Blaise PASCAL / Pensées / OEuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Quand dans un discours se trouvent des mots répétés, et qu'essayant de les corriger, on les trouve si propres qu'on gâterait le discours, il les faut laisser, c'en est la marque ; et c'est là la part de l'envie, qui est aveugle, et qui ne sait pas que cette répétition n'est pas faute en cet endroit ; car il n'y a point de règle générale. » <61 p.1100>
MARIVAUX / Le Cabinet du philosophe (1734) / Journaux et OEuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« Si Montaigne avait vécu de nos jours, que de critiques n'eût-on pas fait de son style ! car il ne parlait ni français, ni allemand, ni breton, ni suisse. Il pensait, il s'exprimait au gré d'une âme singulière et fine. Montaigne est mort, on lui rend justice ; c'est cette singularité d'esprit, et conséquemment de style, qui fait aujourd'hui son mérite. La Bruyère est plein de singularité ; aussi a-t-il pensé sur l'âme, matière pleine de choses singulières. Combien Pascal n'a-t-il pas d'expressions de génie ? Qu'on me trouve un auteur célèbre qui ait approfondi l'âme, et qui dans les peintures qu'il fait de nous et de nos passions, n'ait pas le style un peu singulier ? » <p.388>
Georges-Louis Leclerc, comte de BUFFON / Discours sur le style / Paris, J.Lecoffre 1872 [BnF]
Le style, c'est l'homme.
« Les ouvrages bien écrits seront les seuls qui passeront à la postérité : la quantité des connaissances, la singularité des faits, la nouveauté même des découvertes, ne sont pas de sûrs garants de l'immortalité : si les ouvrages qui les contiennent ne roulent que sur de petits objets, s'ils sont écrits sans goût, sans noblesse et sans génie, ils périront, parce que les connaissances, les faits et les découvertes s'enlèvent aisément, se transportent, et gagnent même à être mises en oeuvre par des mains plus habiles. Ces choses sont hors de l'homme, le style est l'homme même. » <Discours prononcé à l'Académie française le 25 août 1753, p.23>
Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS / Le mariage de Figaro (1784) / OEuvres complètes / Firmin-Didot 1865
« Un monsieur de beaucoup d'esprit, mais qui l'économise un peu trop, me disait un soir au spectacle : Expliquez-moi donc, je vous prie, pourquoi dans votre pièce on trouve autant de phrases négligées qui ne sont pas de votre style ? - De mon style, monsieur ! Si par malheur j'en avais un, je m'efforcerais de l'oublier quand je fais une comédie ; ne connaissant rien d'insipide au théâtre comme ces fades camaïeux où tout est bleu, où tout est rose, où tout est l'auteur, quel qu'il soit. » <Préface p.115>
Antoine de RIVAROL / L'Universalité de la langue française (1783) / arléa 1998
« L'homme le plus dépourvu d'imagination ne parle pas longtemps sans tomber dans la métaphore. Or c'est ce perpétuel mensonge de la parole, c'est le style métaphorique, qui porte un germe de corruption. Le style naturel ne peut être que vrai, et, quand il est faux, l'erreur est de fait, et nos sens la corrigent tôt ou tard ; mais les erreurs dans les figures ou dans les métaphores annoncent de la fausseté dans l'esprit et un amour de l'exagération qui ne se corrige guère. » <p.83>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« On appelle maniéré en littérature ce qu'on ne peut pas lire sans l'imaginer aussitôt accompagné de quelque gesticulation menue, de quelque pincement de bouche ou de quelque contorsion, c'est à dire de quelque mouvement peu franc, peu partagé par la totalité de l'homme. Le maniéré où l'on imagine le geste est proprement le maniéré. Quand on y imagine le pincement, c'est le précieux, l'afféterie. Quand on y imagine la contorsion, c'est tout à fait le ridicule. » <21 octobre 1805 t.2 p.68>
Victor HUGO / Littérature et philosophie mêlées / Critique / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1985
« C'est le style qui fait la durée de l'oeuvre et l'immortalité du poète. La belle expression embellit la belle pensée et la conserve ; c'est tout à la fois une parure et une armure. Le style sur l'idée, c'est l'émail sur la dent. » < mars 1834 p.56>
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Celui-là seul sait écrire qui écrit de telle sorte qu'une fois la chose faite, on n'y peut changer un mot. » <1845 p.159>
« Montaigne luttant contre l'expression disait : - que le gascon y arrive si le français n'y peut aller. - » <1840 p.209>
Gustave FLAUBERT / Correspondance I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« On n'arrive au style qu'avec un labeur atroce, avec une opiniâtreté fanatique et dévouée. Le mot de Buffon est un grand blasphème : le génie n'est pas une longue patience, mais il a du vrai et plus qu'on ne le croit de nos jours surtout. » <À Louise Colet, 15 août 1846 p.303>
« Il faut lire, méditer beaucoup, toujours penser au style et écrire le moins qu'on peut, uniquement pour calmer l'irritation de l'idée qui demande à prendre une forme et qui se retourne en nous jusqu'à ce que nous lui en ayons trouvé une exacte, précise, adéquate à elle-même. » <À Louise Colet, 13 décembre 1846 p.417>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.3) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Quand je veux écrire un morceau de style, j'ai besoin de me laver les mains avant, je ne peux pas écrire les mains sales. » <9 décembre 1892, p.772>
Francisque SARCEY / Quarante ans de théâtre (1) / Bibliothèque des Annales politiques et littéraires 1900
« La manière commence où le style fini. Elle se compose des formes, tours, façons de parler, métaphores, et pour tout dire d'un mot, des procédés de langage au moyen desquels on déguise l'absence de l'idée première, à moins qu'ils ne servent simplement à relever l'insuffisance d'un lieu commun. C'est une anomalie étrange, mais bien souvent constatée : le public rechigne souvent à des idées nouvelles. Une manière nouvelle le séduit toujours. En général, ce charme ne dure pas bien longtemps, et la postérité en fait toujours justice. Mais tant qu'il dure, il a pour la génération qui l'a vu naître, l'attrait irrésistible de la mode. Il n'y faut pas contredire ; il prévient les esprits les plus exempts de préjugés, il met des coquilles sur les yeux les mieux ouverts et les plus perçants. » <Jules Janin, 29 juin 1874, p.76>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le style, c'est l'oubli de tous les styles. » <7 avril 1891 p.71>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Il y eut un style de la plume d'oie, un style de la plume sergent-major ; il y a un style du stylo, et peut-être un style de la machine à écrire ; car aucun de ces procédés ne manque d'arrêt ; tous offrent l'occasion d'attendre, et à un moment où on n'attendrait pas ; le corps humain se tord et détord, et nous fait ressentir la houle animale, c'est-à-dire la vraie difficulté de penser, qui n'est jamais où on la cherche. » <1 août 1933 p.1170>
Jean COCTEAU / Journal (1942-1945) / Gallimard 1989
« Ce que nous prenons pour le style classique de Molière, était le charabia de l'époque, grossi. » <17 mars 1942, p.44>
Louis-Ferdinand CÉLINE / Louis-Ferdinand Céline vous parle (1957) / Romans (2) / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« Je ne suis pas un homme à message. Je ne suis pas un homme à idées. Je suis un homme à style. Le style, dame, tout le monde s'arrête devant, personne n'y vient à ce truc-là. Parce que c'est un boulot très dur. Il consiste à prendre les phrases [...] en les sortant de leurs gonds. Ou une autre image : si vous prenez un bâton et si vous voulez le faire paraître droit dans l'eau, vous allez le courber d'abord, parce que la réfraction fait que si je mets ma canne dans l'eau, elle a l'air d'être cassée. Il faut la casser avant de la plonger dans l'eau. C'est un vrai travail. C'est le travail du styliste. » <p.934>
Alexandre VIALATTE / Chroniques de La Montagne (1) / Robert Laffont - Bouquins 2000
« Il n'est rien de plus étrange que l'homme : il va demander des leçons de morale aux écrivains ! Lui qui n'achèterait pas ses souliers chez le coiffeur ou son chapeau chez le marchand de bicyclette, il s'adresse à un marchand de phrases pour apprendre comment se conduire dans la vie ! Or l'écrivain commence au style, ou à la prétention au style, et il finit exactement au même endroit. Il n'y a pas plus de morale de l'art que de la brouette ou du fer à repasser. Il y a en revanche une morale de l'artiste. Mais on n'a pas plus de chance de la trouver chez lui que chez le fabricant de brouette, fût-elle à frein sur jante, ou de fer à repasser, fût-il à marche arrière. Il se peut qu'en vous vendant son précieux véhicule le fabricant de brouettes scrupuleux vous exhorte à ne pas faire trop de vitesse, à ne pas brûler les feux rouges, à ne pas écraser les piétons, bref vous donne mille conseils moraux. Il se peut aussi que l'écrivain vous engage à offrir votre place aux dames âgées et à ne pas dire du mal de vos meilleurs amis que lorsqu'ils ne peuvent vous entendre. Mais c'est hasard, dans un cas comme dans l'autre ; du moins n'est-ce pas obligatoire. Ce qu'il faut demander au marchand de brouettes c'est de la brouette, à l'homme de lettres c'est du style. Le reste est chimère et confusion. » <297 - 30 septembre 1958 p.678>
« Le style, c'est l'exagération. Nul n'exagéra plus que Céline. Il a bâti des Parthénons en crotte de chien. La matière est étrange, les monuments grandioses. Ils seraient plus nobles en marbre blanc ; mais ceux qui taillent le marbre blanc n'ont pas la carrure qu'il faudrait pour faire des monuments aussi grands que ceux de Céline. » <439 - 1 août 1961 p.977>
Charles DANTZIG / Dictionnaire égoïste de la littérature française / Grasset 2005
« Le commencement du style est souvent la fin du talent. » <p.13>
Georges POLYA / Comment poser et résoudre un problème / Dunod 1965
« Règles de style. La première de ces règles c'est avoir quelque chose à dire ; la deuxième, c'est, lorsqu'on a deux choses à dire, les énoncer l'une après l'autre, et non toutes deux en même temps. » <p.199>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« On ne peut traduire que les auteurs sans style. D'où le succès des médiocres, ils passent facilement dans n'importe quelle langue ! » <11 octobre 1967 p.525>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« La pensée est de tous les pays ; seul le style est national. » <21 décembre 1968, p.112>
LE CORBUSIER / Vers une architecture (1923) / Champs Flammarion 1995
« L'architecture n'a rien à voir avec les "styles". Les Louis XV, XVI, XIV ou le Gothique, sont à l'architecture ce qu'est une plume sur la tête d'une femme ; c'est parfois joli, mais pas toujours et rien de plus. » <p.15>
Michel AUDIARD / Audiard par Audiard / Ed. René Chateau 1995
« - Attention ! J'ai le glaive vengeur et le bras séculier ! L'aigle va fondre sur la vieille buse !... - Un peu chouette comme métaphore, non ? - C'est pas une métaphore, c'est une périphrase. - Fais pas chier !... - Ça, c'est une métaphore. » <Faut pas prendre les Enfants du Bon Dieu pour des Canards sauvages, p.99>