Baltasar GRACIÁN / Maximes / Paris, Rollin fils 1730
« Tous les sots sont des entêtés, et tous les entêtés sont des sots : plus leur opinion est erronée, plus leur opiniâtreté est grande. Lors même qu'on a pour soi l'évidence, il est honnête de céder ; les autres n'ignorent pas pourquoi on le fait, et que c'est par pure politesse. On perd plus par une opiniâtreté outrée que l'on ne gagne par un avantage remporté ; c'est pousser la rusticité à l'extrême, et non point défendre la vérité. » <Maxime CLXXXIII N'avoir point une trop forte attache à son opinion, p.218>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Il y a à parier que toute idée publique, toute convention reçue, est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre. » <130 p.78>
Madame de LAMBERT / Avis d'une mère à sa fille / OEuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« Ne soyez point précipitée dans vos jugements ; n'écoutez point les calomnies ; résistez même aux premières apparences, et ne vous empressez jamais de condamner. Songer qu'il y a des choses vraisemblables sans être vraies, comme il y en a de vraies qui ne sont pas vraisemblables. » <p.92>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Croyez que l'expérience de beaucoup d'opinions donne à l'esprit qui les a eues beaucoup de flexibilité et l'affermit en même temps dans celles qu'il croit les meilleures. » <21 janvier 1802 t.1 p.442>
Jean-Benjamin de LABORDE / Pensées et Maximes (1791) / Paris, Lamy 1802 [BnF]
« Il est plus aisé de faire prendre une opinion nouvelle, que de détruire une opinion reçue. » <18, p.4>
Georg Christoph LICHTENBERG / Aphorismes / Collection Corps 16 - Éditions Findakly 1996
« Règle d'or : ne pas juger les hommes d'après leurs opinions, mais d'après ce que leurs opinions font d'eux. » <p.28>
Georg Christoph LICHTENBERG / Le miroir de l'âme / Domaine romantique José Corti 1997
« Rien ne concourt davantage à la paix de l'âme que de n'avoir point d'opinion. » <E 63 p.250>
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / La confession de Talleyrand [Ana] / Paris, L.Sauvaitre 1891 [BnF]
« Il n'y a qu'une seule chose que nous aimions à voir partager avec nous, quoiqu'elle nous soit bien chère, c'est notre opinion. » <p.20>
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« Tout homme comprend mal son intérêt. Il faut être plus royaliste que le roi. » <p.1333>
« De même qu'un arbre pousse inévitablement du côté d'où lui vient la lumière et développe ses branches dans ce sens, de même l'homme, qui a l'illusion de se croire libre, pousse et se porte du côté où il sent que sa faculté secrète peut trouver jour à se développer. Celui qui se sent le don de la parole se persuade que le gouvernement de tribune est le meilleur, et il y tend ; et ainsi de chacun. En un mot, l'homme est instinctivement conduit par sa faculté à se faire telle ou telle opinion, à porter tel ou tel jugement, et à désirer, à espérer, à agir en conséquence. » <Pensées, p.1076>
« Beaucoup de gens s'empresse de se ranger à ce qu'on leur dit être l'opinion publique, - surtout quand elle est contraire au gouvernement ; parce que, tout en obéissant à leur instinct de moutons de Panurge, ils ont un certain air d'audace sans danger qui flatte le bourgeois. Ils seraient bien effrayés parfois s'ils savaient qu'ils sont à la tête de l'opinion dont ils croient suivre la queue, - et qu'ils seraient seuls de leur opinion publique - s'il n'y avait pas d'autres bourgeois pris dans le même piège. » <Décembre 1841, p.177>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Opinions propres. - La première opinion qui nous arrive quand on nous interroge à l'improviste sur une chose n'est d'ordinaire pas la nôtre, mais seulement l'opinion courante, qui tient à notre caste, notre situation, notre origine : les opinions propres flottent rarement à la surface. » <571 p.670>
Oscar WILDE / Intentions / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« Quand les gens sont d'accord avec moi, j'ai toujours le sentiment que je dois me tromper. » <p.895>
Henry MARET / Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903 [BnF]
« On ne peut pas être neutre. Le silence est une opinion. » <p.253>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« L'horreur des bourgeois est bourgeoise. » <10 avril 1889 p.19>
« C'est une question de propreté : il faut changer d'avis comme de chemise. » <9 octobre 1902 p.620>
Émile DURKHEIM / Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912) / Quadrige / PUF 1960
« L'opinion, chose sociale au premier chef, est [...] une source d'autorité et l'on peut même se demander si toute autorité n'est pas fille de l'opinion. On objectera que la science est souvent l'antagoniste de l'opinion dont elle combat et rectifie les erreurs. Mais elle ne peut réussir dans cette tâche que si elle a une suffisante autorité et elle ne peut tenir cette autorité que de l'opinion elle-même. Qu'un peuple n'ait pas foi dans la science, et toutes les démonstrations scientifiques seront sans influence sur les esprits. Même aujourd'hui, qu'il arrive à la science de résister à un courant très fort de l'opinion publique, et elle risquera d'y laisser son crédit. » <p.298>
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage ! » <p.69>
Paul VALÉRY / Mélange (1939) / OEuvres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1957
« Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion. » <p.376>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Ce qui a été cru par tous, et toujours, et partout, a toutes les chances d'être faux. » <p.539>
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Il n'y a qu'une sorte d'opinion d'autrui qui doive préoccuper : celle de ceux qui mettent un intérêt passionné et spécial aux choses que l'on produit. L'opinion moyenne est sans intérêt. Elle ne peut que se tromper sur les facilités et les difficultés d'un travail. Si elle nous montre quelque chose, ce n'est qu'elle-même. » <p.898>
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Vouloir qu'une opinion l'emporte, (vouloir avoir raison) c'est toujours lui souhaiter d'autres forces que les siennes, douter de celles-ci. Prédire le triomphe proche d'une doctrine c'est admettre que sa valeur consiste dans cette future puissance et que cette future puissance est de l'ordre même des résistances actuelles, dont elle viendra à bout. Vous adorerez ce que vous brûlez ; c'est dire que votre adoration ne signifie pas plus que vos brasiers. Mais le point remarquable, le voici : Une philosophie, une théologie, une esthétique tournent toujours à la lutte. L'homme n'est jamais assez sûr de sa vérité pour jouir de l'éclat de l'erreur adverse... » <Ego p.77>
Léon DAUDET / Souvenirs / Robert Laffont - Bouquins 1992
« C'est un tourment de conscience que la rencontre d'opinion ou de préférence avec un sot. Alors on est bloqué, puisqu'on ne peut plus se contredire, et il n'y a plus qu'à se taire en rageant. » <p.415>
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Je pense qu'on ne connaît jamais personne, qu'on ne sait jamais ce qu'il y a, ce qui se passe au profond intime d'une créature humaine. Il peut y avoir des richesses de tendresse, de dévouement, de pitié qu'on ne soupçonne pas, qui ne se montrent que dans certaines circonstances rares. Juger autrui ! Ah ! on devrait toujours s'en garder. Est-ce qu'on sait, est-ce qu'on est sûr. Tel qui rit, qui est tout en boutades, en brusqueries, en indifférence, est peut-être le plus sensible secrètement. Tenez, si on pensait à tout cela, on n'oserait plus écrire, porter un jugement sur quelqu'un. » <15 avril 1914 I p.936>
« Je l'ai toujours dit : il faut avoir des parti-pris, c'est une force. Cela n'empêche pas de voir parfaitement les autres côtés de la chose dont on parle et de sentir les contradictions qui s'élèvent à côté de l'opinion qu'on exprime. Écrire, c'est s'être décidé à choisir, à pencher d'un côté plutôt que l'un autre, c'est prendre parti si minimement que ce soit. Si on écoutait toutes ses contradictions, on ne toucherait plus une plume, on ne dirait plus un mot. » <26 septembre 1922 I p.1235>
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Pour son malheur - hélas ! - l'homme qui s'abstient d'avoir une opinion devient bientôt suspect à tous les partis. » <p.80>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Toutes les opinions intéressées me sont suspectes. J'aime pouvoir penser librement et commence à craindre d'être refait dès qu'il me revient quelque avantage de l'opinion que je professe. C'est comme si j'acceptais un pot-de-vin. » <6 juin 1933 p.1174>
« Lorsqu'on s'est fait de quelqu'un une idée fausse et que ce quelqu'un, par suite, se comporte et parle et écrive de manière qui contredise cette première idée fausse que l'on s'était faite de lui, on l'accusera d'hypocrisie bien plus volontiers que de reconnaître qu'on s'était trompé sur son compte. » <24 août 1937 p.1270>
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Une opinion commence à me gêner dès que j'y puis trouver avantage. Le jugement trouve sa liberté bien plus gravement compromise lorsque les circonstances le favorisent que lorsqu'elles le contrecarrent, et l'on doute de son impartialité bien moins dans la résistance que dans l'acquiescement. » <8 mai 1941 p.77>
ALAIN / Mars ou la guerre jugée / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Chacun a pu remarquer, au sujet des opinions communes, que chacun les subit et que personne ne les forme. Un citoyen, même avisé et énergique quand il n'a à conduire que son propre destin, en vient naturellement et par une espèce de sagesse à rechercher quelle est l'opinion dominante au sujet des affaires publiques. "Car, se dit-il, comme je n'ai ni la prétention ni le pouvoir de gouverner à moi tout seul, il faut que je m'attende à être conduit ; à faire ce qu'on fera, à penser ce qu'on pensera." Remarquez que tous raisonnent de même, et de bonne foi. Chacun a bien peut-être une opinion ; mais c'est à peine s'il se la formule à lui-même ; il rougit à la seule pensée qu'il pourrait être seul de son avis. Le voilà donc qui honnêtement écoute les orateurs, lit les journaux, enfin se met à la recherche de cet être fantastique que l'on appelle l'opinion publique. "La question n'est pas de savoir si je veux ou non faire la guerre, mais si le pays veut ou non faire la guerre." Il interroge donc le pays. Et tous les citoyens interrogent le pays au lieu de s'interroger eux-mêmes. Les gouvernants font de même, et tout aussi naïvement. Car, sentant qu'ils ne peuvent rien tout seul, ils veulent savoir où ce grand corps va les mener. Et il est vrai que ce grand corps regarde à son tour vers le gouvernement, afin de savoir ce qu'il faut penser et vouloir. Par ce jeu, il n'est point de folle conception qui ne puisse quelque jour s'imposer à tous sans que personne pourtant l'ait jamais formée en lui-même et par libre réflexion. Bref, les pensées mènent à tout, et personne ne pense. D'où il résulte qu'un État formé d'hommes raisonnables peut penser et agir comme un fou. Et ce mal vient originairement de ce que personne n'ose former son opinion par lui-même ni la maintenir énergiquement, en lui d'abord, et devant les autres aussi. » <p.665>
Georges BERNANOS / Journal de la guerre d'Espagne / Essais et écrits de combats I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« Il n'existe [...] pas de journaux d'opinion, il existe des journaux d'une opinion, ce qui ne semble pas absolument la même chose. Or la charité, d'accord avec le bon sens, ne nous permet pas de refuser aux imbéciles le droit d'avoir une opinion, sous peine de rejeter ces malheureux hors de l'humanité pensante. Et comme ils ne réussiront jamais à s'en former une à leur strict usage, force leur est bien d'emprunter celle des autres. Chaque journal se trouve donc ainsi tenu de compter avec eux, c'est-à-dire de ménager les imbéciles, dont il assume la charge, et Dieu sait si l'espèce est facile à scandaliser ! Scandaliser les imbéciles ne mène à rien de bon. Je crois, au contraire, que la stupide, l'effroyable monotonie de la vie moderne - dont les vertigineux manèges de chevaux de bois nous fournissent la parfaite image - incline les meilleurs esprits à des solutions médiocres, à des mensonges moyens, et que le seul scandale est capable de les remettre debout, face à l'inflexible vérité ! On ne peut raisonnablement demander au directeur d'un journal de risquer quotidiennement cent imbéciles dans l'espoir - souvent déçu - de réveiller un dormeur, de lui réapprendre à penser. La faillite serait au bout d'une telle expérience. » <p.1446>
Robert MUSIL / L'homme sans qualités / Editions du Seuil - Points 1956
« Étant un homme efficace dans sa spécialité, il savait naturellement que l'on ne peut avoir de conviction sur laquelle miser soi-même en dehors du seul domaine où l'on est vraiment ferré ; l'extraordinaire extension des activités empêche qu'il s'en forme ailleurs. C'est pourquoi les hommes efficaces et travailleurs, en dehors du cercle fort étroit de leur spécialité, n'ont aucune conviction qu'ils ne soient prêts à renier pour peu qu'ils devinent sur elle quelque pression extérieure ; on pourrait carrément dire qu'ils se voient forcés par scrupule de conscience, d'agir autrement qu'ils ne pensent. » <p.169>
Alfred SAUVY / Mythologie de notre temps / Petite Bibliothèque Payot (191) 1971
« L'opinion collective n'aime pas avouer ses faux pas et y parvient avec une aisance parfois déconcertante. C'est pourquoi la réputation d'un mythe, d'une parole, dépend essentiellement de la suite des événements. Lorsque Pétain lance le fameux : "On les aura", en 1916, il choisit, avec habileté une formule qui a le double avantage d'être populaire, presque argotique, qui convient bien à l'Union Sacrée (les poilus, les gueules cassées, etc.). Néanmoins, si la guerre avait été perdue, cette parole lui aurait été amèrement reprochée, comme le "Paris ne capitulera pas" de Trochu, "le dernier quart d'heure" de Lacoste. La formule du dernier quart d'heure a été employée par de nombreux chefs avant Lacoste et en particulier par Clémenceau en 1917 : "C'est nous qui aurons le dernier quart d'heure." Pourquoi a-t-elle si souvent servi à tourner Lacoste en dérision ? Non parce que sa cause était mauvaise, mais parce qu'elle a été perdue. Malheur aux vaincus. » <p.54-55>
Emil CIORAN / Aveux et anathèmes (1987) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Des opinions, oui ; des convictions, non. Tel est le point de départ de la fierté intellectuelle. » <p.1709>
Jean-François DENIAU / Ce que je crois / Grasset (LdP) 1992
« Vingt journalistes parisiens propriétaires de grandes rubriques ou émissions politiques font et défont les carrières. Avant chacune de ces émissions qui sont des super-examens de passage dans la classe politique supérieure, les personnalités répètent avec des professionnels comme on prend des répétitions particulières avant le baccalauréat. Il ne faut pas risquer de perdre quelques points à l'issue du débat. Seulement exprimer l'opinion que les spécialistes croient qu'il convient d'avoir. Tout est renvoyé à une analyse et une prévision des mouvements attendus de l'opinion publique. Une fois déterminée la vague de celle-ci, les spécialistes recommandent dans leur joli langage de "surfer sur sa crête". Le sondage a remplacé la conscience. Et si l'opinion publique était imprévisible ? Ou, pire encore pour les professionnels, si l'opinion publique attendait des leaders et des élus non pas qu'ils la suivent mais qu'ils la guident ? Et si, dans les périodes de crise ou d'incertitude, elle attendait des responsables qu'ils prennent d'abord leurs responsabilités ? » <p.62-63>
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Bien poser les questions, c'est tout un art. Où tout dépend, bien sûr, de la réponse que l'on veut obtenir. » <p.166>
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« Ce qui distingue le généraliste du spécialiste, c'est que le généraliste reste cohérent à peu près partout, tandis que le spécialiste, beaucoup plus rigoureux que l'autre devant son objet spécifique, peut se muer en un agité confusionnel dès qu'il s'en éloigne. » <p.179>