Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX / OEuvres / Épîtres / Société des Belles Lettres 1939
« Il est de l'essence d'un bon Livre d'avoir des Censeurs : et la plus grande disgrâce qui puisse arriver à un Escrit qu'on met au jour, ce n'est pas que beaucoup de gens en disent du mal, c'est que personne n'en dise rien. » <Préface aux Espistres Nouvelles, p.54>
Philippe Néricault DESTOUCHES / Le Glorieux (1732) / Paris, Librairie des bibliophiles 1884 [BnF]
« La critique est aisée et l'art est difficile.* C'est là ce qui produit ce peuple de censeurs, et ce qui rétrécit les talents des auteurs. » <Acte II, scène v p.51>
* Ce vers est souvent attibué, à tort, à Boileau.
VAUVENARGUES / Réflexions et maximes / Les moralistes français / Paris, Garnier frères 1875
« Il n'y a pas d'écrivain si ridicule, que quelqu'un n'ait traité d'excellent. » <487 - p.679>
Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS / Le mariage de Figaro (1784) / OEuvres complètes / Firmin-Didot 1865
« Je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes, qui redoutent les petits écrits. » <Acte V scène iii p.162>
Jean-Benjamin de LABORDE / Pensées et Maximes (1791) / Paris, Lamy 1802 [BnF]
« Le flambeau de la critique s'allume plus souvent pour détruire que pour éclairer. » <55, p.10>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Combattre les objections, ce n'est souvent détruire que des fantômes. On n'éclaire rien par là ; seulement on rend muets ceux qui obscurcissent. » <24 novembre 1796 t.1 p.193>
« Toute bonne objection éclaircit la matière qui est en doute ; celle qui l'obscurcit est mauvaise, elle fait perdre l'objet de vue. - Mais celle qui montre l'objet en détruisant le système est la seule bonne. » <26 septembre 1800 t.1 p.383>
« Tout critique de profession, homme médiocre par nature. » <16 décembre 1801 t.1 p.434>
« Je n'ai jamais vu de critiques plus vides et moins vraies, plus partiales et moins utiles, que celles des livres que j'avais lus auparavant ; mais, en revanche, quel mérite n'ai-je pas trouvé dans la critique des ouvrages que je ne connaissais pas encore ! » <p.51>
Alfred de MUSSET / Mélanges / OEuvres complètes t.9 / Paris, Charpentier 1888
« Irait-on dire à un musicien : "Il y a dans la gamme des notes ignobles, et dont vous ne sauriez vous servir, s'il vous plaît ?" À un peintre : "Telles de vos couleurs sont ampoulées, vous les laisserez de côté ?" Non ; toutes les notes, toutes les couleurs peuvent servir ; pourquoi, et de quel droit dire à un écrivain : "Tarte à la crème ne peut aller ici ?" » <XVII Pensées de Jean-Paul, 6 juin 1831, p.109>
Théophile GAUTIER / Mademoiselle de Maupin (1835) / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1995
« Le critique qui n'a rien produit est un lâche ; c'est comme un abbé qui courtise la femme d'un laïque : celui-ci ne peut lui rendre la pareille ni se battre avec lui. » <Préface, p.185>
Gustave FLAUBERT / Correspondance I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« C'est perdre son temps que de lire des critiques. Je me fais fort de soutenir dans une thèse qu'il n'y en a pas eu une de bonne depuis qu'on en fait, que ça ne sert à rien qu'à embêter les auteurs et à abrutir le public, et enfin qu'on fait de la critique quand on ne peut pas faire de l'art, de même qu'on se met mouchard quand on ne peut pas être soldat. » <À Louise Colet, 14 octobre 1846, p.390>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« La critique est l'ennemie et la négation du génie d'un temps : Fréron avec Voltaire, Chénier avec Chateaubriand. Le journalisme est le triomphe de la critique. Cette feuille de papier d'un jour, le journal : l'ennemi instinctif du livre, comme la putain de la femme honnête. » <juillet 1858 p.370>
« Évidemment, les critiques n'ont été créés que le septième jour. S'ils avaient été créés le premier, qu'auraient-ils eu à faire ? » <8 mars 1863 p.945>
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« On critique les morts pour les beautés et les vivants pour les défauts. » <1840 p.149>
« On est stupéfait de la quantité de critique que peut contenir un imbécile. » <1864 p.171>
Édouard LOCKROY / Au hasard de la vie / Paris Grasset 1913 [BnF]
« Quand un autre homme de génie, Lamartine, publia dans ses Entretiens littéraires une critique très violente et très acerbe des Misérables, je vois encore Victor Hugo montrant du doigt la brochure et disant en souriant : - Essai de morsure par un cygne. » <p.282>
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Il faut, selon moi, compter au nombre des plus grandes découvertes faites tout récemment par la raison humaine l'art de juger les livres sans les avoir lus. » <p.56>
Octave MIRBEAU / Les écrivains (Première série 1884-1894) / Paris, Flammarion 1925 [BnF]
« La critique est un art admirable, en ce qu'elle dispense de lire et de comprendre les oeuvres qu'il lui faut juger. Pour y être un maître incontesté et glorieux, il suffit de répéter à satiété des opinions fixement établies par une sorte de système anthropométrique et dont sont atteints, à leurs débuts, certains littérateurs, sans que l'on puisse considérer ce qu'un écrivain doit avoir fait de progrès, et s'il s'est engagé dans des routes nouvelles. Et si les opinions préalables n'existent point, alors la critique se tait. » <Paul Hervieu p.245>
Henry MARET / Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903 [BnF]
« Rien n'est plus bête qu'un critique, si ce n'est quelquefois un auteur. » <p.229>
« Critiquer une renommée comme celle de Victor Hugo, c'est chercher des poux sur un lion. » <p.231>
Francisque SARCEY / Quarante ans de théâtre (1) / Bibliothèque des Annales politiques et littéraires 1900
« Le succès est la règle de ma critique. Ce n'est pas du tout qu'il prouve pour moi le mérite absolu de la pièce ; mais il montre évidemment qu'entre l'oeuvre représentée et le goût actuel du public il y a de certains rapports secrets qu'il est curieux de découvrir. Je les cherche. Je dis la vérité du jour, car j'écris dans un journal. La mode change tous les dix ans en France, pour les ouvrages de l'esprit comme pour tout le reste. Il est clair que, dans dix années, et plus tôt peut-être, mon jugement sera faux ; mais les raisons sur lesquelles je l'ai appuyé sont encore juste. Il est vrai que personne alors ne s'en souciera : pièces et feuilletons seront tombés dans le plus profond oubli. » <Les droits et les devoirs du critique, 16 et 23 juillet 1860, p.54>
Rémy de GOURMONT / Promenades philosophiques (1) / Mercure de France 1931
« Les poètes, les artistes créent des fantômes qui parfois deviennent immortels dans la tradition des hommes. Le critique, comme le philosophe, crée des valeurs. L'oeuvre d'art ne conclut pas. Là où il y a conclusion, il y a critique. » <p.33>
Anatole FRANCE / L'Île des Pingouins (1908) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000
« On observe qu'en France, le plus souvent, les critiques musicaux sont sourds et les critiques d'art aveugles. Cela leur permet le recueillement nécessaire aux idées esthétiques. » <Préface, p.566>
Louis JOUVET / Réflexions du Comédien / Librairie théâtrale 1941
« Stéphane Mallarmé, chargé de la critique dramatique dans je ne sais plus quelle revue, et à qui on reprochait de ne pas aller voir les pièces dont il faisait le compte rendu, répondit : "Pourquoi voulez-vous que j'aille passer trois heures avec des gens chez qui je n'irais pas déjeuner ?" » <p.103>
VOLTAIRE / L'enfant prodigue / OEuvres de M. de Voltaire t.4 / Amsterdam 1742 [BnF]
« Les bons Ouvrages que nous avons depuis les Corneilles, les Molières, les Racines, les Quinauts, les Lullis, les Bruns, me paraissent tous avoir quelque chose de neuf et d'original qui les a sauvés du naufrage. Encore une fois, tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. » <Préface de l'éditeur, p.5>
Georges COURTELINE / Philosophie / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Il n'est pas de genres inférieurs ; il n'est que des productions ratées et le bouffon qui divertit prime le tragique qui n'émeut pas. Exiger simplement et strictement des choses les qualités qu'elles ont la prétention d'avoir : tout le sens critique tient là-dedans. » <p.830>
Jerome K. JEROME / Arrière-pensées d'un paresseux (1898) / Arléa 1998
« Un jour, dans un club littéraire, je prenais le café avec un romancier qui se trouvait être un garçon athlétique, aux larges épaules. Un autre membre se joignit à nous et dit au romancier : "Je viens de terminer votre dernier livre et je vais vous dire franchement ce que j'en pense." Et mon ami de répondre du tac au tac : "Je vous préviens en toute honnêteté que si vous le faites, je vous casse la figure." Eh bien, nous n'avons jamais su ce qu'il en pensait franchement. » <p.225>
Raymond RADIGUET / OEuvres / La Pochothèque LdP 2001
« On ne demande beaucoup qu'aux artistes qu'on n'aime pas. » <Art poétique (1922) p.199>
Henri JEANSON / Jeanson par Jeanson / Ed. René Chateau 2000
« - Là, ils viennent de jouer sa symphonie. Je l'ai mieux aimée aujourd'hui qu'en première audition. Elle m'avait d'abord parue faiblarde, j'étais sans doute mal disposé ce jour-là... - Non, la première impression est toujours la bonne - surtout quand elle est mauvaise ! » <Les Amoureux sont Seuls au Monde, p.46>
Emil CIORAN / Syllogismes de l'amertume (1952) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Tout commentaire d'une oeuvre est mauvais ou inutile, car tout ce qui n'est pas direct est nul. » <p.751>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Je ne dirai pas de mal de Sainte-Beuve, parce que, quand on dit du mal de lui, tous les critiques se sentent atteints. » <5 janvier 1969, p.128>
Michel POLAC / Journal (1980-1998) / PUF 2000
« Ce n'est pas qu'on me critique que je ne supporte pas, c'est qu'on admire les autres. » <août 1980, p.34>
Jean-François REVEL / La cabale des dévots / Robert Laffont - Bouquins 1997
« Qu'est donc affirmer et qu'est-ce que nier ? Qu'est-ce que construire (puisqu'on nous rebat les oreilles de la nécessité d'être "constructifs", efficaces, voire "efficients") et détruire ? Que faut-il entendre exactement par négation ? Dans quels cas peut-on parler d'ouvrage négatif, d'esprit négatif, de propos négatif ? Ces expressions sont couramment employées pour désigner deux opérations opposées : 1. Détruire quelque chose de positif ; 2. Décrire quelque chose de négatif. La pensée conservatrice a naturellement intérêt à confondre la seconde opération avec la première, autrement dit à postuler ce qui est précisément en question, à savoir le caractère positif des conceptions visées par la critique. Or, dans l'ordre intellectuel, détruire quelque chose de positif par la seule critique est impossible : il y faut d'autres moyens, tels que la censure, ou ces formes indirectes de censure que sont le protectionnisme de l'enseignement officiel, les pressions exercées sur les maisons d'édition, sur les revues et les journaux, le discrédit moral jeté sur la "mentalité" du critiqueur, sur ses mobiles supposés et remplaçant la discussion des preuves ; bref, les freins mis à l'information. » <p.506>
Jean-Marie GOURIO / Brèves de comptoir (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 2002
« On aime Céline parce qu'il écrit bien, heureusement qu'Hitler n'était pas un grand peintre. » <p.28>