Blaise PASCAL / Pensées / OEuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Athées : Quelle raison ont-ils de dire qu'on ne peut ressusciter ? Quel est le plus difficile, de naître ou de ressusciter, que ce qui n'a jamais été soit, ou ce qui a été soit encore ? Est-il plus difficile de venir en être que d'y revenir ? La coutume nous rend l'un facile, le manque de coutume rend l'autre impossible : populaire façon de juger ! Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter ? Une poule ne fait-elle pas des oeufs sans coq ? Quoi les distingue par d'avec les autres ? Et qui nous a dit que la poule n'y peut former ce germe aussi bien que le coq ? » <357 p.1182>
MONTESQUIEU / Spicilège / OEuvres complètes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Quand un homme me vient dire qu'il ne croit rien et que la religion est une chimère, il me fait là une fort mauvaise confidence, car je dois avoir sans doute beaucoup de jalousie d'un avantage terrible qu'il a sur moi. Comment ! il peut corrompre ma femme et ma fille sans remords, pendant que j'en serois détourné par la crainte de l'enfer ! La partie n'est pas égale. Qu'il ne croie rien, j'y consens, mais qu'il s'en aille vivre dans un autre pays, avec ceux qui lui ressemblent, ou, tout au moins, qu'il se cache et qu'il ne vienne point insulter à ma crédulité. » <p.1318>
« Les athées sont pour la plupart des savants hardis et égarés qui raisonnent mal, et qui, ne pouvant comprendre la création, l'origine du mal, et d'autres difficultés, ont recours à l'hypothèse de l'éternité des choses et de la nécessité. » <p.42>
« S'il y a des athées, à qui doit-on s'en prendre, sinon aux tyrans mercenaires des âmes, qui, en nous révoltant contre leurs fourberies, forcent quelques esprits faibles à nier le Dieu que ces monstres déshonorent ? » <p.44>
« L'athéisme est le vice de quelques gens d'esprit, et la superstition le vice des sots ; mais les fripons, que sont-ils ? des fripons. » <p.463>
À propos de l'abbé Meslier :
« C'est un homme si profondément ulcéré des crimes dont il a été témoin qu'il en rend la religion chrétienne responsable, en oubliant qu'elle les condamne. Point de miracle qui ne soit pour lui un objet de mépris et d'horreur ; point de prophétie qu'il ne compare à celles de Nostradamus. Il va même jusqu'à comparer Jésus-Christ à don Quichotte, et saint Pierre à Sancho-Pansa : et ce qui est le plus déplorable, c'est qu'il écrivait ces blasphèmes contre Jésus-Christ entre les bras de la mort, dans un temps où les plus dissimulés n'osent mentir, et où les plus intrépides tremblent. [...] On a imprimé plusieurs abrégés de son livre ; mais heureusement ceux qui ont en main l'autorité les ont supprimés autant qu'ils l'ont pu. » * <p.585-586>
* Publicité hypocrite pour contourner la censure : Voltaire est l'auteur d'un Extrait des sentiments de Jean Meslier.
« Je crois en Dieu, quoique je vive très bien avec les athées. Je me suis aperçu que les charmes de l'ordre les captivaient malgré qu'ils en eussent ; qu'ils étaient enthousiastes du beau et du bon, et qu'ils ne pouvaient, quand ils avaient du goût, ni supporter un mauvais livre, ni entendre patiemment un mauvais concert, ni souffrir dans leur cabinet un mauvais tableau, ni faire une mauvaise action. » <Lettre à Voltaire du 11 juin 1749 - p.15>
MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Je ne sais comment il arrive qu'il est impossible de former un système du Monde sans être d'abord accusé d'athéisme : Descartes, Newton, Gassendi, Malebranche. En quoi on ne fait autre chose que prouver l'athéisme et lui donner des forces, en faisant croire que l'athéisme est si naturel que tous les systèmes, quelque différents qu'ils soient, y tendent toujours. » <2072 p.1541>
« On a sans doute de bonnes raisons pour ne pas croire en Dieu ; mais il en faut de meilleures pour le dire. » <Pensées, p.1348>
« Un déiste* est un homme qui, dans sa courte existence, n'a pas eu le temps de devenir athée. » <Pensées, p.1348>
* Celui, celle qui, reconnaissant un Dieu, rejette toute religion révélée. (Littré)
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Nos fautes sont des dettes contractées ici et payables ailleurs. L'athéisme n'est autre chose qu'un essai de déclaration d'insolvabilité. » <1863 p.113>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Lorsque l'incrédulité devient une foi, elle est plus bête qu'une religion. » <13 septembre 1862 p.859>
« Il faut avoir une âme de prêtre pour écrire contre la religion. » <22 juin 1864 p.1084>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« S'il y a un Dieu, l'athéisme doit lui sembler une moindre injure que la religion. » <24 janvier 1868 p.129>
« Dans toutes les sociétés qui se sont succédé depuis le commencement du monde, il y a eu un athéisme des intelligences supérieures, mais je ne connais pas encore de société ayant subsisté avec l'athéisme des gens d'en bas, des besogneux, des nécessiteux. » <11 avril 1882 p.935>
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Lorsqu'ils rencontrent un homme qui pense librement, les croyants font le même vacarme que les poules découvrant, parmi leurs poussins, un caneton qui va vers l'eau. Ils ne songent pas que des gens vivent aussi sûrement dans cet élément qu'eux-mêmes sur la terre ferme. » <p.54>
Lorédan LARCHEY / L'Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« BAUTRU Cet académicien, conseiller d'État, grand goguenard et grand débauché, mort en 1665, fit encore plusieurs mots célèbres qu'on a mis sur le compte de bien d'autres, à commencer par celui-ci. Comme il passait un enterrement, il ôta son chapeau devant le crucifix. Son irréligion était si notoire qu'un voisin le railla, disant : - Ah ! voilà qui est de bon exemple. - Nous nous saluons, répondit Bautru, mais nous ne nous parlons pas. Je donne ici la version de Tallemant des Réaux. Il en est d'autres avec variante. On a même fait honneur du mot à Voltaire. » <p.174>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les libres penseurs qui se convertissent me font l'effet de ces hommes chastes qui méprisent la femme jusqu'à ce qu'ils se fassent engluer par la première vieille peau venue. » <11 juin 1902 p.598>
« Libre penseur. Penseur suffirait. » <26 juin 1905 p.772>
« À chaque sou, le mendiant remercie Dieu par un signe de croix, mais il se détourne, par ce temps de libres penseurs qui courent les rues et qui se mêlent d'être charitables. » <2 juillet 1904 p.714>
Félix LE DANTEC / L'athéisme / Flammarion 1907
Agnosticisme :
« Le fait que le pourquoi se pose en moi, n'implique pas l'existence d'un parce que qui me soit accessible. » <p.45>
« L'athée logique ne peut prendre aucun intérêt à la vie ; c'est là la vraie sagesse, mais c'est, à mon avis, trop de sagesse ; c'est l'indifférence du fakir. Je suis fort aise, pour ma part, d'avoir, à côté de mon athéisme logique, une conscience morale résultant d'une quantité d'erreurs ancestrales, et qui me dicte ma conduite dans des cas où ma raison me laisserait noyer. » <p.101>
« Dans une société de gens non athées, l'athée doué de sensibilité et de conscience morale, ne peut jamais agir en athée parfait, car il doit faire entrer en ligne de compte, dans ses déterminations, l'erreur qui fait le fond des raisonnements de ses congénères. Dans une société de gens vraiment athées, le suicide anesthésique serait évidemment en honneur ; la société disparaîtrait probablement par ce moyen. » <p.106>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Je suis un incroyant. Je ne serai jamais un impie. » <6 novembre 1927 p.860>
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Se passer de Dieu... Je veux dire : se passer de l'idée de Dieu, de la croyance en une Providence attentive, tutélaire et rémunératrice... n'y parvient pas qui veut. » <1947 p.312>
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
À propos des athées :
« La gravité maussade et froide avec laquelle ils parlent du Néant me rend l'idée de Dieu séduisante au possible. Leurs arguments décolorés tombent à plat - et quand ils cherchent à convaincre, ils en sont pour leurs frais, car la démonstration qu'ils font de la non-existence de Dieu leur donne aussitôt l'air de nier l'évidence. Ne pas croire en Dieu, c'est repousser une hypothèse ravissante. Nier Dieu, c'est croire en soi - comme crédulité, je n'en vois pas de pire ! Nier Dieu, c'est se priver de l'unique intérêt que peut avoir la mort. Et, pour tout dire enfin, l'athée n'est à mes yeux qu'un fanatique sans passion, sans haine, sans amour - sans ironie d'ailleurs - et, partant, sans excuse. Et, s'il faut en conclure, que faut-il en conclure ? Les témoignages accumulés de la présence au Ciel du Divin Créateur sont loin d'être probants. Mais, d'autre part - assurément - la "preuve du contraire" est inimaginable. Or donc, précisément, il n'en faut pas conclure. Il faut laisser à Dieu le bénéfice du doute. » <p.89>
François CAVANNA / Lettre ouverte aux culs-bénits / Albin Michel 1994
« Ce qu'on a appelé "liberté de conscience", au long de l'Histoire, c'est la liberté, pour les insatisfaits du culte officiel massivement majoritaire dans un certain pays, de pratiquer une religion différente, généralement simple version légèrement déviante du culte officiel, à proprement parler : une hérésie. Il n'a jamais été question de liberté de conscience pour les non-croyants. Quand le protestantisme version Calvin se fut imposé à Genève comme religion dominante, le simple soupçon d'athéisme vous conduisait au bûcher plus sûrement que la persistance dans la religion catholique, devenue à son tour "hérésie". Aujourd'hui encore, surtout hors de France, ne pas croire en une version quelconque de Dieu est proprement impensable. L'athée est regardé avec une certaine répugnance, comme une espèce de monstruosité, d'ébauche humaine inachevée à qui il manque une faculté essentielle. » <p.45>
« L'athée qui irait proclamant que l'inexistence de Dieu est démontrée serait en contradiction avec lui-même : il ferait acte de foi, cette foi fût-elle négative. En effet, ayant admis que la question même de l'existence d'un Dieu se situe hors du domaine des questions "permises" et n'a donc pas à être posée puisqu'on ne pourrait y répondre, dans un sens ou dans l'autre, que par des affirmations indémontrables, il la pose quand même et y répond péremptoirement. "Non" est tout aussi téméraire que "Oui". L'athée cohérent se garde bien d'accepter la discussion sur ce terrain. Une fois pour toutes, il ignore Dieu et le problème de son existence, il se conduit en tout sans tenir compte de ces chimères. L'agnosticisme est un raisonnement. L'athéisme est un comportement. L'un découle de l'autre. » <p.152>
Robert JOLY / Dieu vous interpelle ? Moi, il m'évite... / Editions EPO 2000
« [L'agnosticisme] partage avec la foi du croyant l'idée qu'il existe de l'inconnaissable. Mais dire que l'inconnaissable existe, c'est savoir quelque chose sur l'inconnaissable. L'agnostique sait au moins ce qu'il entend par Dieu, assez en tous cas pour dire qu'il ne peut rien en dire : il y a là un cercle qui pourrait être vicieux. Le sceptique qui professe que "tout est incertain" doit faire une exception pour le principe qu'il vient de formuler, mais c'est une exception ruineuse. [...] Je crains que l'agnosticisme, très bien toléré socialement, soit parfois une idéologie de confort. Flotter aimablement entre deux clans est une façon de ne pas se faire d'ennemis, de se concilier plus facilement beaucoup de monde, d'éviter des obstacles, de se voir ouvrir plus de portes... » <p.17-18>
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Le véritable et authentique athée est celui qui croit fermement et dur comme fer que Dieu lui-même ne croit pas en Lui. » <p.20>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Pendant des siècles des esprits se sont battus et ont risqué leur vie pour se libérer de Dieu. Et nous, au milieu du XXe, nous regrettons les chaînes qu'Il représentait et ne savons que faire d'une liberté pour laquelle nous n'avons fait aucun sacrifice, que nous n'avons pas conquise. Nous sommes les héritiers ingrats de l'athéisme héroïque, les épigones de la révolte, une masse de rebelles qui déplorent secrètement la disparition des "superstitions", des "préjugés" et des anciennes "terreurs". » <4 octobre 1966 p.415>
Philippe BOUVARD / Journal 1997-2000 / Le cherche midi éditeur 2000
« L'athéisme peut conduire à l'injustice qui, sous prétexte que Dieu n'existe pas, considère certains ecclésiastiques estimables comme des charlatans. » <p.27>
Michel ONFRAY / Traité d'athéologie / Grasset & Fasquelle 2005
« Mon athéisme s'active quand la croyance privée devient une affaire publique et qu'au nom d'une pathologie mentale personnelle on organise aussi pour autrui le monde en conséquence. Car de l'angoisse existentielle personnelle à la gestion du corps et de l'âme d'autrui, il existe un monde dans lequel s'activent, embusqués, les profiteurs de cette misère spirituelle et mentale. Détourner la pulsion de mort qui les travaille sur la totalité du monde ne sauve pas le tourmenté et ne change rien à sa misère, mais contamine l'univers. En voulant éviter la négativité, il l'étend autour de lui, puis génère une épidémie mentale. » <p.29>