MACHIAVEL / Le Prince / Le livre de poche / Librairie Générale Française 1983
« Gaspiller ton patrimoine te porte tort. Et il n'y a chose au monde qui se consume elle-même plus vite que la générosité : pendant que tu l'emploies, tu perds la faculté de l'employer, tu deviens pauvre et méprisable, ou, pour échapper à la pauvreté, rapace et détestable. Or un prince doit éviter par-dessus tout d'inspirer la haine et le mépris : deux malheurs auxquels la libéralité conduit inévitablement. Il y a donc plus de sagesse à accepter l'appellation de lésineur, qui engendre un mauvais renom sans haine, qu'à ambitionner celle de libéral, qu'accompagne nécessairement celle de rapace, qui engendre un mauvais renom avec haine. » <p.85>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / Oeuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Rendre. - Hésiode conseille de rendre au voisin qui nous a aidés, dès que nous le pouvons, et, si possible, en une plus large mesure. Car le voisin prend grand plaisir à voir sa bienveillance de jadis lui rapporter des intérêts ; mais celui qui rend a, lui aussi, son plaisir, en ce sens qu'il rachète par un petit excédent qu'il donne à son tour la petite humiliation qu'il a dû subir jadis en se laissant aider. » <256 p.923>
Léon BLOY / Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
« Mettre un peu d'argent de côté. En mettant un peu d'argent de côté, vous préparez votre avenir et vous donnez aux pauvres un exemple infiniment plus précieux que toutes les aumônes. Croyez-moi, fussiez-vous très riche, il faut mettre un peu d'argent de côté. Si vous rencontrez un miséreux, un mourant de faim que sauverait le don de quelque monnaie, il se peut, le coeur de l'homme étant fragile, que vous vous sentiez ému. Prenez garde, c'est le moment de l'épreuve, c'est l'heure de la tentation redoutable. Soyez généreux et refusez avec énergie. Souvenez-vous que le premier de tous vos devoirs est de mettre de l'argent de côté et que l'ombre de Benjamin Franklin vous regarde. » <p.283>
« Avoir un coeur d'or. Quel privilège ! Plus de palpitations, plus d'émotions, plus d'amour bête, plus d'entraînements irréfléchis. On est tranquille Baptiste et heureux comme les cochons. Cessation des phénomènes absurdes. On ne se ronge plus le coeur, le coeur ne saigne plus. On n'a plus un coeur d'airain, ni un coeur de pierre, encore moins un coeur de lion, mais un bel organe rutilant conoïde et creux tout en or et parfaitement insensible. C'est le privilège inestimable du vrai Bourgeois. Le plus bel éloge qu'on puisse faire de lui, c'est qu'il a un coeur d'or. Les propriétaires, les huissiers, les usuriers ont presque toujours un coeur d'or et cela ce voit tellement ! Si vous essayez de les troubler, de les impressionner, de les émouvoir d'une façon quelconque, vous perdrez vos peines. Le coeur d'or vous mettra du plomb dans la tête, du plomb dans les jambes et vous aurez bientôt une mine de plomb. » <p.222>
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« On a volé au Louvre L'Indifférent de Watteau, cette merveille. C'est bien fait (en quelque sorte). On a mis comme gardiens des mutilés, des amputés, des individus, somme toute, qui n'ont pas toute la validité nécessaire pour ces fonctions. La pitié, la générosité, etc., etc., c'est très joli, mais les merveilles du Louvre ? C'est tout de même d'une autre importance. » <15 juin 1939 II p.2070>
Sacha GUITRY / Jusqu'à nouvel ordre / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« On a ou on n'a pas le coeur sur la main. Mais, en réalité, ce qu'on entend par avoir du coeur, c'est avoir une faiblesse des glandes lacrymales en même temps qu'une légère paralysie du cervelet. Mais, pour la plupart des gens, avoir du coeur, c'est sauver un papillon qui allait se brûler à la lampe, alors qu'on vient de tuer une douzaine de mouches. Avoir du coeur, c'est porter longtemps le deuil de son oncle, c'est faire soigner sa bonne par son propre médecin et c'est pleurer abondamment en présence d'un malheur au lieu d'en conjurer les effets. » <p.22>