« Les grandes propriétés sont les véritables greniers d'abondance des nations civilisées, comme les grandes richesses des corps en sont le trésor. » <Pensées, p.1277>
VAUVENARGUES / Réflexions et maximes / Les moralistes français / Paris, Garnier frères 1875
« La possession est le seul titre des choses humaines ; les traités et les bornes des États, la fortune des particuliers et la dignité royale elle-même, tout est fondé là-dessus. Qui voudrait remonter au commencement, ne trouverait presque rien qui ne fût matière à contestation : la possession est donc le plus respectable de tous les titres, puisqu'elle nous donne la paix. » <365 - p.673>
Adolphe THIERS / De la propriété / Paris, Paulin et L'Heureux 1848
Instinct de propriété :
« Après avoir vu dans tous les temps, dans tous les pays, l'homme s'approprier tout ce qu'il touche, d'abord son arc et ses flèches, puis sa terre, sa maison, son palais, instituer constamment la propriété comme prix nécessaire du travail, si on raisonnait pour lui ainsi que Pline ou Buffon l'ont fait pour les animaux, on n'hésiterait pas à déclarer, après avoir observé une manière d'être si générale, que la propriété est une loi nécessaire de son espèce. » <p.31>
Utilité sociale de la propriété
« [...] en instituant la propriété personnelle la société avait donné à l'homme le seul stimulant qui pût l'exciter à travailler. Il lui restait une chose à faire, c'était de rendre ce stimulant infini. C'est ce qu'elle a voulu en instituant la propriété héréditaire. » <p.75>
Fondements de la propriété : occupation,
travail, prescription.
« Pour travailler il faut commencer par se saisir de la matière de son travail, c'est-à-dire de la terre, matière indispensable du travail agricole, ce qui fait que l'occupation doit être le premier acte par lequel commence la propriété, et le travail le second. Toute société présente au début ce phénomène de l'occupation plus ou moins violente, auquel succède peu à peu le phénomène d'une transmission régulière, au moyen de l'échange de la propriété contre le fruit légitime d'un travail quelconque. Pour rendre cet échange sûr, on suppose que toute propriété qui a été trente années dans les mêmes mains, sans aucune réclamation, y était légitimement, ou y a été légitimée par le travail. Les terres ainsi transmises continuellement, sous une législation fixe, représentent une propriété légitime, puisqu'elles ne sont dans aucune main sans avoir été échangées contre une valeur équivalente. Il suffirait d'une seule transmission pour les constituer la plus respectable des possessions, et il ne faut pas un siècle pour qu'elles changent plusieurs fois de maîtres, sauf quelques exceptions très-rares. » <p.111>
Pierre-Joseph PROUDHON / Qu'est-ce que la propriété ? (1840) / Paris, M. Rivière 1926
« Je prétends que ni le travail, ni l'occupation, ni la loi ne peuvent créer la propriété ; qu'elle est un effet sans cause : suis-je répréhensible ? Que de murmures s'élèvent ! - La propriété, c'est le vol ! voici le tocsin de 93 ! Voici le branle-bas des révolutions ! ... » <p.132>
« C'est une règle de jurisprudence que le fait ne produit pas le droit : or, la propriété ne peut se soustraire à cette règle ; donc, la reconnaissance universelle du droit de propriété ne légitime pas le droit de propriété. » <p.187>
« Rendez la possession aussi longue que vous voudrez ; entassez les ans et les siècles, vous ne ferez jamais que la durée, qui par elle-même ne crée rien, ne change rien, ne modifie rien, puisse métamorphoser l'usufruitier en propriétaire. Que la loi civile reconnaisse à un possesseur de bonne foi, établi depuis longues années dans sa jouissance, le droit de ne pouvoir être dépossédé par un survenant, elle ne fait en cela que confirmer un droit déjà respecté, et la prescription, appliquée de la sorte, signifie simplement que la possession commencée depuis vingt, trente ou cent ans, sera maintenue à l'occupant. Mais lorsque la loi déclare que le laps de temps change le possesseur en propriétaire, elle suppose qu'un droit peut être créé sans une cause qui le produise ; elle change la qualité du sujet sans motif ; elle statue sur ce qui n'est point en litige ; elle sort de ses attributions. » <p.202>
Georges DARIEN / Le Voleur (1897) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« On a dit que la propriété c'est le vol ; quelle confusion ! La propriété n'est pas le vol ; c'est bien pis : c'est l'immobilisation des forces. Le peu d'élasticité dont elle jouit, elle le doit aux fripons. Le voleur a articulé la propriété, et l'honnête homme est son bâtard. » <p.396>
Jules GUESDE / Çà et là / Paris, M. Rivière 1914
« [...] toutes les pages de l'histoire le crient - les premiers possesseurs du sol n'ont pas été des cultivateurs, mais des conquérants. » <De la propriété, p.14>
Jules SIMON / La Liberté civile / Hachette 1867
« Il y a deux moments où la propriété a besoin d'être défendue ; c'est quand les pauvres sont tout-puissants, parce qu'ils la menacent, ou quand les riches sont tout-puissants, parce qu'ils en abusent. Les fortunes d'origine scandaleuse et les usages scandaleux de la fortune sont pour la propriété des ennemis plus dangereux que le communisme, parce qu'ils propagent le communisme. » <p.75>
Instinct de propriété.
« Le sentiment de la propriété est si vif, qu'il s'éveille en nous, même pour un objet ravi au possesseur légitime. Je suis un voleur de grand chemin, et un voleur sans scrupule ; je pars la nuit avec ma bande, à main armée ; je dévalise un convoi ; je remplis mes poches d'un or auquel je n'ai aucun droit évidemment. Que quelqu'un vienne me le prendre ! non-seulement, je me défends, mais je m'indigne. Ce n'est pas une contradiction ; c'est un instinct. » <p.95>
Maurice DONNAY / L'esprit de Maurice Donnay / nrf Gallimard 1926
« Il est bien difficile d'établir une ligne de démarcation entre une certaine habileté et le vol. C'est comme ces pays que ne sépare pas une chaîne de montagnes ou un fleuve, mais une ligne fictive, arbitraire. Est-ce que nous ne voyons pas tous les jours de grands brasseurs d'affaires échapper à toute répression, parce qu'ils ont des amis dans la politique et la magistrature ? Alors, on est bien forcé de conclure que voler, par le temps qui court, ce n'est pas prendre, mais être pris. » <p.112>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Les autres développent en nous surtout le mauvais instinct de la propriété ; il suffit d'être un instant chez eux pour vouloir aussitôt être chez soi. » <1 mai 1894 p.174>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Terre n. Nom de notre planète, mais aussi de la surface de celle-ci, considérée comme étant susceptible d'être sujette à la propriété. Le principe de propriété qui permet l'appartenance privée est l'une des fondations de notre société moderne, et reste d'une importance considérable dans son organisation. Poussé à sa conclusion logique, il signifie que certains ont le droit d'empêcher l'existence d'autres personnes ; car le droit de posséder implique le droit d'occuper avec exclusivité ; et, dans les faits, des lois interdisant même le passage sont promulguées partout où la propriété territoriale est reconnue. Il s'ensuit que si l'ensemble habitable de terra firma est en possession de A, B et C, il n'y a plus d'endroit pour D, E, F et G afin de naître, et, même s'ils étaient nés clandestinement, plus d'endroit pour exister. » <p.273>
Adolphe THIERS / De la propriété / Paris, Paulin et L'Heureux 1848
« Vous, nouveaux venus, qui vous plaignez de ce qu'on a pris toutes les places au soleil, si on vous donnait des terres à défricher sans la certitude de les garder, en voudriez-vous à ce prix ? » <p.122>