Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Ne pas : - Définir ce qui est connu : un bavardage. Obscurcir ce qui est clair : barbouillage. Mettre en question ce qui est en fait : mauvaise foi, ignorance. Rendre abstrait ce qui est palpable : charlatanisme. Et offrir des difficultés qui ne s'offrent pas elles-mêmes ou n'ont qu'une vaine apparence : chicane. » <30 juillet 1797 t.1 p.222>
Gustave FLAUBERT / Correspondance I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Il faut mettre son coeur dans l'art, son esprit dans le commun du monde, son corps où il se trouve bien, sa bourse dans sa poche, son espoir nulle part. » <À Louise Colet, 20 décembre 1846 p.421>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.3) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Daudet disait : Mon père répétait : "L'homme qui se lève à quatre heure du matin... c'est fortune faite !" Mon père se levait à quatre heures du matin, et sa vie a été une suite de mauvaises affaires de catastrophes, de ruines. Daudet ajoutait : Ma mère répétait : "Les familles nombreuses, Dieu les bénit !" Et de ses dix-sept enfants, il n'y en a que trois de vivants ! » <24 juillet 1894, p.996>
Alphonse KARR / En fumant / M. Lévy frères 1862
« Trois jocrissades que je ne suis pas honteux d'avoir trouvées : - N'ayez pas de voisins, si vous voulez vivre en paix avec eux. - J'aime mieux ne pas avoir de meubles et qu'ils soient à moi. - En politique, plus ça change, plus c'est la même chose. » <p.54>
Léon BLOY / Le mendiant ingrat / Journal I / Robert Laffont - Bouquins 1999
« 1° Tout ce qui arrive est adorable. - 2° Accord parfait de la liberté divine et de la liberté humaine. De toute éternité, Dieu sait que, tel jour, tel individu accomplira librement un acte nécessaire. - 3° Enfin tout ce qui n'est pas strictement, exclusivement, éperdument catholique, doit être jeté aux latrines. En conséquence de ces trois points, je prononce que tout individu qui ne pense pas exactement comme moi est, tôt ou tard, dans la nécessité absolue de s'avouer lui-même chenapan, cafard ou imbécile ; » <31 juillet 1894, p.97>
Georges COURTELINE / Philosophie / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« QUELQUES AVIS QUI, ÉTANT SAGES, SONT FORCÉMENT DE NOMBRE LIMITÉ Dis ce que tu penses. Paye ce que tu dois. Ne vends pas plus cher que ça ne vaut. Méfie-toi des conseils, mais suis les bons exemples. Laisse la clé sur le buffet si tu ne veux pas qu'on te vole. Ne perds jamais de vue que le bon beurre est la base de la bonne cuisine, et souviens-toi que faire le malin est le propre de tout imbécile. Enfin - uti, non abuti, nous recommande la sagesse antique - , use de tout, mais n'abuse de rien. Bois - sans excès ; fume - sans excès ; aime - sans excès ; et que, toujours, la bonne qualité de l'objet détermine ton choix et le fixe. Mieux vaut boire trop de bon vin qu'un petit peu de mauvais et pratiquer l'amour avec deux belles filles qu'avec une seule vieille femme en ruine. L'agrément y trouve son compte, et l'économie animale plus encore. » <p.826>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Décalogue n. Ensemble de commandements, au nombre de dix - chiffre suffisant si l'on veut s'en tenir à une stricte observance, mais toutefois légèrement insuffisant si l'on préfère avoir l'embarras du choix. Voici l'édition révisée du Décalogue, strictement ajustée à ce méridien :
Tu n'adoreras pas un autre Dieu que moi : Cela revient trop cher d'en célébrer plus d'un.
Ne feras ni d'images ni de statues sacrées, Car les marchands du temple ont l'exclusivité.
N'utiliseras pas en vain le nom de Dieu, Attends le bon moment où ça fait son effet
Tu ne travailleras pas la journée du Sabbat, Ce jour est consacré aux matchs de football.
En bon fils garderas chez toi tes vieux parents ; Ça vient en déduction de ta déclaration.
Jamais tu ne tueras, ni ne seras complice ; D'ailleurs tu jetteras la facture du boucher.
Tu n'embrasseras pas la femme de ton voisin, Sauf si la tienne a succombé à ses caresses.
Tu ne voleras pas. Le vol est pernicieux ; La carambouille dans les affaires est bien plus sûre.
Tu n'apporteras jamais de faux témoignages ; Fais-toi seulement l'écho des racontars publics.
Enfin tu cesseras de convoiter en vain Ce que par bec et ongles tu n'as pu obtenir. » <p.69>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Je n'admets pas que rien me nuise ; je veux que tout me serve, au contraire. J'entends tourner tout à profit. » <p.203>
Jean COCTEAU / Journal d'un inconnu / Grasset 1953
« Je songe au credo de Gide : Je n'admets pas que rien me nuise, je veux que tout me serve, au contraire. J'entends tourner tout à mon profit. C'est le credo de la visibilité. Pour obtenir le credo de l'invisibilité (le mien), il n'y a qu'à tirer un négatif de ces phrases, et y joindre ces lignes d'Héraclite : Pour Dieu tout est bon et juste. Les hommes, au contraire, conçoivent certaines choses comme justes, d'autres comme injustes. » <p.85>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Je parlerais tout à fait autrement aux jeunes lionceaux dès qu'ils commencent à aiguiser leurs griffes sur les manuels de morale, sur les catéchismes, sur toutes coutumes, sur tous barreaux. Je leur dirais : n'ayez peur de rien ; faites ce que vous voulez. N'acceptez aucun esclavage, ni chaîne dorée, ni chaîne fleurie. Seulement, mes amis, soyez rois en vous-mêmes. N'abdiquez pas. Soyez maîtres des désirs et de la colère aussi bien que de la peur. Exercez-vous à rappeler la colère comme un berger rappelle son chien. Soyez rois sur vos désirs. Si vous avez peur, marchez tranquillement à ce qui vous fait peur. Si vous êtes paresseux, donnez-vous une tâche. Si vous êtes indolent, pliez-vous aux jeux athlétiques. Si vous êtes impatient, donnez-vous des pelotons de ficelle à démêler. Si le ragoût est brûlé, donnez-vous le luxe royal de le manger de bon appétit. Si la tristesse vous prend, décrétez la joie en vous-même. Si l'insomnie vous retourne comme une carpe sur l'herbe, exercez-vous à rester immobile, et à dormir au commandement. Après cela, mes bons amis, puisque vous serez rois en vous, agissez royalement, et faites ce qui vous semblera bon. » <4 avril 1910 p.72>
François CAVANNA / Lettre ouverte aux culs-bénits / Albin Michel 1994
« Conseils pour la route : Pars de zéro. Mets tout à plat. Rejette toute tradition. Méprise tout rituel Ne respecte aucun tabou. Tiens tout symbole pour ce qu'il est : du vent Pisse sur le sacré. N'écoute aucune parole "révélée". Fuis ceux qui ont la vérité par la foi. Crache à la gueule des charlatans du "merveilleux". Ris de tout, pleure de tout, mais selon ton humeur. Éduque ta raison, tu n'as rien d'autre. N'admets pour provisoirement acceptable que ce que ta raison estime dûment démontré. Laisse de côté les questions sans réponse. Fuis la métaphysique. Ne te conduis pas en fonction d'une morale transcendante. Mais que ta morale soit faite des règles nécessaires à la vie de chacun dans une société harmonieuse et fraternelle. ... Sauf, bien sûr, si les hommes noirs prennent le pouvoir et rallument les bûchers. Dans ce cas, mon fils, fais semblant ! » <p.117>
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« À l'égard de la propriété, de l'amour, de la fortune et du succès, j'applique "la règle des Dudu" : rien n'est dû, rien n'est durable. » <p.234>