Carl Gustav JUNG / Ma vie - Souvenirs, rêves et pensées / folio 2291 Gallimard 1973
« J'ai encore un vif souvenir de Freud me disant : "Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la théorie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inébranlable." Il me disait cela plein de passion et sur le ton d'un père disant : "Promets-moi une chose, mon fils : va tous les dimanches à l'église !" Quelque peu étonné, je lui demandai : "Un bastion - contre quoi ?" Il me répondit : "Contre le flot de vase noir de ..." Ici il hésita un moment pour ajouter : "... de l'occultisme !" Ce qui m'alarma d'abord, c'était le "bastion" et le "dogme" ; un dogme c'est-à-dire une profession de foi indiscutable, on ne l'impose que là où l'on veut une fois pour toutes écraser un doute. Cela n'a plus rien d'un jugement scientifique, mais relève uniquement d'une volonté personnelle de puissance. Ce choc frappa au coeur notre amitié. » <p.177>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Ah ! que Freud est gênant ! et qu'on fût bien arrivé sans lui à découvrir son Amérique ! Il me semble que ce dont je lui doive être le plus reconnaissant, c'est d'avoir habitué les lecteurs à entendre traiter certains sujets sans avoir à se récrier ni à rougir. Ce qu'il nous apporte surtout c'est de l'audace ; ou plus exactement, il écarte de nous certaine fausse et gênante pudeur. Mais que de choses absurdes chez cet imbécile de génie ! » <19 juin 1924 p.785>
Paul LÉAUTAUD / Le théâtre de Maurice Boissard / OEuvres / Mercure de France 1988
« J'ai lu de ce même M. Freud, il y a quelques années, un travail sur Le Rire. C'est fort incomplet. Il manque une sorte importante du Rire. Celui dont on est pris à la lecture de ces pauvretés prétentieuses, lesquelles naturellement, à notre époque de jobardise, ont trouvé des adeptes hommes et femmes, heureux de se distinguer en "glosant" sur cette "nouveauté". » <p.1721>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Freud avait beaucoup d'esprit et très peu d'humour. J'entends qu'il n'avait pas assez de distance avec son oeuvre. C'est un prophète, un chef de secte, un réformateur "religieux". Il a constamment confondu sa mission avec la vérité, au grand préjudice de celle-ci. On ne se figure pas esprit moins objectif, parmi les hommes de science, bien entendu. Il y avait en lui du fanatique, de l'homme de l'ancienne Alliance. » <11 février 1969 p.688>
Jean-François REVEL / Mémoires / Plon 1997
« J'ai trop été nourri de la lecture de Freud, qui d'ailleurs a été assassiné beaucoup plus par ses disciples que par ses détracteurs, pour le rejeter entièrement, comme on a tendance à le faire en cette fin du XXe siècle. Je n'en professe pas moins qu'il faut avoir un champ de vision d'une étroitesse de corridor et une insensibilité daltonienne aux couleurs de la vie pour se condamner à la portion congrue et à la morne pitance de la seule et unique sexualité comme source, thème et vecteur exclusifs des riches et innombrables passions humaines. » <p.159>
Michel POLAC / Journal (1980-1998) / PUF 2000
« Je crois aux découvertes de Freud comme je crois aux mesures et méthodes de prévision des météorologues, mais le chaos a le dernier mot, le désir comme les sautes de vent déjoue toutes les techniques. » <12 mars 1984, p.94>