thomas. Voici ce que répondit l'auteur de La Dame aux camélias : Si ce coup de bec de Becque t'éveille O Thomas Corneille, en l'obscur tombeau Pardonne à l'auteur qui bâille aux Corneilles Et songe au public qui bâille aux Corbeaux*. » <La disgrâce de Becque, p.86>
* Allusion à la comédie d'Henry Becque, Les Corbeaux, créée à la Comédie-Française le 14 septembre 1882.
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« A-t-on remarqué que l'enfant commence toujours à jouer à la littérature par la poésie, c'est-à-dire par la rime, par l'assonance des mots ? C'est un moyen pour lui de se passer d'idées. Un terrible argument contre la poésie, qu'on a oublié. » <31 décembre 1859 p.513>
« Rien n'est moins poétique que la nature et que les choses naturelles : c'est l'homme qui leur a trouvé une poésie. La naissance, la vie, la mort, ces trois accidents de l'être, symbolisés par l'homme, sont des opérations chimiques et cyniques. L'homme pisse l'enfant et la femme le chie. La mort est une décomposition. Le mouvement animal est un circulus du fumier. C'est l'homme qui a mis sur toutes choses le voile et l'image poétique, qui rendent supportables la vue et la pensée de la matière. Il l'a spiritualisée à son image. » <4 février 1861 p.668>
Gustave FLAUBERT / Correspondance I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Quelle plate bêtise de toujours vanter le mensonge et de dire : la poésie vit d'illusions : comme si la désillusion n'était pas cent fois plus poétique par elle-même ! Ce sont du reste deux mots d'une riche ineptie. » <À Alfred Le Poittevin, 2 avril 1845 p.222>
« Quel abus on fait de ce bon Béranger ! Je lui garde rancune du culte que les esprits bourgeois lui portent. Il y a des gens de grand talent qui ont la calamité d'être admirés par de petites natures. Le bouilli est désagréable surtout parce que c'est la base des petits ménages, Béranger est le bouilli de la poésie moderne, tout le monde peut en manger et trouve ça bon. » <À Louise Colet, décembre 1847 p.492>
Pierre-Jean de BÉRANGER / Quelques lettres inédites / Genève, C.-L. Sabot 1857 [BnF cote Rés. p-Z-2243(1)]
« On m'a surfait. Me comparer à La Fontaine, c'est un blasphème. M'égaler à Horace, c'est une absurdité. Toutes ces louanges n'auraient réussi qu'à me rendre ridicule, si, de bonne heure, je ne m'étais habitué à les prendre pour ce qu'elles valaient. » <À Mme de Solms, 1856 p.77>
« Bien des gens se croient poètes, parce qu'ils alignent des rimes ; ils se trompent, tout le monde fait des vers plus ou moins, cela n'est pas plus difficile que d'écrire en prose ; il faut de la force, de la concision, de l'énergie et de la simplicité, la versification vient après : c'est pourquoi Molière est et restera le poète par excellence. » <À Mme de Solms, p.91>
« Il existe une convention peu tacite entre l'auteur et le lecteur, par laquelle le premier s'intitule malade, et accepte le second comme garde-malade. C'est le poète qui console l'humanité ! Les rôles sont intervertis arbitrairement. » <I p.329>
« La poésie doit avoir pour but la vérité pratique. Elle énonce les rapports qui existent entre les premiers principes et les vérités secondaires de la vie. » <II p.348>
Friedrich NIETZSCHE / Le Gai Savoir. (1882-1887) / OEuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« N'est-ce pas chose très plaisante que les philosophes les plus sérieux, malgré toute la sévérité qu'ils mettent d'autre part à manier les certitudes, s'appuient toujours encore sur des sentences de poètes pour donner à leurs idées de la force et de l'authenticité ? - et pourtant il est plus dangereux pour une idée d'être approuvée par les poètes que d'être contredite par eux ! Car, comme dit Homère : "Les poètes mentent beaucoup !" » <84 p.103>
« Poète et menteur. - Le poète voit dans le menteur son frère de lait de qui il a volé le lait ; c'est pourquoi celui-ci est demeuré misérable et n'est même pas parvenu à avoir une bonne conscience. » <222 p.155>
Friedrich NIETZSCHE / Par-delà le bien et le mal (1886) / OEuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les poètes n'ont pas la pudeur de ce qu'ils vivent : ils l'exploitent. » <161 p.626>
Paul VALÉRY / Degas Danse Dessin (1936) / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« S'étant mis aux sonnets, il [Degas] consultait Heredia ou Mallarmé, leur soumettait les difficultés, les cas de conscience, les conflits du poème avec le poète. Un jour, m'a-t-il conté, dînant chez Berthe Morisot avec Mallarmé, il se plaignit à lui du mal extrême que lui donnait la composition poétique : "Quel métier ! criait-il, j'ai perdu toute ma journée sur un sacré sonnet, sans avancer d'un pas... Et cependant, ce ne sont pas les idées qui me manquent... J'en suis plein... J'en ai trop..." Et Mallarmé, avec sa douce profondeur : "Mais, Degas, ce n'est point avec des idées que l'on fait des vers... C'est avec des mots." C'était le seul secret. Il ne faut pas croire qu'on en puisse saisir la substance sans quelque méditation. » <p.1208>
Paul VALÉRY / Mélange (1939) / OEuvres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1957
« Les grands poètes reconnus servent à rendre la poésie chose sérieuse dans l'opinion - à en faire presque une institution, une affaire d'État. » <p.395>
Henry de MONTHERLANT / Carnets 1930-1944 / Essais / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1963
« La poésie est un grain de beauté sur la joue de l'intelligence. » <Carnet XIX p.975>
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« La France aime tuer ses poètes, les embaumer après et tuer les poètes nouveaux à coups de momies. » <14 avril 1942, p.83>
Jean COCTEAU / Journal d'un inconnu / Grasset 1953
« La poésie est une religion sans espoir. Le poète s'y épuise en sachant que le chef-d'oeuvre n'est, après tout, qu'un numéro de chien savant sur une terre peu solide. » <p.19>
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Les poètes comptent leurs pieds avec leurs doigts. » <p.110>
Jean L'ANSELME / Pensées et Proverbes de Maxime Dicton / Rougerie 1991
« La poésie est une question de tripes, mais à la mode de quand ? » <p.23>
« Le poète c'est celui qui compte sur ses doigts pour faire des vers et sur les mêmes doigts ceux qui les lisent. » <p.103>
« Si la poésie vous ennuie, mangez de l'ail ça tue les vers. » <p.106>
« Quand on souffle toute la nuit dans un clairon, on finit par se faire remarquer. Pour la poésie, c'est beaucoup plus long. » <p.116>