MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Le Père Buffier a défini la beauté : l'assemblage de ce qui est le plus commun. Quand sa définition est expliquée, elle est excellente, parce qu'elle rend raison d'une chose très obscure, parce que c'est une chose de goût. Le Père Buffier dit que les beaux yeux sont ceux dont il y en a un plus grand nombre de la même façon ; de même, la bouche, le nez, etc. Ce n'est pas qu'il n'y ait un beaucoup plus grand nombre de vilains nez que de beaux nez ; mais que les vilains sont de bien différentes espèces ; mais chaque espèce de vilains est en beaucoup moindre nombre que l'espèce des beaux. C'est comme si, dans une foule de cent hommes, il y a dix hommes habillés de vert, et que les quatre-vingt-dix restants soient habillés chacun d'une couleur particulière : c'est le vert qui domine. Enfin, il me paroît que la difformité n'a point de bornes. Les grotesques de Callot peuvent être variés à l'infini. Mais la régularité dans les traits est entre certaines limites. Ce principe du Père Buffier est excellent pour expliquer comment une beauté françoise est horrible à la Chine, et une chinoise, horrible en France. Enfin, il est excellent peut-être pour expliquer toutes les beautés de goût, même dans les ouvrages d'esprit. Mais il faudra penser là-dessus. » <956 p.1256>
« Les hommes ne paroissent jamais plus outrés que lorsqu'ils méprisent, ou lorsqu'ils admirent : il semble qu'il n'y ait point de milieu entre l'excellent et le détestable. » <959 p.1257>
Madame de LAMBERT / Avis d'une mère à sa fille / OEuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Le grand malheur de la laideur, c'est qu'elle éteint et qu'elle ensevelit le mérite des femmes. On ne va point chercher dans une figure disgraciée les qualités de l'esprit et du coeur ; c'est une grande affaire, quand il faut que le mérite se fasse jour au travers d'un extérieur désagréable. » <p.61>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« L'exclamation "c'est beau !" et son effet. C'est de tous les mots le plus indéterminé et le mieux entendu. » <16 août 1803 t.1 p.546>
« Ni tous les rossignols ne chantent également bien, ni toutes les roses ne sentent également bon. » <7 août 1803 t.1 p.544>
« Dans un ouvrage, quel qu'il soit, la symétrie apparente ou cachée est le fondement visible ou secret du plaisir que nous éprouvons. C'est elle qui donne une base aux mouvements qu'excitent les variétés, les contrastes. » <9 mars 1807 t.2 p.185>
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Une chose réputée belle qui ennuie les esprits d'élite n'est point belle. Principes : le beau n'est jamais ennuyeux, le mauvais n'est jamais amusant. » <1845-50 p.216>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.3) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Axiome : tout ce qui est joli n'est pas commode. Exemple : le mobilier contourné Louis XV. » <28 août 1894, p.1005>
« Le goût est la qualité fondamentale qui résume toutes les autres qualités. C'est le nec plus ultra de l'intelligence. Ce n'est que par lui seul que le génie est la santé suprême et l'équilibre de toutes les facultés. » <I p.331>
Lorédan LARCHEY / L'Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« Gérard de Nerval fut grand voyageur, sincère admirateur sans convoitise aucune, bien qu'il fût misérable, de tout ce qui lui paraissait digne d'être admiré. Ce culte désintéressé du beau, il le définissait en trois mots bien plus sensés qu'ils n'en ont l'air : - Voir, c'est avoir. » <p.228>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Il était si laid que, lorsqu'il faisait des grimaces, il l'était moins » <4 décembre 1891 p.83>
« Ce qui nous paraît de mauvais goût, c'est ce que nous ne sommes pas en humeur de goûter. Un quart d'heure plus tard ou plus tôt, et s'était savoureux. » <13 avril 1905 p.764>
Léon BLOY / Mon journal / Journal I / Robert Laffont - Bouquins 1999
« Avantage de la laideur sur la beauté. La beauté finit et la laideur ne finit pas. » <14 décembre 1897, p.213>
Gustave LE BON / Aphorismes du temps présent (1913) / Paris, Les amis de G. Le Bon 1978 [BnF]
« Le beau, c'est ce qui nous plaît, et ce qui nous plaît se détermine moins par le goût personnel, que par celui des personnes influentes, dont la contagion mentale impose le jugement. » <p.211>
Raymond RADIGUET / OEuvres / La Pochothèque LdP 2001
« En matière d'esthétique on n'est jamais nouveau profondément. Les lois du beau sont éternelles, les plus violents novateurs s'y soumettent sans s'en rendre compte : ils s'y soumettent à leur manière, c'est là l'intérêt. » <Art poétique (1922) p.193>
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« Il est difficile de rendre la beauté visible. Les gens ne reconnaissent que ses caricatures. » <2 février 1943, p.255>
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« À son dernier cours, ou à l'avant-dernier, Valéry a donné cette définition du Beau : "Le Beau, c'est le rare." On reconnaît bien là le précieux, le fabricant de poésie qu'est Valéry. Sa définition est aussi sotte que fausse, et que néfaste à propager. Le rare, c'est le fabriqué, le maniéré, le compliqué, le torturé, l'artificiel dans toute son acception. Quand on sait que les poèmes de Mallarmé, sous leur vocabulaire quintessencié, ont pour sujet (en clair) les motifs les plus plats et ainsi ne sont rares que par leurs chinoiseries de mots et de syllabes, cela en dit long sur ce qu'entend et propose la définition de Valéry. » <11 Avril 1944 III p.1043>
LE CORBUSIER / Vers une architecture (1923) / Champs Flammarion 1995
« Les ingénieurs font de l'architecture, car ils emploient le calcul issu des lois de la nature, et leurs oeuvres nous font sentir l'HARMONIE. Il y a donc une esthétique de l'ingénieur, puisqu'il faut, en calculant, qualifier certains termes de l'équation, et c'est le goût qui intervient. Or, lorsqu'on manie le calcul, on est dans un état d'esprit pur et, dans cet état d'esprit le goût prend des chemins sûrs. » <p.7>
« Beauté physique - "Elle n'a aucune importance, seule compte la beauté intérieure." C'est la phrase préférée des top modèles et des sex-symbols. On n'a jamais entendu Quasimodo proférer ce credo. » <p.71>