« Il faut se dégager soi-même de la prison des affaires quotidiennes et publiques. » <58 p.217>
Blaise PASCAL / Pensées / OEuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n'est que l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute. » <258 p.1156>
MONTESQUIEU / Spicilège / OEuvres complètes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La liberté est en nous une imperfection : nous sommes libres et incertains, parce que nous ne savons pas certainement ce qui nous est le plus convenable. Il n'en est pas de même de Dieu : comme il est souverainement parfait, il ne peut jamais agir que de la manière la plus parfaite. » <p.1310>
« Je ne désespère pas qu'on ne condamne bientôt aux galères le premier qui aura l'insolence de dire qu'un homme ne penserait pas s'il était sans tête : "Car, lui dira un bachelier, l'âme est un esprit pur, la tête n'est que la matière ; Dieu peut placer l'âme dans le talon, aussi bien que dans le cerveau ; partant je vous dénonce comme un impie." » <p.273>
Liberté et déterminisme :
« En quoi consiste donc votre liberté, si ce n'est dans le pouvoir que votre individu a exercé de faire ce que votre volonté exigeait d'une nécessité absolue ? » <p.275>
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« On ne vole point des mêmes ailes pour sa fortune que l'on fait pour des choses frivoles et de fantaisie. Il y a un sentiment de liberté à suivre ses caprices, et tout au contraire de servitude à courir pour son établissement : il est naturel de le souhaiter beaucoup et d'y travailler peu, de se croire digne de le trouver sans l'avoir cherché. » <p.142 IV (59)>
« La liberté n'est pas oisiveté ; c'est un usage libre du temps, c'est le choix du travail et de l'exercice : être libre en un mot n'est pas ne rien faire, c'est être seul arbitre de ce qu'on fait ou de ce qu'on ne fait point ; quel bien en ce sens que la liberté ! » <p.376 XIII (104)>
Honoré-Jean RIOUFFÉ / Mémoires d'un détenu pour servir à l'histoire de la tyrannie de Robespierre / Paris, Imp. Anjubaut 1795 [BnF]
« À la place du supplice, elle [Mme Roland] s'inclina devant la statue de la Liberté, et prononça ces paroles mémorables : O liberté ! que de crimes on commet en ton nom ! » <p.70>
« Ce ne sont pas les devoirs qui ôtent à un homme son indépendance, ce sont les engagements. » <Pensées, p.1382>
Emmanuel Joseph SIEYÈS / Préliminaire de la Constitution Française / Paris, Baudoin 1789
« Les limites de la liberté individuelle ne sont placées qu'au point où elle commencerait à nuire à la liberté d'autrui. C'est à la Loi à reconnaître ces limites et à les marquer. » <p.28>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Être libre n'est pas faire ce qu'on veut, mais ce qu'on a jugé meilleur et plus convenable. » <26 février 1814 t.2 p.430>
« Sachent donc ceux qui l'ignorent, sachent les ennemis de Dieu et du genre humain, quelque nom qu'ils prennent, qu'entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. » <Conférences de Notre-Dame de Paris - Cinquante-deuxième conférence - Du double travail de l'homme p.494>
NAPOLÉON Ier/ Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« La plus insupportable des tyrannies est la tyrannie des subalternes. » <401 p.300>
Benjamin CONSTANT / De l'esprit de conquête et de l'usurpation (1814) / GF 456 Flammarion 1986
« Une des grandes erreurs de la nation française, c'est de n'avoir jamais attaché suffisamment d'importance à la liberté individuelle. On se plaint de l'arbitraire, quand on est frappé par lui, mais plutôt comme d'une erreur que comme d'une injustice ; et peu d'hommes, dans la longue série de nos oppressions diverses, se sont donnés le facile mérite de réclamer pour des individus d'un parti différent du leur. » <p.190>
Lorédan LARCHEY / L'Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« À la Révolution de 1830 comme à celle de 1848, la mode, - car les révolutions ont leurs modes, - voulut que chacun portât dans la rue des rubans tricolores à la boutonnière. L'académicien Brifaut était sorti sans s'être conformé à l'étiquette. On l'apostrophe bientôt : - Citoyen, pourquoi ne portes-tu pas l'insigne de la liberté ? - Parce que je suis libre, citoyen. » <p.113>
Sören KIERKEGAARD / Ou bien... Ou bien... (1843) / Tel 85 Gallimard 1943
« Que les gens sont absurdes ! Ils ne se servent jamais des libertés qu'ils possèdent, mais réclament celles qu'ils ne possèdent pas ; ils ont la liberté de pensée, ils exigent la liberté de parole. » <Diapsalmata, p.17>
Victor HUGO / Océan prose / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« La liberté commence où l'ignorance finit. » <1863-64 p.23>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Ne pas sentir de nouvelles chaînes. - Tant que nous ne nous sentons pas dépendre de quelque chose, nous nous tenons pour indépendants : conclusion erronée qui montre quel est l'orgueil et la soif de domination de l'homme. Car il suppose ici qu'en toutes circonstances il remarquerait et reconnaîtrait sa dépendance, aussitôt qu'il la subirait, par suite de l'idée préconçue qu'à l'ordinaire il vit dans l'indépendance et que, s'il venait à la perdre exceptionnellement, il sentirait sur-le-champ un contraste d'impression. - Mais quoi ? si c'était le contraire qui fût vrai : qu'il vécût toujours dans une multiple dépendance, mais qu'il se tînt pour libre là où, par une longue accoutumance, il ne sent plus la pression des chaînes ? Seules les chaînes nouvelles le font souffrir encore : - "Libre arbitre" ne veut dire proprement autre chose que le fait de ne pas sentir de nouvelles chaînes. » <10 p.833>
Henry BECQUE / Souvenirs d'un auteur dramatique / Bibliothèque artistique et littéraire 1895 [BnF]
« La liberté et la santé se ressemblent ; on n'en connaît le prix que lorsqu'elles vous manquent. » <p.198>
Henry MARET / Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903 [BnF]
« La pensée doit jouir d'une liberté illimitée, et tout entrave à cette liberté est indigne d'un pays républicain. » <p.101>
« Je ne crois pas que depuis le commencement du monde, on ait jamais vu une nation se payer de mots aussi aisément que la nôtre. C'est d'ailleurs la seule qui ait eu le front d'écrire LIBERTÉ sur ses prisons, ÉGALITÉ sur ses palais et FRATERNITÉ sur cette fabrique de haine qu'on appelle le Parlement. » <p.116>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (1) / Mercure de France 1921
« Il n'y a pas de liberté là où le public n'est pas assez intelligent pour aimer les opinions contradictoires. Un tel état d'esprit semble avoir existé en France vers le milieu du dix-huitième siècle : qui nous rendra ces temps sceptiques, ces temps bénis ! » <mars 1898, p.226>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (2) / Mercure de France 1923
« L'homme est libre, sans doute, libre de faire ce qu'il fait, mais non libre de faire ce qu'il ne fait pas. En d'autres termes, sa liberté est aiguillée comme un train. Il est libre d'obéir à la tendance la plus forte parmi celles qui le sollicitent. Le choix, c'est l'obéissance. Il n'y eut jamais au monde qu'un être parfaitement libre : l'âne de Buridan. » <juin 1901, p.268>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (3) / Mercure de France 1923
« Que l'on regarde le seul pays où existe vraiment la liberté religieuse, les États-Unis : c'est un amas de sectes dont le seul but semble la culture intensive de la bêtise humaine. De toutes les libertés inutiles au peuple, la plus inutile est la liberté religieuse, et c'est la plus dangereuse aussi. » <novembre 1903, p.228>
Georges DARIEN / La Belle France (1900) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« L'homme a été tellement abruti par des siècles de despotisme et surtout par un siècle de fausse liberté, que l'idée seule qu'il lui faudra se passer de maître le terrifie. Dès qu'il s'est libéré des liens que lui impose un gredin couronné, le peuple s'empresse de s'asservir lui-même en s'intitulant Peuple souverain ; ce qui lui permet, immédiatement, de déléguer sa souveraineté ; après quoi il s'accroupit sur son fumier, qu'il aime, et se met à gratter ses ulcères avec les tessons empoisonnés que lui passent ses délégués, et qui s'appellent des lois ; et rend grâces au Seigneur qu'il conçoit, mannequin sanguinolent tressé à son image, de l'avoir créé Peuple, et Souverain, et imbécile, et lâche. » <p.1242>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Il est remarquable que l'amour de la liberté suppose une haute idée de l'homme, et, en effet, l'argument le plus fort du despote est que les hommes font les fous dès qu'ils se sentent libres. C'est donc une chance rare pour vous, leur dit-on, d'être bien bâtonnés. Ce que j'admire, c'est qu'ils semblent quelquefois le croire. Un ivrogne sait très bien prouver que les choses iront toutes de travers s'il n'y a point un tyran énergique. Et tout homme arrive bien une fois par jour à se juger incapable de se conduire. Mais s'il tombe à genoux pour si peu, alors ce qu'il croyait devient vrai. » <12 octobre 1935 p.1285>
Alexandre VIALATTE / Chroniques de La Montagne (1) / Robert Laffont - Bouquins 2000
« La liberté habille les hommes beaucoup trop large ; ils flottent dedans ; c'est aussi gênant, à l'usage, que d'avoir un vêtement trop étroit. Toutes les grenouilles demandent un roi. D'ailleurs le seul usage que l'homme puisse faire de sa liberté, c'est de choisir son esclavage. » <352 - 20 octobre 1959 p.802>
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Pour les femmes et les enfants, la liberté c'est de contredire. » <28 p.165>
Paul VALÉRY / Regards sur le monde actuel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Liberté : c'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens ; qui chantent plus qu'ils ne parlent ; qui demandent plus qu'ils ne répondent ; de ces mots qui ont fait tous les métiers, et desquels la mémoire est barbouillée de Théologie, de Métaphysique, de Morale et de Politique ; mots très bons pour la controverse, la dialectique, l'éloquence ; aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infinies qu'aux fins de phrases qui déchaînent le tonnerre. » <p.951>
« Il faudra bientôt construire des cloîtres rigoureusement isolés, où ni les ondes, ni les feuilles n'entreront ; dans lesquels l'ignorance de toute politique sera préservée et cultivée. On y méprisera la vitesse, le nombre, les effets de masse, de surprise, de contraste, de répétition, de nouveauté et de crédulité. C'est là, qu'à certains jours on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d'hommes libres. » <p.969>
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Que de choses je n'aurais pas vues, si je n'avais été conduit à les voir par l'obligation de travaux imposés ! Ceci est contre la liberté du travail. Trop de liberté enchaîne à ce que l'on est, - ou que l'on aime. » <Ego scriptor p.319>
« Nous sommes faits pour ignorer que nous ne sommes pas libres. » <Philosophie p.498>
« L'homme se sent libre. Mais mon bras, fort souvent, ne se sent aucun poids. Il n'en pèse pas moins. » <Philosophie p.754>
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Les lois et les censures compromettent la liberté de pensée bien moins que ne le fait la peur. Toute divergence d'opinion devient suspecte et seuls quelques très rares esprits ne se forcent pas à penser et juger "comme il faut". » <28 octobre 1944 p.279>
Henri JEANSON / Jeanson par Jeanson / Ed. René Chateau 2000
« La liberté c'est un mot qui a fait le tour du monde et qui n'en est pas revenu. » <Le Canard enchaîné, 1er novembre 1944, p.258>
Georges BERNANOS / La France contre les robots (1946) / Essais et écrits de combats II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1995
« L'idée qu'un citoyen, qui n'a jamais eu affaire à la justice de son pays, devrait rester parfaitement libre de dissimuler son identité à qui il lui plaît, pour des motifs dont il est seul juge, ou simplement pour son plaisir, que toute indiscrétion d'un policier sur ce chapitre ne saurait être tolérée sans les raisons les plus graves, cette idée ne vient plus à l'esprit de personne. Le jour n'est pas loin peut-être où il nous semblera aussi naturel de laisser notre clef dans la serrure, afin que la police puisse entrer chez nous nuit et jour, que d'ouvrir notre portefeuille à toute réquisition. Et lorsque l'État jugera plus pratique, afin d'épargner le temps de ses innombrables contrôleurs, de nous imposer une marque extérieure, pourquoi hésiterions-nous à nous laisser marquer au fer, à la joue ou à la fesse, comme le bétail ? L'épuration des Mal-Pensants, si chère aux régimes totalitaires, en serait grandement facilitée. » <p.992>
Henri LABORIT / Éloge de la fuite / Robert Laffont 1976 - Gallimard folio-essais 7
« La sensation fallacieuse de liberté s'explique du fait que ce qui conditionne notre action est généralement du domaine de l'inconscient, et que par contre le discours logique est, lui, du domaine du conscient. C'est ce discours qui nous permet de croire au libre choix. Mais comment un choix pourrait-il être libre alors que nous sommes inconscients des motifs de notre choix, et comment pourrions-nous croire à l'existence de l'inconscient puisque celui-ci est par définition inconscient ? Comment prendre conscience de pulsions primitives transformées et contrôlées par des automatismes socio-culturels lorsque ceux-ci, purs jugements de valeur d'une société donnée à une certaine époque, sont élevés au rang d'éthique, de principes fondamentaux, de lois universelles, alors que ce ne sont que les règlements de manoeuvres utilisés par une structure sociale de dominance pour se perpétuer, se survivre ? » <p.72>
« La sensation fallacieuse de liberté vient aussi du fait que le mécanisme de nos comportements sociaux n'est entré que depuis peu dans le domaine de la connaissance scientifique, expérimentale, et ces mécanismes sont d'une telle complexité, les facteurs qu'ils intègrent sont si nombreux dans l'histoire du système nerveux d'un être humain, que leur déterminisme semble inconcevable. Ainsi, le terme de "liberté" ne s'oppose pas à celui de "déterminisme" car le déterminisme auquel on pense est celui du principe de causalité linéaire, telle cause ayant tel effet. Les faits biologiques nous font heureusement pénétrer dans un monde où seule l'étude des systèmes, des niveaux d'organisation, des rétroactions, des servomécanismes, rend ce type de causalité désuet et sans valeur opérationnelle. Ce qui ne veut pas dire qu'un comportement soit libre. Les facteurs mis en cause sont simplement trop nombreux, les mécanismes mis en jeu trop complexes pour qu'il soit dans tous les cas prévisible. Mais les règles générales que nous avons précédemment schématisées permettent de comprendre qu'ils sont cependant entièrement programmés par la structure innée de notre système nerveux et par l'apprentissage socio-culturel » <p.73>
« La liberté commence où finit la connaissance (J. Sauvan). Avant, elle n'existe pas, car la connaissance des lois nous oblige à leur obéir. Après, elle n'existe que par l'ignorance des lois à venir et la croyance que nous avons de ne pas être commandés par elles puisque nous les ignorons. En réalité, ce que l'on peut appeler "liberté", si vraiment nous tenons a conserver ce terme, c'est l'indépendance très relative que l'homme peut acquérir en découvrant, partiellement et progressivement, les lois du déterminisme universel. Il est alors capable, mais seulement alors, d'imaginer un moyen d'utiliser ces lois au mieux de sa survie, ce qui le fait pénétrer dans un autre déterminisme, d'un autre niveau d'organisation qu'il ignorait encore. Le rôle de la science est de pénétrer sans cesse dans un nouveau niveau d'organisation des lois universelles. » <p.74>
Emil CIORAN / Le livre des leurres (1936) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« La liberté est un joug trop lourd pour la nuque de l'homme. Même pris d'une terreur sauvage, il est plus assuré que sur les chemins de la liberté. Bien qu'il la considère comme la valeur positive par excellence, la liberté n'a jamais cessé de lui présenter son revers négatif. La route infaillible de la débâcle est la liberté. L'homme est trop faible et trop petit pour l'infini de la liberté, de sorte qu'elle devient un infini négatif. Face à l'absence de bornes, l'homme perd les siennes. La liberté est un principe éthique d'essence démoniaque. Le paradoxe est insoluble. La liberté est trop grande et nous sommes trop petits. Qui, parmi les hommes, l'a méritée ? L'homme aime la liberté, mais il la craint. » <p.257>
Emil CIORAN / De l'inconvénient d'être né (1973) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Le plus grand service qu'on puisse rendre à un auteur est de lui interdire de travailler pendant un certain temps. Des tyrannies de courte durée seraient nécessaires, qui s'emploieraient à suspendre toute activité intellectuelle. La liberté d'expression sans interruption aucune expose les talents à un péril mortel, elle les oblige à se dépenser au-delà de leurs ressources et les empêche de stocker des sensations et des expériences. La liberté sans limites est un attentat contre l'esprit. » <p.1320>
« Je sens que je suis libre mais je sais que je ne le suis pas. » <p.1327>
« C'est à cause de la parole que les hommes donnent l'illusion d'être libres. S'ils faisaient - sans un mot - ce qu'ils font, on les prendrait pour des robots. En parlant, ils se trompent eux-mêmes, comme ils trompent les autres : en annonçant ce qu'ils vont exécuter, comment pourrait-on penser qu'ils ne sont pas maîtres de leurs actes ? » <p.1368>
Emil CIORAN / Aveux et anathèmes (1987) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« La tyrannie brise ou fortifie l'individu ; la liberté l'amollit et en fait un fantoche. L'homme a plus de chances de se sauver par l'enfer que par le paradis. » <p.1649>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« On ne demande pas la liberté, mais l'illusion de liberté. C'est pour cette illusion que l'humanité se démène depuis des millénaires. Du reste la liberté étant, comme on a dit, une sensation, quelle différence y a-t-il entre être libre et se croire libre ? » <16 décembre 1959 p.39>
« L'homme libre ne s'embarrasse de rien, même pas de l'honneur. » <1 octobre 1963, p.183>
Alfred SAUVY / Mythologie de notre temps / Petite Bibliothèque Payot (191) 1971
« Voilà le cas classique de l'artisan du bâtiment, comblé de commandes. Le travail ne lui manque pas, son revenu est convenable et il travaille à sa guise. S'il veut travailler 60 heures, nul ne vient l'en empêcher, mais il peut aussi, s'il le préfère partir à la campagne dès le vendredi à midi. Cet homme voit ce qu'il fait, il crée et souffre aussi peu d'aliénation qu'il est possible dans notre société. Et cependant, ce métier sans aliénation est délaissé, pour le travail d'usine unanimement dénoncé. Voilà donc l'aliénation expressément recherchée. L'homme préfère ne pas avoir à se commander lui-même, ne pas avoir à organiser sa vie. Jeter contre lui un reproche est vain. C'est l'intéressé qui est juge et non nous. » <p.162>
Philippe BOUVARD / Maximes au minimum / Robert Laffont 1984
« La liberté de s'exprimer totalement devient sans objet quand on n'a plus d'interlocuteurs. » <p.75>
Roland TOPOR / Pense-bêtes / Le cherche midi éditeur 1992
« Il connaît toutes les ficelles, c'est un vrai pantin. » <p.98>
« Quand la société serre les fesses, les espaces de liberté individuelle rétrécissent. » <p.169>
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« C'est excités par un article de Charles Maurras, qui protestait dans L'Action française contre la liberté selon lui indue dont jouissait un "magnat impuni de la ploutocratie juive", que, le 6 février 1944, des miliciens assassinèrent le banquier Pierre Worms, père de Roger Stéphane, le futur écrivain, journaliste et homme de télévision, fondateur, en 1950, de L'Observateur, l'hebdomadaire bien connu, intitulé plus tard France-Observateur puis, en 1964, Le Nouvel Observateur. Devant de telles conséquences sanglantes, les intellectuels perdent le droit de se réfugier sous l'abri douillet de la liberté d'expression. C'est pourquoi, durant les "années de plomb" du terrorisme des Brigades rouges, la justice italienne retint à juste titre le principe de la responsabilité de prétendus "théoriciens", comme Toni Negri, professeur à l'université de Padoue. Ces fanatiques, sans avoir commis d'attentats de leurs propres mains, avaient inculqué une croyance préconisant la violence à des jeunes gens influençables, qui commirent ensuite sous cette impulsion des assassinats terroristes. Puisqu'il plaît tant aux intellectuels de se susciter des disciples, qu'au moins ils aient la décence d'avouer tous ceux qu'ils ont marqués de leur pensée ou de ce qui leur en tient lieu. » <p.133>
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« La véritable indépendance consiste à dépendre de qui on veut. » <p.72>
Robert JOLY / Dieu vous interpelle ? Moi, il m'évite... / Editions EPO 2000
« Mettons-nous un instant dans l'hypothèse d'un libre arbitre réel. Dans ce cas, le monde humain devrait être très différent de celui que nous connaissons. Si j'ai une liberté capable de me déterminer en dehors des mobiles, qu'est-ce qui m'empêcherait de me lever libéral le matin, d'être socialiste à midi, écolo à quatre heures, et peut-être, hélas ! front national en me couchant ? Qu'est-ce qui m'empêcherait d'adorer Mozart ou Proust avant midi et de le rejeter absolument le soir, en attendant d'y revenir peut-être le lendemain, mais pour combien de temps ? La constance des personnalités - qui rend l'humanité fréquentable - va à l'encontre du libre arbitre. On peut évoluer, bien sûr, on peut même traverser des crises, mais on sait au moins partiellement pourquoi, ou on se fait soigner. Le libre arbitre, si on y pense, impliquerait un monde totalement imprévisible et hallucinant. » <p.130>