« Ce n'est pas sans raison qu'on dit que qui ne se sent point assez ferme de memoire, ne se doit pas mesler d'estre menteur. » <t.1 p.32 livre I chap.IX>
Blaise PASCAL / Pensées / OEuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« Quoique les personnes n'aient point d'intérêt à ce qu'elles disent, il ne faut pas conclure de là absolument qu'ils ne mentent point ; car il y a des gens qui mentent simplement pour mentir. » <174 p.1132>
Paul Henri Dietrich baron d'HOLBACH / La Morale universelle (I) / Amsterdam M.-M. Rey 1776 [BnF cote 1070]
« Quelques moralistes outrés ont prétendu qu'il n'était jamais permis de mentir, quand même il s'agirait du salut de l'univers. Mais une Morale plus sage ne peut adopter cette maxime insociable. Un mensonge qui sauverait le genre humain, serait l'action la plus noble dont un homme fût capable : un mensonge qui sauverai la patrie, serait une action très vertueuse et digne d'un bon citoyen ; une vérité qui la ferait périr, serait un crime détestable. » <III vii p.310>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Il y a des choses que l'homme par sa nature ne peut connaître que vaguement et les grands esprits se contentent d'en avoir des notions vagues. Mais les esprits vulgaires ne s'en contentent pas. Il faut pour leur repos qu'ils se forgent ou qu'on leur offre des idées fixes et déterminées sur ces objets même où toute précision est erreur. Ces esprits communs n'ont point d'ailes. Ils ne peuvent se soutenir dans rien de ce qui n'est que de l'espace. Il leur faut des points d'appui, des fables, des idoles, des mensonges. Mentez-leur donc et ne les trompez pas. » <17 février 1798 t.1 p.238>
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / La confession de Talleyrand [Ana] / Paris, L.Sauvaitre 1891 [BnF]
« La franchise est toujours invoquée pour exprimer les choses désagréables à entendre ; les compliments s'en passent. » <p.27>
« Le serment est-il donc un moyen imaginé pour donner la vraisemblance au mensonge ? » <février 1844 p.113>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le mensonge. - Pourquoi la plupart du temps les hommes, dans la vie de tous les jours, disent-ils la vérité ? - Assurément ce n'est pas parce qu'un dieu a défendu le mensonge. Mais c'est premièrement parce que cela est plus aisé, le mensonge exigeant invention, dissimulation et mémoire. (Voilà pourquoi Swift dit : celui qui énonce un mensonge se rend rarement compte du lourd fardeau qu'il s'impose ; il lui faut en effet, pour soutenir un mensonge, en inventer vingt autres.) C'est ensuite : parce qu'en des circonstances simples il est avantageux de parler franc : je veux ceci, j'ai fait ceci, et ainsi de suite ; donc parce que la voie de la contrainte et de l'autorité est plus sûre que celle de la ruse. - Mais pour peu qu'un enfant ait été élevé dans des circonstances domestiques compliquées, il se sert tout aussi naturellement du mensonge et dit involontairement toujours ce qui répond à son intérêt : un sens de la vérité, une répugnance au mensonge en soi, lui sont tout à fait étrangers et inaccessibles, et il ment en toute innocence. » <p.477>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Dis quelquefois la vérité, afin qu'on te croie quand tu mentiras. » <12 mai 1893 p.129>
« Etre franc, c'est-à-dire marcher sur les pieds des autres en le faisant exprès...A combien de calottes, de gros mots, etc., on s'expose ! » <21 avril 1894 p.172>
Auguste DETOEUF / Propos de O. L. Barenton, confiseur (1938) / Éditions d'Organisation 1982
« Le courage du mensonge n'est pas donné à tout le monde. Il n'y a pas que les honnêtes gens qui disent toujours la vérité. Il y a aussi les faibles et les timorés. » <p.74>
Georges BERNANOS / Les Enfants humiliés (1940) / Essais et écrits de combats I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« La confidence écrite ne garde qu'un moment l'éclat du neuf. Quelques années encore et sous le vernis de l'ouvrier, la niaiserie percera de toutes parts ainsi qu'une moisissure. C'est par leur sincérité que se corrompent plus vite les oeuvres et les hommes, le mensonge seul échappe à la pourriture, se dessèche sans pourrir, prend peu à peu le poli et la dureté de la pierre. Le mensonge est minéral. » <p.873>
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Mais non, cet homme-là n'est pas tellement faux - puisque cela se voit sur son visage qu'il est faux. » <p.75>
« L'un des mensonges les plus fructueux, les plus intéressants qui soient, et l'un des plus faciles en outre, est celui qui consiste à faire croire à quelqu'un qui vous ment qu'on le croit. » <p.75>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Mensonge. Ce qui nous force à mentir, est fréquemment le sentiment que nous avons de l'impossibilité chez les autres qu'ils comprennent entièrement notre action. Ils n'arriveront jamais à en concevoir la nécessité (qui à nous-mêmes s'impose sans s'éclaircir). » <p.532>
« Le mensonge sera souvent le péché du questionneur lequel rend la vérité dangereuse. » <p.641>
« Il en est qui sont véridiques pour n'avoir point de quoi mentir. » <p.689>
Vladimir JANKÉLÉVITCH / Philosophie morale / Mille&UnePages Flammarion 1998
« La possibilité du mensonge est donnée avec la conscience elle-même, dont elle mesure ensemble la grandeur et la bassesse. Et comme la liberté n'est libre que parce qu'elle peut choisir ou le bien ou le mal, ainsi la dialectique du mensonge tient tout entière dans cet abus d'un pouvoir qui est propre aux consciences adultes. » <Du mensonge, p.213>
« [...] on ne ment jamais sans le vouloir. De là la gravité du premier mensonge chez un enfant. Le jour de ce premier mensonge est un jour vraiment solennel où nous découvrons chez l'innocent la profondeur inquiétante de la conscience. C'est donc que l'innocent en savait long : qu'il était bien dégourdi, pour un innocent... Où a-t-il pris toute cette expérience ? et depuis quand se permet-on d'avoir des secrets, de nous cacher quelque chose ? » <Du mensonge, p.217>
André COMTE-SPONVILLE / Une éducation philosophique / PUF 3e ed 1992
« "J'ai décidé de ne plus mentir", disait-il. De fait, ses amis remarquaient qu'il parlait de moins en moins. » <p.376>
Jean-François DENIAU / Ce que je crois / Grasset (LdP) 1992
« Une variante particulièrement pernicieuse du mensonge est celle du mensonge dit "utile". Faut-il donner des témoignages "arrangés", si c'est pour la bonne cause ? Doit-on dramatiser, si c'est la seule façon de faire passer le message ? Comment passionner l'opinion sur un sujet et qu'elle apporte sa contribution financière, alors que tant de catastrophes se bousculent sur nos écrans, famines, massacres ou tremblements de terre ? Il faut faire du tapage disent les uns, sinon vous n'êtes pas écouté dans le tohu-bohu médiatique. Ce n'est pas faux. D'autres hésitent. Ils ont raison. Les meilleures photos de guerre sont souvent "bidonnées", c'est à dire reconstituées "après". En pleine opération, il y a trop de fumée et de bruit, sans parler du danger, pour prendre des documents de qualité permettant la reproduction. La photo du pilote d'un avion détourné par des terroristes, un pistolet braqué sur la tête, a fait le tour du monde. Elle a été "organisée" très cher à la suite d'un marché en dollars entre les intéressés, y compris les terroristes, à l'initiative d'un correspondant de presse. La photo est bonne, elle a fait parler du terrorisme et de ses dangers. Certes, mais est-ce suffisant pour justifier la mise en scène ? Et comment marquer la limite, à quel moment crier : holà ? Qu'il s'agisse de "charité-business", de couverture de l'actualité, de propagande intéressée ou non, on est désormais à la limite du mensonge politique, et souvent du mauvais côté. » <p.122>