SÉNÈQUE / Lettres à Lucilius / Robert Laffont - Bouquins 1993
« "Zénon a dit ceci." Et toi, que dis-tu ? "Cléanthe pense ainsi." Et toi, que penses-tu ? Marches-tu toujours sous les ordres d'autrui ? Sois un chef ; prononce des paroles qui puissent se graver dans les mémoires. Produis quelque chose de ton fonds. » <IV Lettre 33-7 p.682>
Michel de MONTAIGNE / Essais / Garnier 1962
« Nous sçavons dire : "Cicero dit ainsi ; voilà les meurs de Platon ; ce sont les mots mesmes d'Aristote." Mais nous, que disons nous nous mesmes ? que jugeons nous ? que faisons-nous ? Autant en diroit bien un perroquet. » <t.1 p.146 livre I chap.XXV>
« Je n'aime point à citer ; c'est d'ordinaire une besogne épineuse : on néglige ce qui précède et ce qui suit l'endroit qu'on cite, et on s'expose à mille querelles. » <p.55>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Il est des esprits voyageurs qui aiment à parcourir les livres et en rapportent le souvenir de tout ce qu'ils ont lu. Ceux-là doivent, comme Bayle, composer des dictionnaires, des recueils, etc. » <t.I p.183>
« Ce mot qui finirait très bien un chapitre le commence mal. C'est que, par sa nature, il est la dernière et non pas la première expression de la pensée. À sa place, il est beau. Hors de sa place, il a de la recherche et de l'affectation. C'est, pour le dire en passant, ce qui dans les citations fait paraître ridicules en les isolant et en les déplaçant, des expressions qui étaient très belles dans le lieu où leur auteur les avait mises. Un chapiteau, un ornement doit terminer et non commencer un édifice. » <6 août 1804 t.1 p.644>
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Une collection d'anecdotes et de maximes est pour l'homme du monde le plus grand trésor, lorsqu'il sait semer les premières avec habileté dans la conversation et se rappeler les dernières à propos. » <p.60>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« J'aime les hommes plus ou moins, selon que j'en tire plus ou moins de notes. » <25 novembre 1889 p.39>
« Achille et Don Quichotte sont, Dieu merci, assez connus, pour que nous nous dispensions de lire Homère et Cervantès. » <13 février 1895 p.208>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« "Livresque", c'est un reproche que l'on me fait souvent ; j'y donne prise par cette habitude que j'ai de citer toujours ceux à qui ma pensée s'apparente. On croit que j'ai pris d'eux cette pensée ; c'est faux, cette pensée est venue à moi d'elle-même ; mais j'ai plaisir, et plus elle est hardie, à penser qu'elle habita déjà d'autres esprits. » <10 janvier 1923 p.752>
« Il est aussi naturel à celui qui emprunte à autrui sa pensée d'en cacher la source, qu'à celui qui retrouve en autrui sa pensée, de proclamer cette rencontre. » <juin 1927 p.842>
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Je me reproche de n'avoir pas, au jour le jour, transcrit sur un carnet spécial les phrases glanées au cours de mes lectures, qui méritaient de retenir l'attention, dont je voudrais me souvenir pour pouvoir les citer au besoin ; » <25 décembre 1942 p.157>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Citation n. Répétition erronée d'une déclaration d'autrui. Extrait repris avec des erreurs. » <p.51>
Sacha GUITRY / Les Femmes et l'Amour / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Tous les hommes de valeur : écrivains, savants, artistes, devraient publier chaque année non pas un livre d'eux, mais un livre de pensées, de pensées des autres qu'ils auraient choisies et qui seraient annuellement un portrait d'eux cent fois plus ressemblant qu'aucun autre. Car citer les pensées des autres, c'est souvent regretter de ne pas les avoir eues soi-même et c'est en prendre un peu la responsabilité ! » <p.153>
Georges ELGOZY / Le Fictionnaire ou précis d'indéfinitions / Denoël 1973
« Ibid : écrivain que personne n'a lu, mais dont les citations figurent dans de nombreux ouvrages. » <p.175>
Emil CIORAN / Aveux et anathèmes (1987) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Bribes, pensées fugitives, dites-vous. Peut-on les appeler fugitives lorsqu'il s'agit d'obsessions, donc de pensées dont le propre est justement de ne pas fuir ? » <p.1649>
« Quiconque nous cite de mémoire est un saboteur qu'il faudrait traduire en justice. Une citation estropiée équivaut à une trahison, une injure, un préjudice d'autant plus grave qu'on a voulu nous rendre service. » <p.1701>
« Se méfier des penseurs dont l'esprit ne fonctionne qu'à partir d'une citation. » <p.1703>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Un auteur trop souvent cité, on finit par ne plus avoir envie de le lire. Son nom est profané à force de circuler. On préfère lire quelqu'un de moins connu et même de moindre talent, ne serait-ce que parce qu'il n'appartient pas à tous. » <9 novembre 1966 p.445>
Michel POLAC / Journal (1980-1998) / PUF 2000
« Développer une idée m'a toujours paru indécent, c'est pourquoi j'aime l'aphorisme. Développer une idée, c'est prendre le lecteur pour un imbécile : il ne comprendra que si on lui répète de mille manières ce qu'on veut lui faire entendre. » <22 juillet 1984, p.105>
François NOURISSIER / À défaut de génie / nrf Gallimard 2000
« À quoi tient le pouvoir des citations placées en épigraphe ? Grâce à elles on se sent moins seul. On marche dans le noir avec moins d'angoisse, on fanfaronne. » <p.104>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Les citations sont les béquilles des écrivains infirmes. » <2 août 1968, p.39>
Jean DUTOURD / Dutouriana / Plon 2002
« Ce qui est désespérant avec les journalistes, c'est que, quand ils reproduisent vos propos dans leur gazette, ils vous font parler comme eux. Moyennant quoi, on a toujours l'air d'un imbécile. » <p.29>