« Certes tout en la maniere qu'à un fainéant l'estude sert de tourment, à un yvrongne l'abstinence du vin, la frugalité est supplice au luxurieux, et l'exercice geine à un homme delicat et oisif : ainsin est-il du reste. Les choses ne sont pas si douloreuses, ny difficiles d'elles mesmes ; mais nostre foiblesse et lascheté les fait telles. Pour juger des choses grandes et haultes, il faut un'ame de mesme, autrement nous leur attribuons le vice qui est le nostre. Un aviron droit semble courbe en l'eau. Il n'importe pas seulement qu'on voye la chose, mais comment on la voye. » <t.1 p.68 livre I chap.XV>
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Garde-toi, tant que tu vivras, De juger des gens sur la mine. » <Livre sixième V Le cochet, le chat et le souriceau p.328>
Jonathan SWIFT / Pensées sur divers sujets loraux et divertissants / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1965
« Il est des gens qui, pour déraciner nos préjugés, détruisent la vertu, l'honnêteté et la religion. » <p.573>
« Il y a des préjugés universels, nécessaires, et qui sont la vertu même. Par tout pays on apprend aux enfants à reconnaître un Dieu rémunérateur et vengeur ; à respecter, à aimer leur père et leur mère ; à regarder le larcin comme un crime, le mensonge intéressé comme un vice, avant qu'ils puissent deviner ce que c'est qu'un vice et une vertu. Il y a donc de très bons préjugés : ce sont ceux que le jugement ratifie quand on raisonne. » <p.351-352>
Alfred CAPUS / L'esprit d'Alfred Capus / nrf Gallimard 1926
« Quand un préjugé disparaît, il y a une vertu qui disparaît en même temps. Une vertu n'est qu'un préjugé qui reste. » <Théâtre - Notre Jeunesse p.101>
MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« On ne jugera jamais bien des hommes si on ne leur passe les préjugés de leur temps. » <1449 p.1340>
Antoine SABATIER de CASTRES / Pensées et observations morales et politiques / Ed de Vienne 1794 [BnF]
« En morale, comme en Politique, presque tout est erreur ou préjugé. L'homme aime mieux agir, que penser ; il aime mieux croire, qu'examiner. Le doute est un tourment pour lui ; son esprit ne peut se tenir en suspens. Il n'estime la vérité que par raison, et il suit l'erreur par instinct. L'erreur entre dans son cerveau par tous les sens, par tous les pores, et la vérité n'y pénètre que par force et par violence. Toute idée admise sans examen, sans la ratification du jugement est un préjugé : or nous n'apprenons, dans notre enfance, que les idées d'autrui. Notre raison est corrompue, avant qu'elle soit formée. » <Livre I Ch.1 p.11>
« Les préjugés sont les passions de l'esprit, comme les passions sont les préjugés du coeur : il est aussi difficile de réformer les uns, que de résister aux autres. » <Livre I Ch.1 p.14>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Les magistrats chargés de veiller sur l'ordre public tels que le lieutenant criminel, le lieutenant civil, le lieutenant de police, et tant d'autres, finissent presque toujours par avoir une opinion horrible de la société. Ils croient connaître les hommes et n'en connaissent que le rebut. On ne juge pas d'une ville par ses égouts et d'une maison par ses latrines. La plupart de ces magistrats me rappellent toujours le collège où les correcteurs ont une cabane auprès des commodités, et n'en sortent que pour donner le fouet. » <245 p.102>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Que dans chaque siècle et même dans les plus éclairés, il y a ce qu'on peut appeler à juste titre "l'esprit du temps" qui ne passera point à d'autres et qui trompe celui où il est sur l'importance et même sur la vérité de la plupart des opinions qui sont dominantes. » <9 mars 1800 t.1 p.342>
NAPOLÉON Ier/ Maximes de guerre et pensées / J. Dumaine Ed., Paris 1863
« La chute des préjugés a mis à nu la source des pouvoirs ; les rois ne peuvent plus se dispenser d'être habiles. » <363 p.293>
François VIDOCQ / Voleurs, physiologie de leurs moeurs et de leur langage / Paris, chez l'auteur 1837
« À quoi sert un code qui proportionne les peines aux délits, si le coupable est marqué pour toujours du sceau de la réprobation ? L'injuste préjugé créa la récidive. » <t.2 p.135>
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Les plus petits animaux ont les plus grosses vermines et les plus petits esprits ont les plus gros préjugés. » <1840 p.160>
« Les philosophes qui se sont élevés avec tant d'amertume contre ce qu'ils ont appelé des préjugés, auraient dû commencer par se défaire de la langue elle-même dans laquelle ils écrivaient ; car elle est le premier de nos préjugés, et il renferme tous les autres. » <Pensées, p.1387>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Danger du langage pour la liberté de l'esprit. - Chaque mot est un préjugé. » <55 p.856>
Anatole FRANCE / Le jardin d'Épicure (1894) / Calmann Lévy, Paris 1895 [BnF]
« Loin de me réjouir quand je vois s'en aller quelque vieille erreur, je songe à l'erreur nouvelle qui viendra la remplacer, et je me demande avec inquiétude si elle ne sera pas plus incommode ou plus dangereuse que l'autre. À tout bien considérer, les vieux préjugés sont moins funestes que les nouveaux : le temps, en les usant, les a polis et rendus presque innocents. » <p.86>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Une piqûre d'épingle changerait vos propos sur le duel. » <14 juillet 1896 p.269>
« Un préjugé, c'est une vérité qu'on affirme trop. Il y a des vérités partout, mais il ne faut pas trop y croire, n'y surtout y tenir. » <25 septembre 1908 p.944>
Vladimir JANKÉLÉVITCH / L'ironie / Champs Flammarion 1964
« Depuis si longtemps que le respect "se perd", comment en reste-t-il encore ? En réalité, le respect ne se perd pas, mais il s'affine et se spiritualise ; il passe du corps à l'esprit, des mythologies ecclésiastiques à la personne morale ou, comme dit fortement Léon Brunschvicg, du respecté au respectable et de l'admiré à l'admirable ; il n'est plus l'illusion d'une "puissance trompeuse", mais, comme chez Kant, le respect de la loi. La première phrase du traité des Météores de Descartes est pour abandonner l'idée aristotélicienne d'un monde supralunaire plus vénérable que le nôtre ; et comme la mécanique céleste n'a pu se constituer qu'au prix d'un blasphème, ainsi le respect des cadavres, en s'opposant à la dissection, aurait rendu impossible l'essor de l'anatomie humaine ; la psychologie, de son côté, a eu toutes sortes de préjugés à vaincre pour se constituer comme science. En vérité, ces multiples sacrilèges n'ont eu d'autre effet que d'approfondir le respect, de le rendre plus pur et plus spirituel. » <p.179>
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« C'est lorsque les familles ennemies ont oublié le motif de leur inimitié que leur division devient irrémédiable. » <p.162>