Diogène LAËRCE / Vies et doctrines des philosophes illustres / La Pochothèque LdP 1999
« Quelqu'un l'ayant fait entrer dans une demeure magnifique et lui interdisant de cracher, Diogène, après s'être raclé la gorge, lui cracha au visage, en lui disant qu'il n'avait pas trouvé d'endroit moins convenable. » <VI 32 Diogène p.712>
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La politesse n'inspire pas toujours la bonté, l'équité, la complaisance, la gratitude ; elle en donne du moins les apparences, et fait paraître l'homme au dehors comme il devrait être intérieurement. » <p.160 V (32)>
Charles de SAINT-ÉVREMOND / OEuvres mêlées (6) / Paris, C.Barbin 1684
« La politesse est un mélange de discrétion, de civilité, de complaisance et de circonspection, accompagné d'un air galant répandu sur tout ce qu'on dit, et ce qu'on fait. Et comme tant de choses sont essentiellement nécessaires pour avoir de la politesse, il ne faut pas s'étonner si elle est si rare. » <Avis et pensées sur plusieurs sujets, p.43>
« Pourquoi est-il contraire à la civilité de fixer les yeux sur quelqu'un sans lui rien dire ? C'est que c'est l'interroger sans qu'il puisse vous répondre. De là vient que le premier mouvement de celui qui est ainsi regardé, est de demander ce qu'on lui veut. Les yeux interrogent comme ils répondent ; ils prouvent l'âme, puisqu'ils la réfléchissent. » <Pensées, p.1378>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Par la politesse, dès le premier abord, les hommes qui n'ont pas encore eu le temps de savoir s'ils ont du mérite commencent par s'en supposer, c'est à dire par faire ce qui peut mutuellement leur être le plus avantageux ainsi que le plus agréable. » <4 février 1802 t.1 p.446>
« Il ne faut jamais chercher à s'excuser ; ce n'est point la raison des autres, mais leur passion, qui est irritée contre nous ; et, vis-à-vis de celle-ci, le temps est la meilleure justification. » <p.133>
Arthur SCHOPENHAUER / Aphorismes sur la sagesse dans la vie (1851) / Collection Quadrige / PUF 1943
« La politesse repose sur une convention tacite de ne pas remarquer les uns chez les autres la misère morale et intellectuelle de la condition humaine, et de ne pas se la reprocher mutuellement ; d'où il résulte, au bénéfice des deux parties, qu'elle apparaît moins facilement. Politesse est prudence ; impolitesse est donc niaiserie ; se faire, par sa grossièreté, des ennemis, sans nécessité et de gaieté de coeur, c'est de la démence ; c'est comme si l'on mettait le feu à sa maison. Car la politesse est, comme les jetons, une monnaie notoirement fausse : l'épargner prouve de la déraison ; en user avec libéralité, de la raison. » <p.141>
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Le fond de l'élégance française, c'est de dire monsieur à tout le monde et monseigneur à personne. » <1870 p.229>
« Disons, en passant, que si les Français ont eu la réputation pendant si longtemps d'être le peuple le plus poli de la terre, - c'est parce qu'ils portaient l'épée - et la tiraient facilement du fourreau. » <Janvier 1840, p.93>
Alphonse KARR / Sous les orangers / M. Lévy frères 1859
« Qu'est-ce que la politesse ? Une convention tacite entre deux hommes par laquelle chacun dissimule sa vanité au bénéfice de celle de l'autre. » <p.100>
Alphonse KARR / Une poignée de vérités / M. Lévy frères 1866
« Sans la politesse, on ne se réunirait que pour se battre. Il faut donc ou vivre seul ou être poli. » <p.303>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Si l'on me demandait le secret pour réussir dans le monde moderne, je dirais : "Soyez mal élevé. Le tact est ce qui nuit le plus dans le monde. Il humilie les hommes et gêne les femmes." » <4 mars 1860 p.540>
« Puis, on parle de cette école de gens qui ont succédé aux lycanthropes de 1830, les épaffeurs cyniques, de Baudelaire et de son mot culminant, un jour qu'il arrivait en retard dans une société : "Pardon, je suis en retard, je viens de gamahucher ma mère." » <11 avril 1863 p.955>
« Ne pas s'occuper des autres, c'est toute la distinction ; s'en occuper, c'est toute la politesse. Ces deux contraires, appliqués selon les lieux, les personnes, les circonstances, font tout l'homme bien élevé. » <3 janvier 1864 p.1042>
Paul-Jean TOULET / Le carnet de monsieur du Paur / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Les dictionnaires parlent d'un arbre qui s'appelle le muflier. Ce doit être une espèce très fructueuse. » <p.278>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La politesse exige que deux personnes qui se croisent lèvent ensemble leurs parapluies et s'accrochent. » <5 avril 1893 p.126>
Eugène MARBEAU / Remarques et pensées / Paris Ollendorf 1901 [BnF]
« Quand on s'excuse de ne pouvoir venir, de ne pouvoir rester, on invoque toujours une obligation ennuyeuse. » <p.70>
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« L'on doit apprendre à remercier. C'est tout un art. Et dans certaines circonstances n'hésitons pas à décerner nos remerciements. Nous pouvons même aller jusqu'à féliciter celui qui nous oblige. C'est ainsi que l'on augmente son crédit - car cela tend à démontrer que tout en somme nous est dû. » <p.75>
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« Je suis toujours prêt à tutoyer, pourvu qu'on ne me tutoie pas. » <18 avril 1942, p.90>
« Histoire type du métro en 1943. Une vieille dame y entre et un jeune soldat allemand lui cède sa place avec une phrase allemande fort courtoise. La vieille dame gifle le jeune Allemand à tour de bras. Le public s'attendait au pire, mais le jeune Allemand baisse la tête et ses camarades n'en mènent pas large. À la première station, ils se sauvent tous sans demander leur reste. On interroge la vieille dame, assise et qui triomphe. "C'est, répond-elle, que je comprends l'allemand : Il m'a dit : "Mets ton cul là, vieille vache"." » <17 juillet 1943, p.320>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« La politesse, c'est l'indifférence organisée. Le sourire est un système. Les égards sont des prévisions. » <p.621>
Georges BERNANOS / Le Chemin de la Croix-des-Âmes (1948) / Essais et écrits de combats II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1995
« Les bonnes manières ont été jadis chez nous la discipline que s'imposaient volontairement des êtres humains d'un tempérament incroyable, violents et passionnés. La discipline subsiste toujours, mais le tempérament n'existe plus, la discipline est devenue un simple conformisme analogue aux autres conformismes, moral, social ou religieux. Les règles faites pour des bêtes libres et ardentes sont maintenant scrupuleusement observées par des animaux domestiques. » <mars 1943, p. 514>
ALAIN / Les idées et les âges / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Certes on sait quelque chose de la politesse quand on a appris à ne pas faire voir que l'on voit ; ce n'est pourtant que le commencement. La politesse pleine est certainement à ne point voir ; c'est pourquoi aucune contemplation des personnes n'est polie ; et, en ce sens, l'admiration n'est certainement pas parfaitement polie. » <p.181>
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) / Garnier frères 1877 [BnF]
« Les Espagnols, pour avoir une contenance plus grave, portaient communément des lunettes. Marie-Louise d'Orléans, qui épousa Charles II, se voyant entourée de tous ces gens à lunettes qui l'épluchaient de la tête aux pieds, dit plaisamment à un gentilhomme français qui était auprès d'elle : "Je pense que ces Messieurs me prennent pour une vieille chronique dont ils veulent déchiffrer jusqu'aux points et aux virgules." » <p.205>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Être poli, c'est dire ou signifier, par tous ses gestes et par toutes ses paroles : "Ne nous irritons pas ; ne gâtons pas ce moment de notre vie" Est-ce donc bonté évangélique ? Non. Je ne pousserais point jusque-là ; il arrive que la bonté est indiscrète et humilie. La vraie politesse est plutôt dans une joie contagieuse, qui adoucit tous les frottements. Et cette politesse n'est guère enseignée. Dans ce que l'on appelle la société polie, j'ai vu bien des dos courbés, mais je n'ai jamais vu un homme poli. » < 8 mars 1911 p.103>
« Croire est une politesse ; c'est même la plus profonde politesse. Et, au rebours, ne pas croire est une sorte d'injure, et qui nous plaît, même silencieuse. On voit jusqu'où l'esprit humain peut s'égarer en cette politique, qui est toute la politique. Nous ne cessons de jurer par l'un et par l'autre, contre l'un et contre l'autre. On admire l'aveuglement de ceux qui nient un fait bien connu ; on l'admire dans un adversaire ; on ne le remarque seulement point en soi-même. » <26 janvier 1929 p.823>
Emil CIORAN / De l'inconvénient d'être né (1973) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« C'est s'investir d'une supériorité bien abusive que de dire à quelqu'un ce qu'on pense de lui et de ce qu'il fait. La franchise n'est pas compatible avec un sentiment délicat, elle ne l'est même pas avec une exigence éthique. » <p.1341>
« Rien ne surpasse en gravité les vilenies et les grossièretés que l'on commet par timidité. » <p.1384>
André COMTE-SPONVILLE / Petit traité des grandes vertus / PUF 1995
« La politesse rend le méchant plus haïssable parce qu'elle dénote en lui une éducation sans laquelle sa méchanceté, en quelque sorte, serait excusable. Le salaud poli, c'est le contraire d'un fauve, et l'on n'en veut pas aux fauves. C'est le contraire d'un sauvage, et l'on excuse les sauvages. » <p.16>
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / Album perdu [Ana] / Paris, ? 1829 [BnF]
« La princesse de ... , soeur d'un brave, mort dans l'Elster, s'avisa un jour de lui demander [à Talleyrand] comment allaient ses jambes*. - "Comme vous voyez." La princesse est borgne. » <p.136>
* Talleyrand avait un pied-bot.
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil. » <19 mai 1805 t.2 p.119>
« C'est Pierre Dac qui m'a raconté celle-là. Pendant la seconde guerre mondiale, un Français Libre de Londres avait une petite amie anglaise, très distinguée, qui ne connaissait pas un mot de notre langue. Toutefois, afin d'accueillir nos compatriotes nouveaux arrivants, il lui avait appris une phrase française qu'elle croyait ingénument vouloir dire "Enchantée de vous connaître" et qui était, avec l'accent, "Vas te faire enkiouler". D'abord surpris, le garçon faisait semblant de rien pour ne pas déflorer l'effet que cela ne manquerait pas de faire sur les suivants. Si bien que cette originale formule de politesse perdura près de deux ans. » <p.42>
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« C'est fou ce qu'on peut perdre de temps à être poli ! J'ai fait le calcul pour la seule journée d'hier : soixante-dix-sept minutes de bla-bla futiles, de formules creuses, de platitudes hypocrites, de salamalecs anachroniques et d'amabilités désuètes sur dix heures de vie sociale. » <p.19>