MARIVAUX / Lettres sur les habitants de Paris (1718) / Journaux et OEuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« Pourquoi donc pense-t-on plus respectueusement du philosophe que du bel esprit ? Ne serait-ce pas que le philosophe, ou bien l'homme au système, nous proposant une connaissance expresse de nous-mêmes, nous fait penser que nous sommes difficiles à comprendre, et par là importants ; au lieu que le philosophe qui fait un poème ou une ode semble ne nous exposer à nos propres yeux que pour nous divertir : ce dessein-là ne nous fait pas tant d'honneur. » <p.35>
Georg Christoph LICHTENBERG / Le miroir de l'âme / Domaine romantique José Corti 1997
« La dogmatique, mère fertile et complaisante de la polémique. » <J 1226 p.463>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« L'exception vient toujours de la raison de la règle. » <27 février 1805 t.2 p.34>
« La règle nous délivre des fantaisies, des tourments de l'incertitude. » <9 septembre 1813 t.2 p.401>
« L'incertitude est le pire de tous les maux, jusqu'au moment où la réalité nous fait regretter l'incertitude. » <Juillet 1840, p.296>
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Les règles sont utiles aux talents et nuisibles aux génies. » <1835-40 p.150>
Gustave FLAUBERT / Dictionnaire des idées reçues / Bouvard et Pécuchet / Garnier-Flammarion 1966
« EXCEPTION. - Dites qu'elle confirme la règle. Ne vous risquez pas à expliquer comment*. » <p.351>
* L'exception confirme la règle, c'est-à-dire l'exception, manifestant la règle, la constate. (Littré) Autrement dit, s'il y a une exception c'est qu'il y a une règle !
Ernest RENAN / L'Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« Un système, c'est une épopée sur les choses. Il serait aussi absurde qu'un système renfermât le dernier mot de la réalité qu'il le serait qu'une épopée épuisât le cercle entier de la beauté. Une épopée est d'autant plus parfaite qu'elle correspond mieux à toute l'humanité, et pourtant, après la plus parfaite épopée, le thème est encore nouveau et peut prêter à d'infinies variations, selon le caractère individuel du poète, son siècle ou la nation à laquelle il appartient. » <p.123>
« Si une doctrine est vraie, il ne faut pas la craindre ; si elle est fausse, encore moins, car elle tombera d'elle-même. Ceux qui parlent de doctrines dangereuses devraient toujours ajouter dangereuses pour moi. » <p.451>
Oscar WILDE / Intentions / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« Qui veut de la cohérence ? Les imbéciles et les doctrinaires, les ennuyeux qui poussent leurs principes jusqu'à la fin amère de l'action, jusqu'à la reductio ad absurdum de leur mise en pratique. Pas moi. » <p.775>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (2) / Mercure de France 1923
« Les idées abstraites sont malsaines pour les cerveaux vulgaires, qui en demeurent suffoqués. Quels despotes que les principes ! Avec les anciens dieux qui avaient quelque chose d'humain, on discutait, on s'arrangeait ; les principes sont inflexibles et poussent les hommes aux extrémités de la sottise. À moins qu'on n'ait appris l'art de les discipliner et de les régir. Seul le grand seigneur de vastes domaines intellectuels peut se permettre le luxe d'une telle meute. Cela sert à chasser la grosse bête ; mais que fatigués et repus, les chiens rentrent le soir au chenil et se taisent, car rien n'est meilleur que le sommeil. Il faut dormir, puisqu'il faut vivre. » <juillet 1900, p.157>
Nasr Eddin HODJA / Absurdités et paradoxes / Éditions Phébus 2006
« Au cours d'un voyage maritime, Nasr Eddin se trouve pris, avec d'autres personnes, dans une forte tempête. Le navire est de taille modeste, et il commence à se charger dangereusement d'eau. Le capitaine tente de parer au pire, et il ordonne à tous les passagers d'écoper énergiquement. Nasr Eddin, lui, au lieu de faire comme tout le monde, puise dans la mer avec un seau dont il jette le contenu sur le pont. - Nasr Eddin, tu es fou ! se récrie-t-on. Tu veux donc notre perte à tous ? - Ah, mes frères, il faut savoir mourir pour ses principes : moi, toute ma vie, je me suis mis du côté du plus fort. » <p.22>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les gens qui veulent suivre des règles m'amusent, car il n'y a dans la vie que de l'exceptionnel. » <31 mars 1894 p.168>
Georges BERNANOS / Lettre aux Anglais (1942) / Essais et écrits de combats II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1995
« Je n'ai pas de système, parce que l'esprit de système est une forme de la folie, les systèmes ne servent qu'aux fous. Le bon sens nous enseigne qu'en prétendant simplifier ils compliquent tout, au lieu que la vie, en ayant l'air de compliquer, simplifie tout. Et je n'ai pas de principes pour la raison que je n'éprouve nullement le besoin d'imposer une espèce de constitution à ma conscience, de vivre avec ma conscience sous un régime constitutionnel. Ce mot de principe est d'ailleurs tellement dégradé par l'usage que dire aujourd'hui d'un homme qu'il a des principes équivaut presque à dire qu'il a des rentes. » <p.56>
Georges CLEMENCEAU / L'esprit de Clemenceau / nrf Gallimard 1925
« Il fut un temps où M. Clemenceau, jeune encore, se plaisait à fréquenter le paisible salon de Stéphane Mallarmé, rue de Rome. De là, s'envolaient vers rares et propos quintessenciés. M. Clemenceau écoutait les aèdes, donnait parfois son avis. Un jour - pétulant comme il le fut toujours - il s'écria : - Moi, d'abord, je pars d'un principe !... - Oh ! ami, interrompit Mallarmé, de sa voix musicale, la vie est si compliquée : pourquoi ne pas partir, tout de suite, de deux ou trois principes à la fois ? » <p.44>
Antoine de SAINT-EXUPÉRY / Carnets / folio Gallimard 1999
« On attaque les principes au nom de l'homme. Mais l'homme est tel à cause des principes qui l'ont formé. Ainsi chaque libération est destructive. » <p.121>
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Un homme compétent est un homme qui se trompe selon les règles. » <p.887>
Henri LABORIT / Éloge de la fuite / Robert Laffont 1976 - Gallimard folio-essais 7
« Ce n'est pas l'Utopie qui est dangereuse, car elle est indispensable à l'évolution. C'est le dogmatisme, que certains utilisent pour maintenir leur pouvoir, leurs prérogatives et leur dominance. » <p.164>
Georges ELGOZY / Le Contradictionnaire ou l'esprit des mots / Denoël 1967
« Utopie : nom que les imbéciles donnent à toute idée qui les dépasse. » <p.353>
Gustave LE BON / Aphorismes du temps présent (1913) / Paris, Les amis de G. Le Bon 1978 [BnF]
« L'intolérance est la compagne nécessaire des convictions fortes. Entre sectateurs de croyances voisines, elle est beaucoup plus accentuée qu'entre défenseurs de dogmes sans parenté. » <p.218>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Il y a de grandes perturbations dans le monde, qui sont dues à la coexistence de "vérités", d'idéaux, de valeur comparable, et difficiles à distinguer. Les débats les plus violents ont toujours eu lieu entre des doctrines ou des dogmes très peu différents. Lutte plus aigre et plus aiguë entre orthodoxes et hérétiques qu'entre l'orthodoxe et le païen. Le degré de précision d'une dispute en accroît la violence et l'acharnement. On se bat plus furieusement pour une lointaine décimale. » <p.517>
Raymond QUENEAU / Journaux (1914-1965) / nrf Gallimard 1996
« Avoir un système borne son horizon ; n'en avoir pas est impossible. Le mieux est d'en posséder plusieurs. » <14 septembre 1920 p.68>
François JACOB / Le jeu des possibles / Fayard 1981
« Ce n'est pas seulement l'intérêt qui fait s'entre-tuer les hommes. C'est aussi le dogmatisme. Rien n'est aussi dangereux que la certitude d'avoir raison. Rien ne cause autant de destruction que l'obsession d'une vérité considérée comme absolue. Tous les crimes de l'histoire sont des conséquences de quelque fanatisme. Tous les massacres ont été accomplis par vertu, au nom de la religion vraie, du nationalisme légitime, de la politique idoine, de l'idéologie juste ; bref au nom du combat contre la vérité de l'autre, du combat contre Satan. » <p.12>
« Il devrait être bien clair aujourd'hui qu'on n'expliquera pas l'univers dans tous ses détails par une seule formule ou par une seule théorie. Et pourtant le cerveau humain a un tel besoin d'unité et de cohérence que toute théorie de quelque importance risque d'être utilisée de manière abusive et de déraper vers le mythe. » <p.48>
Robert MUSIL / L'homme sans qualités / Editions du Seuil - Points 1956
« Les idéaux ont de curieuses qualités, entre autres celle de se transformer brusquement en absurdité quand on essaie de s'y conformer strictement. » <T 1 p.289>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« L'orgueil philosophique est le plus stupide de tous. Si un jour par miracle la tolérance s'instaure parmi les hommes, les philosophes seront les seuls à ne pas en vouloir et à ne pas en bénéficier. C'est qu'une vision du monde ne peut pas s'accorder avec une autre vision, ni l'admettre, encore moins la justifier. Être philosophe, c'est croire que vous êtes le seul à l'être, que personne d'autre ne peut avoir cette qualité. Seuls les fondateurs de religions ont une mentalité pareille. Construire un système, c'est de la religion en plus bête. » <19 juin 1966 p.373>
« Les doctrines passent - les anecdotes demeurent. » <27 mai 1969 p.729>