Charles DUFRESNY / Amusements sérieux et comiques (1698) / Moralistes du XVIIe siècle / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Si l'on pouvait faire un livre qui ne laissât rien à souhaiter, j'en aimerais encore mieux un qui me fit souhaiter la suite. Pour plaire à l'homme, il faut contenter sa curiosité sans éteindre ses désirs. » <p.997>
Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX / OEuvres / Art Poétique / Société des Belles Lettres 1939
« Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant : L'esprit rassasié le rejette à l'instant. Qui ne sçait se borner ne sceut jamais écrire. » <Chant I v.61-63>
« Hastez-vous lentement, et sans perdre courage, Vingt fois sur le mestier remettez vostre ouvrage. Polissez-le sans cesse, et le repolissez. Ajoutez quelque fois, et souvent effacez. » <Chant I v.170-173>
Jean de LA BRUYERE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La gloire ou le mérite de certains hommes est de bien écrire ; et de quelques autres, c'est de n'écrire point. » <p.87 I (59)>
MARIVAUX / Le Cabinet du philosophe (1734) / Journaux et OEuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« Je crois que ceux qui font des livres les feraient bien meilleurs, s'ils ne voulaient pas les faire si bons ; mais, d'un autre côté, le moyen de ne pas vouloir les faire bons ? Ainsi, nous ne les aurons jamais meilleurs. » <p.351>
MARIVAUX / Réflexions sur les hommes (1751) / Journaux et OEuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« À quoi bon faire des livres pour instruire les hommes ? les passions n'ont jamais lu ; il n'y a point d'expérience pour elles, elles se lassent quelquefois, mais elles ne se corrigent guère, et voilà pourquoi tant d'événements se répètent. » <p.511>
VOLTAIRE / Idées républicaines (1762) / Mélanges / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1961
« Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement c'est dire :"Nous n'avons pas assez d'esprit pour lui répondre". Ce sont les livres d'injures qu'il faut brûler, et dont il faut punir sévèrement les auteurs parce qu'une injure est un délit. Un mauvais raisonnement n'est un délit que quand il est évidemment séditieux. » <XXXIX p.515>
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [oeuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« On ferait souvent un bon livre de ce qu'on n'a pas dit, et tel édifice ne vaut que par ses réparations. » <Littérature p.93>
« Il ne faut pas trop compter sur la sagacité de ses lecteurs ; il faut s'expliquer quelquefois. » <Anecdotes et bons mots p.177>
« Un livre qu'on soutient est un livre qui tombe. » <Anecdotes et bons mots p.181>
VAUVENARGUES / Réflexions et maximes / Les moralistes français / Paris, Garnier frères 1875
« Si on n'écrit point parce qu'on pense, il est inutile de penser pour écrire. » <727 p.690>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« On se ruine l'esprit à trop écrire. - On le rouille à n'écrire pas. » <9 juillet 1805 t.2 p.58>
« En littérature aujourd'hui on fait bien la maçonnerie, mais on fait mal l'architecture. » <19 avril 1807 t.2 p.207>
« Et ce ne serait peut-être pas un conseil peu important à donner aux écrivains que celui-ci : - N'écrivez jamais rien qui ne vous fasse un grand plaisir. » <4 juillet 1823 t.2 p.607>
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Le classique est la santé, le romantique la maladie. » <p.158>
Paul VERLAINE / OEuvres poétiques complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Que ton vers soit la bonne aventure Éparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym... Et tout le reste est littérature. » <Jadis et Naguère, Art poétique p.327>
« Je ne crois pas plus à la république des lettres qu'à toute autre république ; le monde littéraire est divisé, comme le monde politique, en États particuliers qui ont chacun leurs fondateurs, leurs législateurs, leur succession légitime de monarques, et qui ont aussi leurs révolutions et leurs usurpateurs. » <Pensées, p.1405>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Il y a des gens qui ne comprennent pas nos livres - lesquels gens comprennent le catéchisme ! » <17 avril 1858 p.345>
« Dans un livre, les auteurs doivent être comme la police : ils doivent être partout et ne jamais se montrer. » <5 septembre 1858 p.399>
« Écrire pour le public ? Mais est-ce que tous les succès honorables, enviables, durablement glorieux ne l'ont pas violé, le public, ne l'ont pas fait, ne se sont pas imposés à lui ? Prenez toutes les grandes oeuvres, elles font monter le public à elles et ne descendent pas à lui... Et puis quel public, le public du café des Variétés ou le public de Castelnaudary ? le public d'hier au soir ou le public de demain matin ? C'est le dogme de l'ornière. » <2 février 1860 p.527>
« Un auteur doit être dans son livre comme la police dans une ville : partout et nulle part. » <27 mai 1864 p.1074>
Victor HUGO / Littérature et philosophie mêlées / Critique / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1985
« Combien de malheureux, qui auraient pu mieux faire, se sont mis en tête d'écrire, parce qu'en fermant un beau livre, ils s'étaient dit : J'en pourrais faire autant ! et cette réflexion-là ne prouvait rien, sinon que l'ouvrage était inimitable. En littérature comme en morale, plus une chose est belle plus elle semble facile. » <p.107>
« En littérature, le plus sûr moyen d'avoir raison, c'est d'être mort. » <p.173>
STENDHAL / Journal / OEuvres intimes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1981
« Je n'écris plus les souvenirs charmants, je me suis aperçu que cela les gâtait. » <6 avril 1805 p.308>
« On ne peut pas, au moment où l'on produit, avoir pour ce qu'on fait la nuance d'admiration que donnent les beautés des autres qu'on rencontre et où il entre toujours une nuance d'imprévu. » <18 juin 1815 p.933>
« Les bibliothèques sont particulièrement utiles pour les livres médiocres qui, sans elles, se perdraient. » <1815 p.952>
STENDHAL / Souvenirs d'égotisme / OEuvres intimes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1982
« Avez-vous jamais vu, lecteur bénévole, un ver à soie qui a mangé assez de feuille de mûrier ? La comparaison n'est pas noble, mais elle est si juste ! Cette laide bête ne veut plus manger, elle a besoin de grimper et de faire sa prison de soie. Tel est l'animal nommé écrivain. Pour qui a goûté de la profonde occupation d'écrire, lire n'est plus qu'un plaisir secondaire. Tant de fois je croyais être à 2 heures, je regardais ma pendule : il était 6 heures et demie. Voilà ma seule excuse pour avoir noirci tant de papier. » <p.512>
STENDHAL / Vie de Henry Brulard / OEuvres intimes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1982
« Si j'eusse parlé vers 1795 de mon projet d'écrire, quelque homme sensé m'eût dit : "Écrivez tous les jours pendant deux heures, génie ou non." Ce mot m'eût fait employer dix ans de ma vie dépensés niaisement à attendre le génie. » <p.715>
Charles-Augustin SAINTE-BEUVE / Mes Poisons / Collection Romantique / José Corti 1988
« Un des termes qui s'appliquent avec le plus de propriété aux talents de nos jours, c'est le mot prodigieux : Mme Sand, Lamartine, Hugo, etc., ont en effet un talent prodigieux. Or, ce mot-là ne saurait s'appliquer proprement aux oeuvres et aux hommes du grand siècle. On ne saurait dire que Corneille, Pascal, Racine avaient un talent prodigieux ; la justesse de l'oeuvre exclut ce mot. » <p.37>
« M. de Balzac et M. Alexandre Dumas sont brouillés. Au dernier voyage de M. Dumas, venant à Paris de Florence, d'où, à la surprise générale, il n'a rapporté aucune nouvelle décoration, un ami commun leur fait passer la soirée ensemble ; ils ne s'adressèrent pas la parole ; vers minuit, M. de Balzac sort et dit en passant devant M. Dumas : "Quand je serai usé, je ferais du drame. - Commencez donc tout de suite," répond M. Dumas. » <Octobre 1841, p.111>
« Ce n'est pas une plaisanterie, les rats se sont emparés de la Bibliothèque royale et en mangent tous les livres. On parle de remplacer les conservateurs par des chats. - Mais que vont devenir les auteurs contemporains qui font des livres nouveaux en copiant les anciens ? » <décembre 1844 p.269>
Georges ELGOZY / Le Fictionnaire ou précis d'indéfinitions / Denoël 1973
« Bibliothèque : gisement de culture stratifié, rarement exploité, en voie de fossilisation. D'où l'expression de "fossiles" réservée aux bibliothécaires. » <p.46>
Oscar WILDE / Intentions / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« [...] il ne fait aucun doute que, malgré l'amusement que nous pouvons prendre à la lecture d'un roman simplement moderne, il est rare que sa relecture nous apporte quelque plaisir artistique. Et c'est peut-être là le meilleur critère rudimentaire qui permette de distinguer ce qui est de la littérature de ce qui n'en est pas. Si on ne peut pas prendre du plaisir à lire et relire indéfiniment un livre, il ne sert à rien de le lire une première fois. » <p.784>
« Dans les milieux littéraires, quand on parle des poètes morts jeunes, ce sont les morts vieux qui se mouchent. » <Le Chat Noir, 25 janvier 1890 p.221>
Léon BLOY / Le mendiant ingrat / Journal I / Robert Laffont - Bouquins 1999
« Qu'est-ce qu'un "scatologue" ? C'est un auteur qui ne se vend pas. Un romancier qui tire à cent mille n'est jamais un scatologue. » <27 septembre 1893, p.66>
Anatole FRANCE / Les opinions de M. Jérôme Coignard (1893) / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1987
« La longue durée des chefs-d'oeuvre est assurée au prix d'aventures intellectuelles tout à fait pitoyables, dans lesquelles le coq-à-l'âne des cuistres prête la main aux calembours ingénus des âmes artistes. Je ne crains pas de dire qu'à l'heure qu'il est, nous n'entendons pas un seul vers de L'Iliade ou de La Divine Comédie dans le sens qui y était attaché primitivement. Vivre c'est se transformer, et la vie posthume de nos pensées écrites n'est pas affranchie de cette loi : elles ne continueront d'exister qu'à la condition de devenir de plus en plus différentes de ce qu'elles étaient en sortant de notre âme. Ce qu'on admirera de nous dans l'avenir nous deviendra tout à fait étranger. » <p.208>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (1) / Mercure de France 1921
« La littérature usitée en Belgique est française : or un écrivain, un poète, un philosophe, un homme des régions intellectuelles n'a qu'une patrie : sa langue. Tout Belge de haute culture est français. Nous ferons-nous les complices de petites dynasties, d'humbles politiques ? Qui oserait, à Paris, appeler Verhaeren ou Maeterlinck des écrivains étrangers ? » <décembre 1897, p.185>
ALAIN / Propos II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1970
« Tout livre est dangereux ; mais le livre le plus dangereux, selon l'Église, est justement celui qui parle à l'intelligence seule. Et s'il y avait encore des bûchers, on n'y brûlerait point quelque barbouilleur en pornographie ; non ; on y brûlerait quelque noble et sage matérialiste, qui serait parvenu à la sagesse en s'efforçant de comprendre le jeu des forces naturelles. » <26 juillet 1907 p.32>
Léon DAUDET / Le stupide XIXe siècle (1922) / Souvenirs et polémiques / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Il [E. Renan] était devenu même populaire, car la vraie forme de la gloire est d'être admiré sans être lu, ce qui supprime les réserves et réticences. » <p.1228>
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Un écrivain comme Dostoïewski a gâté des gens comme Gide, comme Duhamel. C'est de la littérature de malade, d'épileptique, de taré. C'est une hygiène intellectuelle de s'en tenir éloigné, de ne pas vouloir la connaître. C'est de la littérature de cabanon, bien faite pour les Russes, ces cerveaux malades, faibles, résignés, fatalistes, fuyants. Cette littérature est à fuir, pour un esprit clair, hardi, libre. Non seulement à fuir, mais à détester. Il n'y a à mon avis, ou à mon goût, que deux littératures : la littérature française, la littérature anglaise. » <18 juillet 1935 II p.1505>
« Qu'est-ce que la littérature ? qu'est-ce que écrire ? qu'il s'agisse de vers, de prose. Une maladie, une folie, une divagation, un délire, - sans compter une prétention ! ! ! Un homme sain, à l'esprit sain, solidement posé, solide dans la vie, n'écrit pas, ne penserait même pas à écrire. À y regarder d'encore plus près, la littérature, écrire, sont de purs enfantillages. Il n'y a qu'un genre de vie humaine qui se tienne, s'explique, se justifie, vaille et rime à quelque chose : la vie paysanne. » <11 février 1946 III p.1407>
Paul LÉAUTAUD / Passe-temps / OEuvres / Mercure de France 1988
« Il vous vient quelquefois un dégoût d'écrire en songeant à la quantité d'ânes par lesquels on risque d'être lu. » <p.253>
Georges BERNANOS / Journal de la guerre d'Espagne / Essais et écrits de combats I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« Le ressort de la polémique est le mépris, et le mépris, comme le désir, n'emprunte quelque noblesse qu'aux coeurs de vingt ans. Passé la quarantaine, un polémiste n'est pas grand'chose. Mais un polémiste septuagénaire me parait aussi répugnant qu'un septuagénaire amoureux. » <Sept, 5 juin 1936 p.1423>
Emil CIORAN / De l'inconvénient d'être né (1973) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu'on n'oserait confier à personne. » <p.1286>
Emil CIORAN / Écartèlement (1979) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« On n'écrit pas parce qu'on a quelque chose à dire mais parce qu'on a envie de dire quelque chose. » <p.1448>
André COMTE-SPONVILLE / Impromptus / PUF 1996
« Partir, c'est mourir un peu. Écrire, c'est vivre davantage. » <p.44>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Si vous n'avez pas mal quelque part, inutile d'écrire. » <8 septembre 1968, p.48>
« Giraudoux attachait beaucoup d'importance au premier livre d'un auteur. Il disait : "Ce qui compte, c'est le petit coup frappé à la porte d'entrée de la littérature." » <31 mai 1969, p.209>
Charles DANTZIG / Dictionnaire égoïste de la littérature française / Grasset 2005
« La littérature n'est pas une thérapie. C'est une idée pour faire plaisir à ceux qui voudraient que les écrivains soient des malades. » <p.860>
« La vie, c'est beaucoup moins bien fait que la littérature. Si la vie se présentait sur manuscrit chez un éditeur, il la refuserait. » <p.926>