Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La plupart des hommes, pour arriver à leurs fins, sont plus capables d'un grand effort que d'une longue persévérance : leur paresse ou leur inconstance leur fait perdre le fruit des meilleurs commencements ; ils se laissent souvent devancer par d'autres qui sont partis après eux et qui marchent lentement, mais constamment. » <p.336 XII (137)>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Une femme avait un procès au Parlement de Dijon. Elle vint à Paris, sollicita M. le garde des Sceaux (1784) de vouloir bien écrire, en sa faveur, un mot qui lui faisait gagner un procès très juste ; le garde des Sceaux la refusa. La comtesse de Talleyrand prenait intérêt à cette femme ; elle en parla au garde des Sceaux : nouveau refus. Mme de Talleyrand en fit parler par la reine : autre refus. Mme de Talleyrand se souvint que le garde des Sceaux caressait beaucoup l'abbé de Périgord, son fils. Elle fit écrire par lui : refus très bien tourné. Cette femme désespérée résolut de faire une tentative, et d'aller à Versailles. Le lendemain, elle part ; l'incommodité de la voiture publique l'engage à descendre à Sèvres et à faire le reste de la route à pied. Un homme lui offre de la mener par un chemin plus agréable et qui abrège. Elle accepte, et lui conte son histoire. Cet homme lui dit : "Vous aurez demain ce que vous demandez." Elle va chez le garde des Sceaux, est refusée encore, veut partir. L'homme l'engage à coucher à Versailles, et, le lendemain matin, lui apporte le papier qu'elle demandait. C'était un commis d'un commis, nommé M. Etienne. » <716 p.212>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« On est ferme par principes, on est têtu par caractère ou plutôt par tempérament. Le têtu est celui dont les organes, quand ils ont une fois pris un pli, n'en peuvent plus ou n'en peuvent de longtemps reprendre un autre. » <21 juin 1797 t.1 p.219>
Victor HUGO / Les châtiments / OEuvres complètes t.4 /Paris, Hetzel & Quantin 1882 [BnF]
« J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme, Sans chercher à savoir et sans considérer Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme, Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ; S'il en demeure dix, je serai le dixième ; Et s'il n'en reste qu'un, je serais celui-là ! » <livre VII poésie xvii - Ultima verba (Jersey, 2 décembre 1852) - p.429>
Henri ROCHEFORT / La Lanterne / Paris 1868 [BnF]
« J'avais trouvé un petit à-propos politique, en un acte, intitulé Les Lâcheurs, qui eût fait salle comble, les places fussent-elles cotées cent francs pièce, comme pour les représentations d'Adelina Patti. À un moment donné, M. Rouher, très effrayé de la tournure que prenaient les choses, demandait au jeune Pinard* si son intention était de tourner casaque ou de se serrer autour l'Empereur. Et voici ce que répondait Pinard, parodiant les vers d'un grand poète : S'ils sont encor deux mille, eh bien, j'en suis quand même, S'ils ne sont plus que cent, j'hésite et me tiens coi. Et s'il en reste dix, je serai le vingtième, Et s'il n'en reste qu'un, ce ne sera pas moi. » <Numéro 24 - Mardi 3 novembre 1868 p.37>
* En 1868 Eugène Rouher (1814-1884) est le chef du gouvernement (on le surnomme le "vice-empereur") et Ernest Pinard (1822-1909) est ministre de l'Intérieur.
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Qu'est-ce "être obstiné" ? - Le chemin le plus court n'est pas le plus droit, mais celui sur lequel le vent le plus favorable gonfle notre voile : c'est ce qu'enseignent les règles de la navigation. Ne pas leur obéir, c'est être obstiné : la fermeté de caractère est ici gâtée par la bêtise. » <59 p.858>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Un mot qui court sur Paul Bert, le ministre de l'Instruction publique : "on dit que c'est un homme qui change à tout moment d'idée fixe." » <27 mai 1884 p.1078>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Persévérance n. Humble vertu qui permet aux médiocres de parvenir à un succès peu glorieux. » <p.209>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Une chose réussie est une transformation d'une chose manquée. Donc une chose manquée n'est manquée que par abandon. » <p.553>
Paul WATZLAWICK / Faites vous-même votre malheur / Seuil 1984
« Cette formule apparemment toute bête : "il suffit d'insister", est l'une des recettes les plus assurément désastreuses mises au point sur notre planète sur des centaines de millions d'années. Elle a conduit des espèces entières à l'extinction. C'est une forme de jeu avec le passé que nos ancêtres les animaux connaissaient déjà avant le sixième jour de la création. [...] La nécessité vitale de l'adaptation fait apparaître des comportements spécifiques dont le but dans l'idéal, est de permettre la meilleure survie possible sans souffrance inutile. Pour des raisons encore mal élucidées, l'homme, comme les animaux, a tendance à considérer ces solutions comme définitives, valides à tout jamais. Cette naïveté sert seulement à nous aveugler sur le fait que ces solutions sont au contraire destinées à devenir de plus en plus anachroniques. Elle nous empêche de nous rendre compte qu'il existe - et qu'il a sans doute toujours existé - un certain nombre d'autres solutions possibles, envisageables, voire carrément préférables. Ce double aveuglement produit un double effet. D'abord, il rend la solution en vigueur de plus en plus inutile et par voie de conséquence la situation de plus en plus désespérée. Ensuite, l'inconfort croissant qui en résulte, joint à la certitude inébranlable qu'il n'existe nulle autre solution, ne peut conduire qu'à une conclusion et une seule : il faut insister. Ce faisant, on ne peut que s'enfoncer dans le malheur. » <p.28-29>