« La liberté absolue de la presse est un impôt sur ceux qui lisent : aussi n'est-il demandé en général que par ceux qui écrivent. » <Pensées, p.1309>
François VIDOCQ / Voleurs, physiologie de leurs moeurs et de leur langage / Paris, chez l'auteur 1837
« Il est difficile de comprendre l'empressement que mettent certains journaux, spécialement consacrés aux débats judiciaires, à instruire leurs lecteurs de l'arrestation des individus, avant que leur culpabilité soit démontrée d'une manière positive ; je ne sais même pas jusqu'à quel point cela devrait être permis ? » <t.2 p.220>
Jérémie BENTHAM / Déontologie, ou Science de la morale t.1 / Paris : Charpentier, 1834 [BnF]
« Plus les hommes vivent en public, plus ils sont justiciables de la sanction morale. Plus les hommes sont dans la dépendance du public, c'est-à-dire, plus il y a d'égalité parmi eux, plus les preuves ont d'évidence, plus elles acquièrent de certitude. La liberté de la presse est le plus puissant levier que possède la sanction morale. Placés sous une telle influence, il serait étrange que les hommes ne devinssent pas de jour en jour plus vertueux. Il est certain qu'ils le deviennent, et qu'ils continueront à s'améliorer jusqu'à ce que leur nature ait atteint sa perfection. S'arrêteront-ils dans cette voie ? Rétrograderont-ils ? Autant voudrait demander si les fleuves suspendront leur cours ou reflueront vers leur source. » <p.123>
« Le journal est le souverain maître de ce monde ; c'est le despote inflexible des temps modernes, c'est la seule souveraineté inviolable ; c'est mieux qu'un pouvoir de droit, c'est un pouvoir de fait ; toutes les grandeurs du monde viennent se briser contre cet écueil. Le journal mesure à chacun sa popularité, sa gloire, son renom, sa valeur morale ; c'est lui qui fait les oraisons funèbres de toutes les puissances renversées. Il est immortel à présent ; il a toute la patience de l'immortalité : il a lassé à lui seul toutes les grandeurs et toutes les ambitions de ce siècle. Il a vaincu l'obstination de Sa Majesté Charles X, il a vaincu la sainte et revêche résignation de Mme la duchesse d'Angoulême, il a fait plier la frivole et charmante pensée de Mme la duchesse de Berry, il a fatigué les plus infatigables renommées, celle de Bonaparte lui-même. Quels événements ! Bonaparte tombe sous la presse, il meurt sous elle ; son fils meurt après lui, n'ayant que la presse pour jeter sur sa tombe quelques phrases d'oraison funèbre. Et vous ne voudriez pas qu'on eût quelque orgueil à appartenir à ce corps qui a fait et défait tant de pouvoirs ! » <Introduction p.94>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (1) / Mercure de France 1921
« Il faut faire monter le tirage. C'est un grand principe. On a vu des journaux mourir faute de fausses nouvelles, fautes d'injures inédites, faute de spirituels mensonges. » <février 1898, p.203>
Georges CLEMENCEAU / L'esprit de Clemenceau / nrf Gallimard 1925
« Quand M. Mandel débuta dans le journalisme, à la Justice, il alla demander conseil à son patron. Clemenceau hocha la tête et sèchement : - Écrire, c'est facile... des phrases courtes : un verbe, un sujet, un attribut... Puis, après un temps de silence : - Quand vous voudrez ajouter un adjectif, vous viendrez me trouver. » <p.42>
Léon BLOY / Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne / Journal I / Robert Laffont - Bouquins 1999
« À force d'avilissement, les journalistes sont devenus si étrangers à tout sentiment d'honneur qu'il est absolument impossible, désormais, de leur faire comprendre qu'on les vomit et qu'après les avoir vomis, on les réavalent avec fureur pour les déféquer. La corporation est logée à cet étage d'ignominie où la conscience ne discerne plus ce que c'est que d'être un salaud. » <21 avril 1903, p.472 [Article publié dans L'Assiette au Beurre le 16 mai 1903]>
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Extraordinaire affaire de la fausse nouvelle donnée hier soir par les journaux, d'après une dépêche américaine, l'Intransigeant et la Presse en tête, de l'arrivée à New York des aviateurs Nungesser et Coli, les deux "héros" selon le langage ridicule en cours à notre époque. Et non seulement l'annonce de leur arrivée, mais encore des détails sur leur débarquement et les propos tenus par Nungesser. Ce matin, rien de vrai, et non seulement rien de vrai, mais la plus grande inquiétude sur le sort de ces deux hommes. Quelle douche pour le Paris hystérique d'hier soir ! Le peuple n'a pas changé. Le même qu'au moyen âge. La même superstition, la même idolâtrie, la même crédulité, avec cette abjection en plus : l'hyperorgueil national. Quelles scènes si on annonçait demain la fin du monde. » <10 mai 1927 I p.1944>
Georges BERNANOS / Journal de la guerre d'Espagne / Essais et écrits de combats I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« Grâce à la presse quotidienne, le dernier imbécile peut éprouver quelque chose de la plus haute jouissance de l'homme d'action. Tous les matins, en beurrant ses tartines, il croit que les faits marchent à sa rencontre, que l'immense tragédie du monde s'accorde au rythme de sa chétive pensée, remplit l'étroite mesure de son rêve. Presque à chaque heure, si l'on tient compte de la longitude, des milliers d'idiots prononcent en cent langues la phrase de toutes les impuissances : "Je l'avais bien dit." » <Sept, 5 février 1937 p.1443>
Alexandre VIALATTE / Chroniques de La Montagne (1) / Robert Laffont - Bouquins 2000
« La presse, c'est l'homme, c'est sa curiosité, c'est le plus vieux péché du monde. Celui de l'Éden. L'homme ne cesse de manger la pomme. » <248 - 22 octobre 1957 p.569>
Jean-François REVEL / Fin du siècle des ombres / Fayard 1999
« La "communication" c'est ce qui sert à expliquer que les échecs sont des succès ; le service public de la communication, c'est ce qui sert à contraindre les citoyens à écouter cette explication. » <7 juillet 1986, p.113>
« La survie médiatique appelle un accroissement sans limite des doses. "On ne vous a pas beaucoup vu à la télé, dernièrement" est la phrase assassine dont le passant, inconsciemment sadique, affole, au hasard d'une rencontre, le chouchou de l'antenne, qui, justement, "y est passé" encore trois jours auparavant. Ingratitude ! La télégénie ne communique plus qu'avec l'amnésie. L'opinion publique ne fait plus la synthèse de l'action d'un homme politique ou des livres d'un auteur. Le sens de la continuité se perd. Le plus récent coup médiatique abolit le passé, le bien comme le mal. Et quelques jours, quelques heures suffisent à l'abolir à son tour. » <7 juillet 1986, p.114>
Jean YANNE / J'me marre / Le cherche midi éditeur 2003
« Comment voulez-vous que les hommes politiques n'aient qu'une parole, étant donné le nombre de médias ! » <p.41>