MARIVAUX / Réflexions sur les hommes (1751) / Journaux et OEuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« Il faudrait [...] pour le bonheur des hommes, qu'ils ne fussent ni trop ignorants ni trop avancés. Trop d'ignorance leur donne des moeurs barbares ; le trop d'expérience leur en donne d'habilement scélérates. La médiocrité de connaissance leur en donnerait de plus douces. » <p.709>
Théophile GAUTIER / Mademoiselle de Maupin (1835) / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1995
« Je ne sais qui a dit je ne sais où, que la littérature et les arts influaient sur les moeurs. Qui que ce soit, c'est indubitablement un grand sot. - C'est comme si l'on disait les petits pois font pousser le printemps, les petits pois poussent au contraire parce que c'est le printemps, et les cerises parce que c'est l'été. Les arbres portent les fruits, et ce ne sont pas les fruits qui portent les arbres assurément, loi éternelle et invariable dans sa variété ; les siècles se succèdent et chacun porte son fruit qui n'est pas celui du siècle précédent ; les livres sont les fruits des moeurs. » <Préface, p.190>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les moeurs et leurs victimes. - L'origine des moeurs doit être ramenée à deux idées : "la communauté a plus de valeur que l'individu", et "il faut préférer l'avantage durable à l'avantage passager" ; d'où il faut conclure que l'on doit placer, d'une façon absolue, l'avantage durable de la communauté avant l'avantage de l'individu, surtout avant son bien-être momentané, mais aussi avant son avantage durable et même avant sa survie. Que l'individu souffre d'une institution qui profite à l'ensemble de la communauté, soit que cette institution le force à s'étioler ou même qu'il en meure, peu importe, - les moeurs doivent être préservées, il faut faire le sacrifice. Mais un pareil sentiment ne prend naissance que chez ceux qui ne sont pas victimes, - car la victime fait valoir, dans son propre cas, que l'individu peut être d'une valeur supérieure au nombre, et, de même, que la jouissance du présent, du moment paradisiaque pourrait être estimée supérieure à la médiocre perpétuation d'états sans douleur et de conditions de bien-être. La philosophie de la victime se fait cependant toujours entendre trop tard, on s'en tient donc aux moeurs et à la moralité : la moralité n'étant que le sentiment que l'on a de l'ensemble des moeurs, sous l'égide desquelles on vit et l'on a été élevé - élevé, non en tant qu'individu, mais comme membre d'un tout, comme chiffre d'une majorité. - C'est ainsi qu'il arrive sans cesse que l'individu se majore lui-même au moyen de sa moralité. » <89 p.730>