Blaise PASCAL / Pensées / OEuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« L'homme est ainsi fait, qu'à force de lui dire qu'il est un sot, il le croit ; et, à force de se le dire à soi-même, on se le fait croire. Car l'homme fait lui seul une conversation intérieure, qu'il importe de bien régler : Corrumpunt mores bonos colloquia prava*. Il faut se tenir en silence autant qu'on peut, et ne s'entretenir que de Dieu, qu'on sait être la vérité ; et ainsi on se la persuade à soi-même. »
* Les mauvaises conversations corrompent les bonnes moeurs. (I Cor. XV, 33.) <102 p.1115>
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Autre bel exemple d'anacoluthe : "L'homme est ainsi fait, qu'à force de lui dire qu'il est un sot, il le croit." (Pascal.) Il faudrait, logiquement : " qu'à force de s'entendre dire qu'il est un sot...". » <7 mars 1943 p.209>
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Il y a des maux effroyables et d'horribles malheurs où l'on n'ose penser, et dont la seule vue fait frémir ; s'il arrive que l'on y tombe, l'on se trouve des ressources que l'on ne se connaissait point, l'on se roidit contre son infortune, et l'on fait mieux qu'on ne l'espérait. » <p.303 XII (30)>
VAUVENARGUES / Réflexions et maximes / Les moralistes français / Paris, Garnier frères 1875
« Le sentiment de nos forces les augmente. » <75 - p.658>
Antoine de RIVAROL / L'Universalité de la langue française (1783) / arléa 1998
« Telle est l'étroite dépendance où la parole met la pensée, qu'il n'est pas de courtisan un peu habile qui n'ait éprouvé qu'à force de dire du bien d'un sot ou d'un fripon en place, on finit part en penser. » <p.102>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La position victorieuse. - Une bonne attitude à cheval ravit le courage de l'adversaire, le coeur du spectateur, - à quoi bon alors attaquer encore ? Tiens-toi comme quelqu'un qui a vaincu. » <354 p.816>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Choses vues. Un vieil homme court derrière un tramway, l'attrape, le lâche et roule à terre. Le conducteur fait arrêter. Le vieil homme se relève et monte. Le conducteur le réprimande : "Il est interdit... La compagnie décline..." ; mais surtout un monsieur bien, qui est sur la plate forme, lui dit : - Vous vous êtes fait mal. - Non. - Si, si ! Vous avez dû vous faire mal au coude gauche, qui est sale, et au droit. Vous ne sentez rien maintenant, mais vous sentirez. Ça vous prendra cette nuit : vous ne pourrez pas dormir. Demain, vous aurez une courbature. Vous ferez venir le médecin. Et le vieil homme, honteux, aimerait presque autant être sous les roues du tramway. » <3 décembre 1905 p.801>
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« M Leuret, le médecin des fous, est en train de devenir fou. La contagion de la folie a ceci de remarquable que ne se communiquant pas par le toucher comme la peste, la rage, la vérole, etc., ne se communiquant pas par l'air respirable comme le typhus, le choléra, la fièvre jaune etc., la maladie se communique évidemment par l'imagination. Troisième agent morbide, troisième véhicule à contagion auquel les médecins n'avaient pas pensé. Plus on ira, plus on reconnaîtra que les maladies peuvent naître, empirer, guérir par l'imagination. Beaucoup de remèdes, beaucoup de systèmes médicaux sont efficaces par cela seul que le malade y croit. En médecine comme en autre chose, la foi sauve. Ceci n'est qu'une vue jetée de côté sur une immense question ; j'y reviendrai. » <16 décembre 1847 p.657>
ALAIN / Les idées et les âges / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Mon père m'a conté comment un de ses camarades mourut du choléra par persuasion. Il avait parié qu'il coucherait dans les draps d'un cholérique ; il le fit, prit le choléra, et mourut presque sur l'heure. Or ses camarades, dont mon père était, avaient bien pris soin de purifier tout, ne conservant que des apparences. Ces apparences suffirent à tuer le malheureux. Il se trompait en ceci qu'il croyait que le courage guérit de la peur. Nous n'avons directement aucune action sur ces mouvements intérieurs du ventre, si sensibles dans les moindres peurs. Et mon exemple est bon en ceci que le microbe visait justement là. » <p.81>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Tout le monde connaît la fameuse scène où tous, à force de dire à Basile "Vous êtes pâle à faire peur", finissent par lui faire croire qu'il est malade. Cette scène me revient à l'esprit toutes les fois que je me trouve au milieu d'une famille étroitement unie, où chacun surveille la santé des autres. Malheur à celui qui est un peu pâle ou un peu rouge ; toute la famille l'interroge avec un commencement d'anxiété : "Tu as bien dormi ?", "Qu'as-tu mangé hier ?", "Tu travailles trop", et autres propos réconfortants. Viennent ensuite des récits de maladies "qui n'ont pas été prises assez tôt". Je plains l'homme sensible et un peu poltron qui est aimé, choyé, couvé, soigné de cette manière-là. Les petites misères de chaque jour, coliques, toux, éternuements, bâillements, névralgies, seront bientôt pour lui d'effroyables symptômes, dont il suivra le progrès, avec l'aide de sa famille, et sous l'oeil indifférent du médecin, qui ne va pas, vous pensez bien, s'obstiner à rassurer tous ces gens-là au risque de passer pour un âne. » <30 mai 1907 p.8>
« Il se produit sans doute quelque résistance du même genre chez les libres penseurs, lorsqu'ils se sont convaincus que les objets de la religion n'existent pas ; ils nient alors les apparences, et, par exemple, les effets de la prière, parce qu'ils sont assurés qu'aucun Dieu n'écoute la prière. Mais il se peut bien qu'une telle action s'explique sans aucun Dieu, par un jeu de sentiments qui est apparence, il est vrai, et trompeuse, à l'égard de Dieu, mais qui soit très réelle et efficace par la structure de notre propre machine. Et c'est pourquoi je voudrais voir, dans les programmes de leurs congrès, cette question, fondamentale à mon avis : de la vérité des religions. » <22 août 1912 p.138>
ALAIN / Propos II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1970
« Nous ne comprenons la torture ; mais cela se faisait il y a un siècle et demi ; et la pensée suivait l'action. C'est pourquoi c'est une très mauvaise preuve en faveur d'une religion que de dire qu'elle a duré ; et Pascal a trop raison lorsqu'il dit : "Pratiquez et vous croirez." Parbleu oui je croirais, et c'est pourquoi je ne veux pas pratiquer. Toute concession vaut preuve ; et le respect de forme est tout de suite respect de coeur. La machine va plus vite que le raisonnement ; j'ai été poli avec cet homme que je ne connaissais point ; je l'aime déjà. On peut dire : "Je l'aime déjà parce que je suis content de lui et de moi", mais c'est une raison qui vient ensuite ; mon premier salut a tout décidé. Nos préjugés ne sont point des pensées, ce sont des actions. Si je fuis une fois, j'aurai peur ; si je salue trop bas une fois, je serai plat ; si je joue, je serai joueur ; si je bois, je serai ivrogne. Mais non pas sans remède. Si je me prive une fois de boire, me voilà sobre aussi bien. Nous sommes en paix, et pacifiques. Vienne la guerre, on s'y mettra ; non peu à peu, mais tout de suite. Cette pensée n'accable pas ; elle est tonique et vivifiante au contraire ; nous nous sentons responsables de tout ce qui arrive, et porteurs de progrès. Mais ne posons pas le fardeau par terre, non, pas même une minute. » <13 août 1911, p.224>