MARC-AURÈLE / Pensées / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Ce qui n'est pas utile à l'essaim n'est pas non plus utile à l'abeille. » <VI (54) p.1188>
SÉNÈQUE / Lettres à Lucilius / Robert Laffont - Bouquins 1993
« Nul [...] ne peut couler ses jours dans le bonheur qui ne considère que soi, qui tourne toutes choses à sa propre commodité. Vis pour autrui, si tu veux vivre pour toi. » <V Lettre 48-2 p.708>
SUÉTONE / Vies des Douze Césars / GF-Flammarion (553) 1990
« S'étant, une fois, souvenu, à son souper, de n'avoir fait aucun heureux dans la journée, il [Titus] prononça ce mot si mémorable et si justement vanté : "Mes amis, j'ai perdu un jour." » <Titus, p.319>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Recevoir des bienfaits de quelqu'un est une manière plus sûre de se l'attacher que de l'obliger lui-même. La vue d'un bienfaiteur importune souvent, celle d'un homme à qui l'on a fait du bien est toujours agréable. Nous aimons notre ouvrage en lui. Vouloir se passer de tous les hommes et n'être obligé à personne, signe certain d'une âme sans sensibilité. » <t.1 p.64>
« Les institutions les plus charitables ont été établies par des hommes austères, et détruites par des philanthropes. » <Pensées, p.1355>
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Si vous ne sentez pas que la chose donnée par vous vous manque, vous n'avez rien donné. On ne donne que ce dont on se prive. » <1858-60 p.66>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Ma petite cousine se plaint beaucoup d'une femme entretenue, qu'elle a le scandale d'avoir pour voisine à la campagne. Et le dernier mot de son indignation est : "Elle fait beaucoup de bien, beaucoup de charité... Vous concevez comme c'est désagréable ! Et puis, elle fait tout augmenter..." » <24 juin 1861, p.711>
Sacha GUITRY / De 1429 à 1942 ou de Jeanne d'Arc à Philippe Pétain / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Puis-je me permettre de citer ici un mot que Clemenceau m'a dit un jour : - Je lis souvent dans les journaux des entrefilets sur vous qui sont bien venimeux. Comment cela se fait-il ? Vous ne demandez donc jamais de service à personne ? » <p.1095>
Henry D. THOREAU / Résistance au gouvernement civil (1848) / Désobéir / Bibliothèques 10/18 (2832) Éd. de L'Herne 1994
« L'homme qui se dévoue entièrement à ses semblables risque de passer à leurs yeux pour un être sans valeur et égoïste, tandis que celui qui ne leur consacre qu'une petite partie de lui-même est appelé du nom de bienfaiteur et de philanthrope. » <p.50>
Georges ELGOZY / Le Contradictionnaire ou l'esprit des mots / Denoël 1967
« Altruisme : plaisir égoïste de faire plaisir à autrui. » <p.29>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Que l'on observe plutôt des enfants qui pleurent et crient afin d'être objets de pitié, et pour cela guettent le moment où leur situation peut tomber sous les yeux ; qu'on vive dans l'entourage de malades et d'esprits déprimés et qu'on se demande si les plaintes et les lamentations éloquentes, l'exhibition de l'infortune, ne poursuivent pas au fond le but de faire mal aux spectateurs : la pitié que ceux-ci expriment alors est une consolation pour les faibles et les souffrants en tant qu'ils y reconnaissent avoir au moins encore un pouvoir, en dépit de leur faiblesse : le pouvoir de faire mal. Le malheureux prend une espèce de plaisir à ce sentiment de supériorité dont lui donne conscience le témoignage de pitié ; son imagination s'exalte, il est toujours assez puissant encore pour causer de la douleur au monde. » <p.474-475>
Alphonse KARR / Sous les orangers / M. Lévy frères 1859
« Je vous ai demandé un service hier ; vous pouviez me le refuser, vous en aviez le droit ; mais vous m'avez rendu hier le service demandé : vous m'en devez un autre, dix autres, cent autres. Avisez-vous de me refuser un second service après m'avoir rendu le premier ! je vous haïrai, je vous diffamerai, je vous traiterai, comme un traître et un voleur. » <p.289>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« "Être bon" pour quelqu'un lui suggère de vous réduire en esclavage. Il ne s'en doute pas. Il n'en use que plus pleinement avec vous. Il se met à penser sans effort en disposant de vous. Vous ne faites pas obstacle. Vous entrez implicitement dans les projets qu'il forme, au titre d'un moyen facile. » <p.532>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La mauvaise charité, c'est celle qui offre plutôt un verre de vin qu'une bouchée de pain. » <3 avril 1900 p.452>
« Il est plus facile d'être généreux que de ne pas le regretter. » <11 février 1908 p.914>
Alphonse ALLAIS / À se tordre (1891) / OEuvres anthumes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« À l'encontre de beaucoup de personnes que je pourrais nommer, je préfère m'introduire dans un compartiment déjà presque plein que dans un autre qui serait à peu près vide. Pour plusieurs raisons. D'abord, ça embête les gens. Êtes-vous comme moi ? j'adore embêter les gens, parce que les gens sont tous des sales types qui me dégoûtent. En voilà des sales types, les gens ! Et puis, j'aime beaucoup entendre dire des bêtises autour de moi, et Dieu sait si les gens sont bêtes ! Avez-vous remarqué ? Enfin, je préfère le compartiment plein au compartiment vide, parce que ce manque de confortable macère ma chair, blinde mon coeur, armure mon âme, en vue des rudes combats pour la vie (struggles for life). » <p.87>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Nous connaissons mieux nos propres besoins que ceux des autres. Satisfaire les siens relève de la bonne gestion. » <p.93>
ALAIN / 81 chapitres sur l'esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« L'homme, par nature, n'aimerait que lui, et ce serait la sauvagerie ; mais les liens de société l'obligent à compter avec les autres, et à les aimer pour lui, tant qu'enfin il arrive à croire qu'il les aime pour eux. Il existe un bon nombre d'ouvrages, assez ingénieux, où l'on explique assez bien le passage de l'amour de soi à l'amour d'autrui ; et j'avoue que si l'on commençait par la solitude et l'amour de soi, on arriverait bientôt à aimer ses semblables. Mais ce n'est qu'une mauvaise algèbre. Autant qu'on connaît le sauvage, il vit en cérémonie et adore la vie commune ; il est aussi peu égoïste que l'on voudra. L'égoïsme est un fruit de la civilisation, non de sauvagerie ; et l'altruisme aussi son correctif ; mais l'un et l'autre sont plutôt des mots que des êtres. » <p.1200>
Alfred SAUVY / Mythologie de notre temps / Petite Bibliothèque Payot (191) 1971
« La charité a toujours soulagé la conscience des riches, bien avant de soulager l'estomac du pauvre. » <p.156>
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Celui qui dans la vie est parti de zéro pour n'arriver à rien dans l'existence n'a de merci à dire à personne. » <p.54>
Pierre DAC / Arrière-pensées - Maximes inédites / Le cherche midi éditeur 1998
« Le vrai paternalisme, c'est d'aimer les autres pour soi-même. » <p.88>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Je pense au grand mal que m'ont fait tous ceux qui m'ont aidé. Sans leur appui, j'aurais eu à me débrouiller seul, à faire un effort supplémentaire, à m'affirmer, etc., j'aurais produit davantage, alors que, toutes les fois qu'on m'a aidé, j'en ai profité pour ne rien faire. On comprend la stérilité des fils à papa. Pourquoi se démener pour entreprendre quoi que ce soit ? Les animaux de luxe ne valent rien... comme animaux. De même l'homme qui n'est pas coincé ; il n'a pas besoin de faire un effort sur soi ou contre autrui, il se laisse aller et voit les années passer sans fruit. L'immoralité de la philanthropie ! » <22 septembre 1970 p.841>
Paul WATZLAWICK / Faites vous-même votre malheur / Seuil 1984
« Qui aime veut venir en aide à l'objet aimé. Mais le désir spontané de voler au secours d'autrui ne présuppose pas forcément l'existence d'une relation amoureuse individuelle. Au contraire, l'altruisme qui pousse à venir en aide à un inconnu est considéré comme une manifestation d'une particulière noblesse. Cette aide altruiste constitue un idéal élevé et (dit-on) contient en elle-même sa propre récompense. Cela ne devrait pas forcément faire obstacle à notre dessein. Comme toute autre attitude noble, l'altruisme, l'aide désintéressée sont susceptibles de salissure et d'amoindrissement par la lueur blême de la pensée. Pour mettre en doute la pureté altruiste, il suffit de se demander si l'on ne possède pas, dans le fond, des mobiles cachés. Cette bonne action n'était-elle pas un dépôt de fonds sur mon compte personnel en paradis ? Ne visait-elle pas à en mettre plein la vue à des tiers ? Voulais-je me faire admirer ? Contraindre quelqu'un à la gratitude envers moi, en faire, comme on dit si bien, mon "obligé" ? Ne cherchais-je pas plus simplement à atténuer quelque sentiment de culpabilité ? Il n'existe manifestement pas de limite au pouvoir de la pensée négative, il suffit de chercher pour trouver. » <p.97-98>