MARC-AURÈLE / Pensées / Les Stoïciens / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1962
« Prends garde de ne pas avoir, à l'égard des misanthropes, les sentiments que les misanthropes ont à l'égard des hommes. » <VII (65) p.1198>
« Les hommes sont faits les uns pour les autres. Donc instruis-les ou supporte-les. » <VIII (59) p.1211>
Ernest RENAN / L'Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« Il se peut que tout le développement humain n'ait pas plus de conséquence que la mousse ou le lichen dont s'entoure toute surface humectée. Pour nous, cependant, l'histoire de l'homme garde sa primauté, puisque l'humanité seule, autant que nous savons, crée la conscience de l'univers. » <p.72>
« Ma conviction intime est que la religion de l'avenir sera le pur humanisme, c'est-à-dire le culte de tout ce qui est de l'homme, la vie entière sanctifiée et élevée à une valeur morale. » <p.160>
Alfred JARRY / La chandelle verte / OEuvres / Bouquins, Robert Laffont 2004
« Chaque peuple se répète qu'il est le plus puissant et le plus courageux de la terre, qu'il est "à la tête" de l'humanité. Malheureusement, l'humanité est une espèce de bête ronde avec des têtes tout autour. » <15 mai 1901, p.922>
Léon DAUDET / Le stupide XIXe siècle (1922) / Souvenirs et polémiques / Robert Laffont - Bouquins 1992
« [...] rien n'est humain comme l'humanisme. Mais rien n'est inhumain comme l'humanitarisme. » <p.1273>
ALAIN / Mars ou la guerre jugée / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« L'humanisme a pour fin la liberté dans le sens plein du mot, laquelle dépend avant tout d'un jugement hardi contre les apparences et prestiges. Et l'humanisme s'accorde au socialisme, autant que l'extrême inégalité des biens entraîne l'ignorance et l'abrutissement des pauvres, et par là fortifie les pouvoirs. Mais il dépasse le socialisme lorsqu'il décide que la justice dans les choses n'assure aucune liberté réelle du jugement ni aucune puissance contre les entraînements humains mais au contraire tend à découronner l'homme par la prépondérance accordée aux conditions inférieures du bien-être, ce qui engendre l'ennui socialiste, suprême espoir de l'ambitieux. L'humanisme vise donc toujours à augmenter la puissance réelle en chacun, par la culture la plus étendue, scientifique, esthétique, morale. Et l'humaniste ne connaît de précieux au monde que la culture humaine, par les oeuvres éminentes de tous les temps, en tous, d'après cette idée que la participation réelle à l'humanité l'emporte de loin sur ce qu'on peut attendre des aptitudes de chacun développées seulement au contact des choses et des hommes selon l'empirisme pur. Ici apparaît un genre d'égalité qui vit de respect, et s'accorde avec toutes les différences possibles, sans aucune idolâtrie à l'égard de ce qui est nombre, collection ou troupeau. Individualisme, donc, mais corrigé par cette idée que l'individu reste animal sous la forme humaine sans le culte des grands morts. La force de l'humanisme est dans cette foule immortelle. » <p.626>
Antoine de SAINT-EXUPÉRY / Terre des hommes / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1959
« Je m'assis en face d'un couple. Entre l'homme et la femme, l'enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans son sommeil, et son visage m'apparut sous la veilleuse. Ah ! quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce. Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis : voici une belle promesse de la vie. Les petits princes des légendes n'étaient point différents de lui : protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s'émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n'est point de jardinier pour les hommes. Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés-concerts. Mozart est condamné. Et je regagnai mon wagon. Je me disais : ces gens ne souffrent guère de leur sort. Et ce n'est point la charité ici qui me tourmente. Il ne s'agit point de s'attendrir sur une plaie éternellement rouverte. Ceux qui la portent ne la sentent pas. C'est quelque chose comme l'espèce humaine et non l'individu qui est blessé ici, qui est lésé. Je ne crois guère à la pitié. Ce qui me tourmente, c'est le point de vue du jardinier. Ce qui me tourmente, ce n'est point cette misère, dans laquelle, après tout, on s'installe aussi bien que dans la paresse. Des générations d'Orientaux vivent dans la crasse et s'y plaisent. Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C'est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné. » <p.260>
Raymond QUENEAU / Journaux (1914-1965) / nrf Gallimard 1996
« La misanthropie n'est pas mon fort ; c'est trop donner aux autres ; » <1927 p.147>
Georges PERROS / En vue d'un éloge de la paresse - Lettre préface / Le Passeur 1995
« L'anarchiste, c'est l'homme qui veut le bien de l'humanité envers et contre tous, c'est celui qui refuse de "comprendre", de vivre malgré tout, quand même. Ne confondons jamais l'anarchiste avec le misanthrope. Ils se contrarient totalement. Alors que celui-ci dit non en se retirant, calmant son dépit avec les animaux, la nature ou les livres, celui-là n'entend pas être un vaincu, lutte. Il dit non et oui à la fois, bouscule les murs, dérange les paperasses. L'anarchiste croit en l'homme, c'est à dire en l'avenir. Le misanthrope renonce, s'accepte dernier homme libre parmi les sauvages. » <p.42>
Pierre DESPROGES / Vivons heureux en attendant la mort / Ed. du Seuil 1983
« Je vous hais, je hais toute l'humanité. Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien. Plus je connais les femmes, moins j'aime ma chienne. » <p.74>
André COMTE-SPONVILLE / Une éducation philosophique / PUF 3e ed 1992
« Cessons de rêver l'homme, cessons de faire de l'humanisme une religion : ce ne serait qu'un narcissisme généralisé ou hypostasié. L'homme n'est grand que dans la conscience qu'il a de sa misère. Il n'est humain qu'à condition de renoncer à la divinité. L'homme, par exemple, n'est ni maître ni possesseur de la nature : si l'humanisme n'est pas un sous-ensemble de l'écologisme, il ne saurait non plus justifier une quelconque indifférence à l'environnement ou aux autres espèces vivantes. La nature n'est pas Dieu, l'homme n'est pas Dieu : il n'y a pas de Dieu du tout, et c'est en quoi l'humanité est en charge d'elle-même, de la nature et de l'esprit. » <p.241>
Philippe BOUVARD / Journal 1997-2000 / Le cherche midi éditeur 2000
« La dignité de la personne humaine : dans cette locution et les idées qui l'accompagnent, il entre davantage de vanité d'espèce que d'authentique humanité. » <p.51>