« Ne fais rien dans ta vie, qui te fasse redouter que ton voisin en prenne connaissance. » <70 p.218>
SÉNÈQUE / Lettres à Lucilius / Robert Laffont - Bouquins 1993
« Je dirai une chose qui doit te permettre d'apprécier notre moralité : tu ne trouveras guère personne à qui il soit possible de vivre à portes ouvertes. Ce n'est pas l'orgueil, c'est notre conscience alarmée qui s'est fait du portier une barrière. Voilà comme nous vivons ! Être vu à l'improviste, c'est se faire prendre sur le fait. Pourtant à quoi bon s'enfermer, éviter les yeux et les oreilles ? Une bonne conscience appelle la foule en garant ; une mauvaise est en proie, jusque dans la solitude, à l'angoisse et au tourment. Si tes actions sont honnêtes, que tout le monde les sache ; vicieuses, qu'importe que nul ne les connaisse, puisque, toi, tu les connais ? Ah ! quelle est ta misère, si tu méprises ce témoin. » <Lettre 43-4 p.698>
ÉPICTÈTE / Entretiens / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« En général, tout savoir acquis par des gens moralement frustes et faibles offre le danger de les gonfler d'orgueil. » <I viii p.828>
MARC-AURÈLE / Pensées / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Voici la morale parfaite : vivre chaque jour comme si c'était le dernier ; ne pas s'agiter, ne pas sommeiller, ne pas faire semblant. » <VII (69) p.1199>
Michel de MONTAIGNE / Essais / Garnier 1962
« Nos jugemens sont encores malades, et suyvent la depravation de nos meurs. Je voy la pluspart des esprits de mon temps faire les ingenieux a obscurcir la gloire des belles et genereuses actions anciennes, leur donnant quelque interpretation vile et leur controuvant des occasions et des causes vaines. Grande subtilité ! Qu'on me donne l'action la plus excellente et pure, je m'en vois y fournir vraysemblablement cinquante vitieuses intentions. » <t.1 p.260 livre I chap.XXXVII>
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Un homme qui vient d'être placé ne se sert plus de sa raison et de son esprit pour régler sa conduite et ses dehors à l'égard des autres ; il emprunte sa règle de son poste et de son état : de là l'oubli, la fierté, l'arrogance, la dureté, l'ingratitude. » <p.230 VII (51)>
La morale et la science ont le même fondement :
« Qui nous a donné le sentiment du juste et de l'injuste ? Dieu, qui nous a donné un cerveau et un coeur. Mais quand votre raison vous apprend-elle qu'il y a vice et vertu ? Quand elle nous apprend que deux et deux font quatre. » <p.269>
« Redisons tous les jours à tous les hommes : "La morale est une, elle vient de Dieu ; les dogmes sont différents, ils viennent de nous". » <p.270>
Origine du mal.
« On dit à un soldat pour l'encourager : "Songe que tu es du régiment de Champagne." On devrait dire à chaque individu : "Souviens-toi de ta dignité d'homme." Et en effet, malgré qu'on en ait, on en revient toujours là ; car que veut dire ce mot si fréquemment employé chez toutes les nations, rentrez en vous-même ? Si vous étiez né enfant du diable, si votre origine était criminelle, si votre sang était formé d'une liqueur infernale, ce mot rentrez en vous-même signifierait : consultez, suivez votre nature diabolique, soyez imposteur, voleur, assassin, c'est la loi de votre père. L'homme n'est point né méchant ; il le devient, comme il devient malade. Des médecins se présentent et lui disent : "vous êtes né malade." Il est bien sûr que ces médecins, quelque chose qu'ils disent et qu'ils fassent, ne le guériront pas si sa maladie est inhérente à sa nature ; et ces raisonneurs sont très malades eux-mêmes. » <p.301-302>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Il y a des gens qui n'ont de la morale qu'en pièce. C'est une étoffe dont ils ne se font jamais d'habits. » <21 mars 1796 t.1 p.177>
« Ôtez le beau, vous ôtez la moitié de la morale ; la moitié de ses règles. On n'a plus qu'un critérium ; avec le beau, on en a deux : le bien et lui. » <18 avril 1815 t.2 p.502>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà, je crois, toute la morale. » <319 p.123>
STENDHAL / Journal / OEuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« L'homme qui cherche habituellement des vérités morales et qui est sans cesse occupé à faire des raisonnements sur cet objet, prend l'habitude d'un style vrai et naturel qui, porté dans la société, y produit beaucoup de désordres. Il blesse les vanités, les convenances, etc. Une plaisanterie amusante a plus de prix si l'on voit qu'elle est dite dans l'intention de vous plaire que si elle est faite naturellement. » <30 mars 1810 p.559>
Ernest RENAN / L'Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« Il y a dans l'humanité une faculté ou un besoin, une capacité en un mot qui est comblée de nos jours par la morale, et qui l'a toujours été et le sera toujours par quelque chose d'analogue. Je conçois de même pour l'avenir que le mot morale devienne impropre et soit remplacé par un autre. Pour mon usage particulier, j'y substitue de préférence le nom d'esthétique. En face d'une action, je me demande plutôt si elle est belle ou laide, que bonne ou mauvaise, et je crois avoir là un bon critérium ; car avec la simple morale qui fait l'honnête homme, on peut encore mener une assez mesquine vie. » <p.224>
« Je vis un jour dans un bois un essaim de vilains petits insectes, qui avaient entouré de leurs filets une jeune plante et suçaient ses pousses vertes avec un si laid caractère de parasitisme que cela faisait répugnance. J'eus un instant l'idée de les détruire. Puis je me dis : "Ce n'est pas leur faute s'ils sont laids ; c'est une façon de vivre". Il est d'un petit esprit, me disais-je de moraliser la nature et de lui imposer nos jugements. Mais maintenant je vois que j'eus tort ; j'aurais dû les tuer ; car la mission de l'homme dans la nature, c'est de réformer le laid et l'immoral. » <note 182 p.523>
Anatole FRANCE / Le Mannequin d'osier (1897) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000
« Nos idées morales ne sont pas le produit de la réflexion, mais la suite de l'usage. Comme à l'adoption de ces idées sont attachées des notes d'honneur et à leur répudiation des notes d'infamie, personne n'ose les remuer ouvertement. Elles sont admises sans examen par la communauté tout entière, indépendamment des croyances religieuses et des opinions philosophiques, et elles ne sont pas plus fortement soutenues par ceux qui s'astreignent à les mettre en pratique que par ceux qui n'y conforment pas leurs actes. L'origine de ces idées est seule en discussion. Tandis que les esprits qui se disent libres croient retrouver dans la nature les règles de leur conduite, les âmes pieuses tirent de la religion les règles de la leur, et ces règles se trouvent être les mêmes, à peu de chose près, non parce qu'elles sont universelles, à la fois divines et naturelles, comme on se plaît à le dire, mais, au contraire, parce qu'elles sont propres au temps et au lieu, tirées des mêmes habitudes, déduites des mêmes préjugés. Chaque époque a sa morale dominante, qui ne résulte ni de la religion ni de la philosophie, mais de l'habitude, seule force capable de réunir les hommes dans un même sentiment, car tout ce qui est sujet au raisonnement les divise ; et l'humanité ne subsiste qu'à la condition de ne point réfléchir sur ce qui est essentiel à son existence. La morale domine les croyances, qui sont sujettes à dispute, tandis qu'elle n'est jamais examinée. » <17, p.235>
Anatole FRANCE / L'Île des Pingouins (1908) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000
« La loi morale [...] oblige les hommes qui sont des bêtes à vivre autrement que des bêtes, ce qui les contrarie sans doute, mais aussi les flatte et les rassure ; et, comme ils sont orgueilleux, poltrons et avides de joie, ils se soumettent volontiers à des contraintes dont ils tirent vanité et sur lesquelles ils fondent et leur sécurité présente et l'espoir de leur félicité future. Tel est le principe de toute morale... » <Livre II, 1, p.593>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (2) / Mercure de France 1923
« La morale est personnelle ; elle est dictée à chacun par sa propre sensibilité. Et qu'on ne dise pas : par sa propre conscience. La conscience morale n'est, le plus souvent, qu'un instrument acquis par l'habitude, imposé par l'autorité. N'ayant pas été fait spécialement pour nous, il ne sert qu'à nous troubler : c'est un grand hasard que les lunettes de mon voisin puissent convenir à mes yeux. La base de la morale des moeurs doit donc être la liberté ; et la législation des moeurs, le laisser faire. » <juillet 1900, p.164>
Charles BAUDELAIRE / Mon coeur mis à nu / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« Tous les imbéciles de la Bourgeoisie qui prononcent sans cesse les mots : "immoral, immoralité, moralité dans l'art" et autres bêtises, me font penser à Louise Villedieu, putain à cinq francs, qui m'accompagnant une fois au Louvre, où elle n'était jamais allée, se mit à rougir, à se couvrir le visage, et me tirant à chaque instant par la manche, me demandait, devant les statues et les tableaux immortels, comment on pouvait étaler publiquement de pareilles indécences. » <p.707>
Charles BAUDELAIRE / Le Spleen de Paris / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« On n'est jamais excusable d'être méchant, mais il y a quelque mérite à savoir qu'on l'est ; et le plus irréparable des vices est de faire le mal par bêtise. » <p.324>
Oscar WILDE / Formules et maximes / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« L'immoralité est un mythe inventé par les honnêtes gens pour expliquer la curieuse attirance qu'exercent les autres. » <p.969>
Gustave FLAUBERT / Dictionnaire des idées reçues / Bouvard et Pécuchet / Garnier-Flammarion 1966
« MATINAL. - L'être, preuve de moralité. Si l'on se couche à 4 heures du matin et qu'on se lève à 8, on est paresseux, mais si l'on se met au lit à 9 heures du soir pour en sortir le lendemain à 5, on est actif. » <p.367>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La bête en nous veut être trompée ; la morale est un mensonge nécessaire, pour que nous n'en soyons pas déchirés. Sans les erreurs qui résident dans les postulats de la morale, l'homme serait resté animal. Mais de cette façon il s'est pris pour quelque chose de supérieur et s'est imposé des lois plus sévères. Il a par là de la haine pour les degrés restés plus voisins de l'animalité ; c'est par cette raison qu'il faut expliquer l'antique mépris de l'esclave, considéré comme l'être qui n'est pas un homme, comme une chose. » <40 p.470>
« Il y a un acharnement envers soi-même, aux manifestations les plus sublimes duquel appartiennent nombre de formes de l'ascétisme. [...] Ainsi l'homme s'élève par des chemins dangereux aux plus hautes cimes, pour se rire de son angoisse et de ses genoux vacillants ; ainsi le philosophe professe des opinions d'ascétisme, d'humilité, de sainteté, dans l'éclat desquelles sa propre figure est enlaidie de la façon la plus odieuse. Cette torture de soi-même, cette raillerie de sa propre nature, ce spernere se sperni, à quoi les religions ont donné tant d'importance, est proprement un très haut degré de vanité. Toute la morale du Sermon sur la Montagne en relève : l'homme éprouve une véritable volupté à se faire violence par des exigences excessives et à déifier ensuite ce quelque chose qui commande tyranniquement dans son âme. Dans toute morale ascétique, l'homme adore une partie de soi comme une divinité et doit pour cela nécessairement rendre les autres parties diaboliques. » <137 p.518>
« Offenser et être offensé. - Il est plus agréable d'offenser et de demander pardon ensuite que d'être offensé et d'accorder le pardon. Celui qui fait le premier donne une marque de puissance, et après, de bonté de caractère. L'autre, s'il ne veut pas passer pour inhumain est obligé déjà de pardonner ; la jouissance que procure l'humiliation d'autrui est très réduite par cette obligation. » <348 p.606>
« Sort de la moralité. - La servitude des esprits étant en train de diminuer, il est certain que la moralité (c'est-à-dire la façon d'agir héréditaire, traditionnelle et instinctive, conformément à des sentiments moraux) diminue également ; mais non point les vertus particulières, la modération, la justice, la tranquillité d'âme, - car la plus grande liberté pousse involontairement l'esprit conscient à ces vertus et les recommande aussi à cause de leur utilité. » <212 p.909>
Friedrich NIETZSCHE / Par-delà le bien et le mal (1886) / OEuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Qu'on me pardonne d'avoir découvert que toutes les philosophies morales ont été jusqu'à ce jour ennuyeuses et de vrais soporifiques ; que rien n'a fait à mes yeux plus de tort à la "vertu" que l'ennui répandu par ses avocats, - dont je ne méconnais pourtant pas l'utilité générale. Il est très important qu'aussi peu de gens que possibles réfléchissent à la morale, il est donc très important que la morale n'aille pas devenir un jour intéressante ! Mais on peut dormir tranquille : il en est aujourd'hui comme il en a toujours été : je ne vois personne en Europe qui soupçonne ou laisse soupçonner que réfléchir sur la morale puisse être quelque chose de dangereux, de captieux, d'insidieusement séduisant, et qu'il puisse s'y cacher quelque fatalité. » <228 p.674>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Du talent, tu en as assez. Maintenant, perfectionne un peu ta morale. » <25 mars 1894 p.167>
« Tu as jeté les pierres de ton jardin dans le jardin des autres,et, pour y ajouter, tu as démoli un peu de ton mur. » <26 mai 1896 p.264>
« La morale est dans les faits, pas dans les sentiments. Si je soigne mon père, je peux m'amuser à désirer sa mort. » <1 octobre 1898 p.397>
« Les jeunes filles n'ont pas le droit de tout lire, mais elles peuvent passer leur après-midi, au Jardin d'acclimatation, à regarder les singes. » <26 janvier 1903 p.632>
« Les moralistes qui vantent le travail me font penser à ces badauds qui ont été attrapés dans une baraque de foire et qui tâchent tout de même d'y faire entrer les autres. » <11 mars 1904 p.701>
« Prenez à toutes les morales ce qui en fait la valeur, à la morale chrétienne ce qu'elle a de bon. Jésus-Christ était un homme supérieur et modeste : il ne criera pas au voleur. » <13 mars 1906 p.820>
Nécessité de la morale :
« L'ensemble des règles morales forme vraiment autour de chaque homme une sorte de barrière idéale, au pied de laquelle le flot des passions humaines vient mourir, sans pouvoir aller plus loin. Et, par cela même qu'elles sont contenues, il devient possible de les satisfaire. Aussi, que, sur un point quelconque, cette barrière vienne à faiblir, et aussitôt, par la brèche ouverte, les forces humaines jusque-là contenues se précipitent tumultueusement ; mais, une fois lâchées, elles ne peuvent plus trouver de terme où elles s'arrêtent ; elles ne peuvent que se tendre douloureusement dans la poursuite d'un but qui leur échappe toujours. Que, par exemple, les règles de la morale conjugale perdent de leur autorité, que les devoirs auxquels les époux sont tenus l'un envers l'autre soient moins respectés, et les passions, les appétits que cette partie de la morale contient et réglemente se déchaîneront, se dérégleront, s'exaspéreront par ce dérèglement même ; et, impuissantes à s'apaiser parce qu'elles se seront affranchies de toutes limites, elles détermineront un désenchantement, qui se traduira d'une manière visible dans la statistique des suicides. » <p.36>
Sigmund FREUD / Essais de psychanalyse / Petite Bibliothèque Payot (44) 1973
« Devant le cadavre de la personne aimée prirent naissance non seulement la doctrine des âmes, la croyance à l'immortalité, mais aussi, avec le sentiment de culpabilité humaine, qui ne tarda pas à pousser une puissante racine, les premiers commandements moraux. Le premier et le plus important commandement qui ait jailli de la conscience à peine éveillée était : tu ne tueras point. Il exprimait une réaction contre le sentiment de satisfaction haineuse qu'à côté de la tristesse on éprouvait devant le cadavre de la personne aimée et s'est étendu peu à peu aux étrangers indifférents et même aux ennemis détestés. » <Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort, 1915 p.261>
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Les moralistes sont toujours bouffons, et souvent comiques quand on regarde ce qu'ils sont eux-mêmes. » <14 Octobre 1942 III p.717>
Paul LÉAUTAUD / Passe-temps / OEuvres / Mercure de France 1988
« On a inventé les chemins de fer. On a trouvé l'électricité, la télégraphie sans fil, la circulation aérienne et sous-marine, les canons à grande portée et la poudre sans fumée. On voyage plus vite. On a mis de l'air dans les rues et dans les maisons. On se nourrit mieux. Il y a plus de gens qui lisent comme plus de gens qui écrivent (la qualité valait mieux que la quantité). Les malades sont mieux soignés. On ne brûle plus les impies ni les libertins (encore qu'il y ait l'antisémitisme et le lynchage des nègres). Le progrès s'arrête là. Purement matériel. Rien de moral. On n'a pas amélioré les hommes, qui sont ce qu'ils ont toujours été et seront toujours. » <p.229>
« Je n'ai jamais été capable des grands sentiments : ils me font rire. » <p.260>
Francis PICABIA / Dits / Eric Losfeld 1960
« La morale est l'épine dorsale des imbéciles. » <p.2>
Henry BECQUE / L'Esprit d'Henry Becque / nrf Gallimard 1927
« La morale n'est peut-être que la forme la plus cruelle de la méchanceté. » <p.114>
Henri JEANSON / Jeanson par Jeanson / Ed. René Chateau 2000
« Je n'aime pas les moralistes et tiens qu'un pur trouve toujours un plus pur qui l'épure. » <Le Canard enchaîné, 30 avril 1947, p.336>
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« En cherchant bien, l'on trouverait à la plupart des bonnes actions des circonstances atténuantes. » <p.79>
Sacha GUITRY / Elles et Toi / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Les honnêtes femmes sont inconsolables des fautes qu'elles n'ont pas commises. » <p.112>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Les lois et les morales sont essentiellement éducatrices, et par cela même provisoire. Toute éducation bien entendue tend à pouvoir se passer d'elles. Toute éducation tend à ce nier d'elle-même. Les lois et les morales sont pour l'état d'enfance : l'éducation est une émancipation. Une cité, un État parfaitement sage vivrait, jugerait sans lois, les normes étant dans l'esprit de son aréopage. L'homme sage vit sans morale, selon sa sagesse. Nous devons essayer d'arriver à l'immoralité supérieure. » <p.55>
« C'est toujours la même histoire dans la vie : il y a des gens sur qui l'on compte, et dont on a besoin, qui ne font pas leur devoir ; de sorte que ceux qui continuent de faire le leur font figure de poires et paraissent être joués. Il faut placer son enjeu plus haut. » <p.648>
Maurice DONNAY / L'esprit de Maurice Donnay / nrf Gallimard 1926
« Vous avez déjà vu des prestidigitateurs faire des tours de cartes ?... Ils les font couper, ils les battent, ils les mêlent en se faisant fort de toujours retrouver le roi de coeur sur le jeu. Quand ils le retrouvent on applaudit, car le tour est bien fait, mais quand ils ne le retrouvent pas, le tour est manqué et le prestidigitateur prête à rire. Lorsqu'on ne réussit pas, on a tort : c'est la morale du monde. » <p.124>
Hermann HESSE / Le Jeu des Perles de Verre / Romans et nouvelles / La Pochothèque LdP 1999
« On le sait, ou on le soupçonne : quand la pensée manque de pureté et de vigilance, et que le respect de l'esprit n'a plus cours, les navires et les automobiles ne tardent pas non plus à mal marcher, la règle à calcul de l'ingénieur comme la mathématique des banques et des bourses voient leur valeur et leur autorité chanceler, et c'est alors le chaos. Il fallut pourtant longtemps pour qu'on admît que les formes extérieures de la civilisation, la technique, l'industrie, le commerce, etc., avaient besoin, elles aussi, de cette base commune de morale et de probité intellectuelles. » <p.1468>
« Celui qui n'aurait pas à combattre contre ses penchants serait innocent plutôt que vertueux. » <Pensées, p.1351>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Morale. Si les principes d'une morale étaient si bien inculqués que ses exigences les plus héroïques soient obéies par automatisme ; que l'homme ne puisse voir un pauvre sans se dénuder et le vêtir, presque inconsciemment ; une belle personne, sans dégoûts ; un lépreux, sans appétit de ses croûtes... je doute que le moraliste soit content. Le moraliste est un amateur difficile. Il lui faut des combats et même des chutes. Une morale sans déchirements, sans périls, sans troubles, sans remords, sans nausées, cela n'a pas de saveur. Le désagréable, le tourment, le labeur, le vent contraire, sont essentiels à la perfection de cet art. Le mérite importe, et non la conformité seule. C'est l'énergie dépensée à contre-pente qui compte. Sa morale se réduit donc à l'orgueil de contrarier. Il en résulterait aisément qu'un être naturellement moral se forçant à l'immoralité vaut un être immoral qui se force à la moralité. » <p.510>
« "Je suis un honnête homme, dit-il, - je veux dire que j'approuve la plupart de mes actions." » <p.645>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Quand nous disons quelque vérité désagréable, avec une voix aigre et le sang au visage, ce n'est qu'un mouvement d'humeur, ce n'est qu'une courte maladie que nous ne savons pas soigner ; en vain nous voulons ensuite y avoir mis du courage ; cela est douteux, si nous n'avons pas risqué beaucoup, et, d'abord, si nous n'avons pas délibéré. D'où je tirerais ce principe de morale : "Ne sois jamais insolent que par volonté délibérée, et seulement à l'égard d'un homme plus puissant que toi." Mais sans doute vaut-il mieux dire le vrai sans forcer le ton, et même, dans le vrai, choisir ce qui est louable. » <8 mars 1911 p.102>
Louis-Ferdinand CÉLINE / Voyage au bout de la nuit (1932) / Romans (1) / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1997
« Si les gens sont si méchants, c'est peut-être seulement parce qu'ils souffrent, mais le temps est long qui sépare le moment où ils ont cessé de souffrir de celui où ils deviennent un peu meilleurs. » <p.74>
Vladimir JANKÉLÉVITCH / Philosophie morale / Mille&UnePages Flammarion 1998
« Agis de telle sorte que tes arrangements puissent être pensés publics sans scandale, c'est-à-dire de façon à pouvoir les professer sans en rougir : telle est la maxime cardinale de la franchise. Peux-tu vouloir que le pacte honteux supporte l'épreuve du grand jour ? S'il devient indéfendable aussitôt qu'on l'énonce à haute voix, c'est qu'il ne mérite pas d'exister, c'est qu'il est un expédient immoral et malhonnête ; il dénonce, publié en majuscules, sa propre pauvreté et risibilité. » <Du mensonge, p.285>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Certes, saint Mathieu a dit : "Malheur à l'homme par qui le scandale arrive * " ; mais la phrase précédant ce mot historique n'est pas moins importante : "Car c'est une nécessité qu'il arrive des scandales." » <7 mai 1969 p.194>
* Matthieu 18-7.
Georges ELGOZY / Le Fictionnaire ou précis d'indéfinitions / Denoël 1973
« Qui vit au-dessus de ses moyens finit par vivre au-dessous de ses principes. Quand il a des principes. » <Compensation, p.72>
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Pourquoi parle-t-on aujourd'hui si souvent d'"éthique" et si peu de "morale" ? C'est que la morale est une éthique que l'on ne compose pas soi-même et que l'on ne peut pas changer tous les jours, alors que l'éthique est une morale que l'on met en discussion. » <p.137>
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« C'est un des principaux arts humains que d'inventer des mobiles moraux à des actes malhonnêtes. » <p.130>
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« La malhonnêteté a davantage de classe quand elle sert à acheter des signes de respectabilité. » <p.125>