LIE-TSEU / Le Vrai Classique du vide parfait / Philosophes taoïstes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1961
« LE JEU DES CIRCONSTANCES A Lou vivait un homme du nom de Che. Il avait deux fils. L'un aimait l'étude, l'autre aimait le métier des armes. Celui qui était porté, aux études offrit ces services au prince de Ts'i. Ce dernier accepta et le fit précepteur de tous ses fils. Celui qui était habile au maniement des armes s'adressa au roi de Tch'ou et offrit ses services. Le roi s'en réjouit et en fit son général. Grâce aux revenus des deux frères, toute la famille s'enrichit et, par leur rang, ils faisaient honneur à leurs parents. Che avait un voisin qui s'appelait Mong. Ce dernier avait aussi deux fils qui étaient également l'un un lettré, l'autre un soldat et ils vivaient dans une grande pauvreté. Mong fut pris du désir de posséder autant que la famille Che. C'est pourquoi il s'adressa à Che en s'enquérant des moyens d'une si rapide ascension. Les deux fils de Che lui contèrent tout conformément à la vérité. Sur quoi, un des fils de Mong fit une démarche à Ts'in pour offrir ses services comme lettré au roi de ce pays. Le roi de Ts'in dit : "Par les temps qui courent, les princes mettent toutes leurs forces dans la guerre. Leur intérêt se porte tout entier sur les armes et sur les approvisionnements. Si je cherchais à gouverner mon pays au moyen de l'amour et de la justice, ce serait là prendre la voie la plus appropriée pour trouver la ruine et la mort" Cela dit, il fit châtier le solliciteur, puis le relâcha peu après. L'autre fils se rendit à Wei pour offrir ses services au prince de la région. Ce dernier s'exprima ainsi : "Mon pays est faible, il est entouré par de grands États et j'aide les petits États : je suis ainsi la voie de la paix. Si je voulais me fier à la force de mes armes, je n'aurais pas à attendre longtemps pour consommer ma ruine. D'autre part, si je laisse partir cet homme indemne, il s'adressera au prince d'un autre royaume et me causera bien des ennuis" Sur quoi, il fit couper les pieds du solliciteur et on le transporta à Lou. Là, le père Mong et ses fils se frappaient la poitrine et accablaient de reproches le père Che. Ce dernier finit par dire : "Quand les circonstances sont favorables, on réussit. Dans le cas contraire, c'est la ruine. La voie que vous avez prise était la même que la nôtre, cependant l'issue en est différente. Cela provient de ce que vous n'avez pas trouvé le moment favorable, et non pas que vous l'avez manqué de votre propre chef. En outre, il n'existe pas dans le monde de principe qui soit valable en toutes circonstances, pas un acte qui soit mauvais dans tous les cas. Ce qui fut jadis en usage est peut-être rejeté aujourd'hui. Ce qu'on rejette aujourd'hui sera peut-être en usage plus tard. L'usage et le non-usage ne suivent pas de règle fixe. Comment exploiter une occasion, trouver le moment opportun, se plier aux circonstances, voilà ce qui ne dépend d'aucune recette. Il s'agit ici d'une certaine habileté. Si vous n'avez pas cette habileté, auriez-vous l'immense savoir de K'ong K'iou et l'adresse d'un Liu Chang, où que vous alliez, vous échouerez." » <p.574-575>
ÉPICTÈTE / Entretiens / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Les occasions sont indifférentes, l'usage qu'on en fait ne l'est pas. Comment conserver, avec le calme et l'équilibre, une attention sans abandon et sans nonchalance ? En imitant les joueurs de dés : les cailloux sont indifférents, les dés aussi ; comment saurais-je ce qui va tomber ? Profiter avec réflexion et selon les règles des points tombés, voilà quelle est mon affaire. Ainsi, dans la vie, voici l'essentiel de ce que tu as à faire : divise et distingue bien les choses ; dis : les choses extérieures ne dépendent pas de moi ; ma volonté dépend de moi. Où chercher le bien et le mal ? En moi- même, dans ce qui est mien. Quant aux choses qui te sont étrangères, ne prononce jamais à leur propos les noms de bien et de mal, d'utilité et de dommage, ni rien de pareil. » <II v p.890>
MACHIAVEL / Le Prince / Le livre de poche / Librairie Générale Française 1983
« Chaque homme vise aux mêmes buts, qui sont les honneurs et la richesse ; mais ils emploient pour les atteindre des moyens variés : l'un la prudence, l'autre la fougue ; l'un la violence, l'autre l'astuce ; celui-ci la patience, cet autre la promptitude ; et toutes ces méthodes sont bonnes en soi. Et l'on voit encore de deux prudents l'un réussir et l'autre échouer ; et à l'inverse deux homme également prospères qui emploient des moyens opposés. Tout s'explique par les seules circonstances qui conviennent ou non à leurs procédés. De là résulte ce que j'ai dit précédemment : des façons de faire différentes produisent un même effet, et de deux conduites toutes pareilles l'une atteint son but, l'autre fait fiasco. ... Si tu savais changer de nature quand changent les circonstances, ta fortune ne changerait point. » <p.132>
MACHIAVEL / Discours sur la première Décade de Tite-Live / OEuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1952
« Deux choses s'opposent à ce que nous puissions changer : d'abord nous ne pouvons pas résister au penchant de notre nature ; ensuite un homme à qui une certaine façon d'agir a toujours parfaitement réussi, n'admettra jamais qu'il doit agir autrement. C'est de là que viennent pour nous les inégalités de la fortune : les temps changent et nous ne voulons pas changer. » <III ix p.642>
MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Les sots qui marchent dans le chemin de la fortune prennent toujours les routes battues. Un précepteur du Roi est-il devenu premier ministre ? Tous les petits ecclésiastiques veulent être précepteurs du Roi, pour être premiers ministres. Les gens d'esprit se font des routes particulières : ils ont des chemins cachés, nouveaux ; ils marchent là où personne n'a encore été. Le monde est nouveau. » <1188 p.1299>
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras : L'un est sûr, l'autre ne l'est pas. » <Livre cinquième III Le petit poisson et le pêcheur p.272>
Charles de SAINT-ÉVREMOND / OEuvres mêlées (12) / Paris, C.Barbin 1693
« Les occasions ne rendent pas un homme faible mais elles font découvrir sa faiblesse. » <Maximes, LXIII, p.241>
Georg Christoph LICHTENBERG / Le miroir de l'âme / Domaine romantique José Corti 1997
« L'homme est doué de talents que n'éveillent jamais que des circonstances fortuites. » <D 131 p.206>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« L'Ecluse, celui qui a été à la tête des Variétés amusantes, racontait que, tout jeune et sans fortune, il arriva à Lunéville, où il obtint la place de dentiste du roi Stanislas, précisément le jour où le roi perdit sa dernière dent. » <751 p.215>
STENDHAL / Journal / OEuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« Les héros ont leurs accès de crainte, les poltrons des instants de bravoure, et les femmes vertueuses leurs instants de faiblesse. C'est un grand art que de savoir juger et saisir ces moments. » <10 décembre 1801 p.31>
NAPOLÉON Ier/ Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« Il faut, à la guerre, profiter de toutes les occasions, car la fortune est femme ; si vous la manquez aujourd'hui, ne vous attendez pas à la retrouver demain. » <10 p.216>
Pierre François LACENAIRE / Mémoires / José Corti 1991
« Si j'eusse été à même de fournir la carrière de ce qu'on appelle honnête homme, j'eusse été bonapartiste sous Bonaparte, carliste sous Charles X, et philippiste aujourd'hui, et cela consciencieusement sans penser être girouette. Mais pourquoi ? direz-vous ; parce que j'ai toujours pensé que dans les commotions politiques le mal était toujours au-dessus du bien, parce qu'une révolution ne profite qu'à quelques intrigants, et qu'il y a toujours beaucoup de victimes, parce que les hommes sont toujours les hommes, et qu'ils ne peuvent trouver leur bonheur que dans le fond de leur coeur et nullement dans la chimère d'une liberté politique. Il est beau certes le principe de la liberté et de l'égalité ; mais prouvez-moi qu'elles ont régné un seul jour, je dis un seul jour sur la terre, et je vous excuserai de courir après. Vous qui me stigmatisez du nom de scélérat, dites-moi si cette chimère, si longtemps poursuivie et jamais atteinte, vaut le sang qu'elle a déjà coûté. » <p.133>
« J'ai pour maxime qu'il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique. » <Assemblée nationale le 24 mai 1873, p.217>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le bon champ. - Tout refus et toute négation témoignent d'un manque de fécondité : au fond, si nous étions un bon champ de labour, nous ne devrions rien laisser périr sans l'utiliser et nous verrions en toute chose, dans les événements et dans les hommes, de l'utile fumier, de la pluie et du soleil. » <332 p.811>
Lorédan LARCHEY / L'Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« Le Duc de MORNY Ce soir-là il s'était rendu à la première représentation du Château de Barbe-Bleue, à l'Opéra-Comique. Après une visite à plusieurs loges, il se présente dans celle de Mme Liadières qui lui parle des bruits de la journée : - On annonce que le Président va balayer la Chambre. Que comptez-vous faire, Monsieur de Morny ? - Madame, s'il y a un coup de balai, je tâcherai de me mettre du côté du manche. Le mot est devenu proverbial. » <p.101>
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Les circonstances font plus de la moitié du génie. Un maçon de village en figure de têtard, velu et jeté au hasard des batailles : ce qui sort de la fournaise, une espèce de lion au mufle étonnant, c'est Kléber. » <174 p.182>
Paul-Jean TOULET / Le carnet de monsieur du Paur / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Quand tourne le vent on accuse les girouettes. » <p.286>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Soi. Nous ne connaissons de nous-mêmes que celui que les circonstances nous ont donné à connaître (j'ignorais bien des choses de moi). Le reste est induction, probabilité : Robespierre n'avait jamais imaginé qu'il guillotinerait à ce point ; ni tel autre, qu'il aimerait à la folie. » <p.503>
Henry de MONTHERLANT / Mors et vita / Essais / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1963
« Saint-Just : "Les circonstances ne sont difficiles que pour ceux qui reculent devant le tombeau." D'abord on admire cet éclat sombre, et on adhère avec élan. Ensuite on se dit que c'est trop facile, de se tirer des circonstances en mourant. Ce n'est pas cela qu'on demande à un homme. On lui demande de dominer les circonstances, en vivant. Il faut qu'on renonce à nous présenter toujours le tombeau comme une solution. » <Courage et peur, p.538>
Louis-Ferdinand CÉLINE / Voyage au bout de la nuit (1932) / Romans (1) / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1997
« Trahir, qu'on dit, c'est vite dit. Faut encore saisir l'occasion. C'est comme d'ouvrir une fenêtre dans une prison, trahir. Tout le monde en a envie, mais c'est rare qu'on puisse. » <p.344>
Paul LÉAUTAUD / Passe-temps / OEuvres / Mercure de France 1988
« Un nommé Hamard assassine une vieille femme dans sa cave. Il met la main sur le magot : 1.200.000 francs en espèces, pas moins. Personne ne le soupçonne. Au lieu de se tenir tranquille, il se lance dans la grande vie, dépense fastueusement : automobile de luxe, deux chauffeurs, 40.000 francs à une fille ici, 50.000 francs à une autre là, le reste à l'avenant. Il se fait si bien remarquer qu'on le pince et le voilà maintenant avec le bagne ou la guillotine en perspective. Dire que c'est toujours à de pareils imbéciles que tombent de si belles occasions ! » <p.262>
Emil CIORAN / Des larmes et des saints (1937) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Je ne crois pas avoir raté une seule occasion d'être triste. (Ma vocation d'homme.) » <p.324>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Prendre ce que la vie vous offre, car elle ne l'offre jamais deux fois. » <19 août 1972, p.766>
Paul MORAND / Journal inutile 1973-1976 / nrf Gallimard 2001
« J'ai toujours trouvé les gens fort mécontents de leur sort, mais très satisfait d'eux-mêmes. » <1 septembre 1973, p.122>
Antoine BLONDIN / Ma vie entre des lignes / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1991
« "Qu'ai-je fait de ma vie ? ..." Pour ce qui me concerne, c'est une façon très optimiste de poser la question. Peut-être conviendrait-il plutôt de me demander ce que la vie a fait de moi. Je me suis, en effet, rarement dérobé aux tentations qui s'offraient de part et d'autre de mon chemin, si bien qu'en me donnant l'illusion de mener mon existence à ma guise, je n'ai fait que la plier aux sollicitations des circonstances. De grandes libertés m'ont réduit en esclavage. Je me suis beaucoup abandonné en route... » <p.1110>