ARISTOTE / Éthique de Nicomaque / GF 43 Flammarion 1992
« Dans les circonstances où nous pouvons agir, nous pouvons aussi nous abstenir ; là où nous disons : non, nous sommes maîtres aussi de dire : oui. Ainsi donc, si l'exécution d'une belle action dépend de nous, il dépendra aussi de nous de ne pas exécuter un acte honteux ; et si nous pouvons nous abstenir d'une bonne action, l'accomplissement d'un acte honteux dépend encore de nous. Si donc l'exécution des actes honorables et honteux est en notre pouvoir, nous pouvons aussi ne pas les commettre - or c'est en cela que consiste l'honnêteté et le vice - , à coup sûr il dépend de nous d'être gens de bien ou malhonnêtes. Aussi prétendre que : Nul n'est méchant volontairement et que nul n'est heureux contre son gré est, semble-t-il, une affirmation qui participe à la fois de l'erreur et de la vérité. Car nul n'est heureux involontairement, mais le vice ne va pas sans participation de notre volonté. » <III 5 p.84>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Ainsi d'un homme qui cède à la peur, je ne dirai jamais qu'il a choisi de céder à la peur. Car il n'est pas difficile de céder à la peur ; il est inutile de le vouloir ; la peur tire continuellement ; il n'y a qu'à la laisser faire. Comme pour dormir le matin, il suffit de s'abandonner. Le paresseux ne choisit point la paresse ; la paresse se passe très bien d'être choisie. La gourmandise de même, et la luxure, et tous les péchés ; cela va tout seul. L'automobile, au tournant, ira dans le ravin ; elle ira toute seule dans le ravin. Dès que l'homme ne se dirige plus, les forces extérieures le reprennent. Et si j'écris n'importe quoi, ce sera une sottise. Le bavard qui se lance, ou qui seulement s'endort, ira de sottise en sottise. Ce que les anciens, hommes de jeux et de sports, avaient très bien vu, disant que la force gouvernante ou volonté est directement bonne et que nul n'est méchant volontairement. » <30 mai 1922 p.410>
Michel de MONTAIGNE / Essais / Garnier 1962
« L'ame qui n'a point de but estably, elle se perd : car, comme on dict, c'est n'estre en aucun lieu, que d'estre par tout. » <t.1 p.29 livre I chap.VIII>
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« Nous avons plus de force que de volonté ; et c'est souvent pour nous excuser à nous même que nous nous imaginons que les choses sont impossibles. » <M 30 p.13>
« Il y a peu de choses impossibles d'elles-mêmes ; et l'application pour les faire réussir nous manque plus que les moyens. » <M 243 p.63>
« Les humeurs du corps ont un cours ordinaire et réglé, qui meut et qui tourne imperceptiblement notre volonté ; elles roulent ensemble et exercent successivement un empire secret en nous : de sorte qu'elles ont une part considérable à toutes nos actions, sans que nous le puissions connaître. » <M 297 p.74>
« Nous ne désirerions guère de choses avec ardeur, si nous connaissions parfaitement ce que nous désirons. » <M 439 p.101>
« On ne souhaite jamais ardemment ce qu'on ne souhaite que par raison. » <M 469 p.106>
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Il y a de certaines gens qui veulent si ardemment et si déterminément une certaine chose, que de peur de la manquer, ils n'oublient rien de ce qu'il faut faire pour la manquer. » <p.142 IV (62)>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« On ne persuade aux hommes que ce qu'ils veulent. Il ne s'agit donc pour les dissuader que de leur faire voir que ce qu'ils veulent en effet n'est pas ce qu'ils pensent vouloir. » <15 juillet 1801 t.1 p.414>
« La volonté est à notre âme ce qu'est le coeur à notre corps. » <18 février 1803 t.1 p.513>
Arthur SCHOPENHAUER / L'art d'avoir toujours raison / Circé/poche (25) 1999
« Au lieu d'agir sur l'intelligence par des raisons, que l'on agisse par des mobiles sur la volonté, et l'adversaire, de même que les auditeurs, du moment que leurs intérêts sont les mêmes que les siens, seront aussitôt amenés à notre opinion, même si elle était tirée de l'asile d'aliénés : car, le plus souvent, une once de volonté pèse plus lourd qu'un quintal d'intelligence et de convictions. Il est vrai que cela requiert des circonstances toutes particulières. Si l'on peut faire sentir à son adversaire que son opinion, du moment qu'on l'admettrait, causerait un tort considérable à ses intérêts, il la lâchera tout aussitôt, comme un fer rouge qu'il aurait imprudemment empoigné. Par exemple, un ecclésiastique soutient un dogme philosophique : qu'on le prie de remarquer que celui-ci est en contradiction indirecte avec un dogme fondamental de son Église, et il le laissera tomber. Un propriétaire terrien soutient, en Angleterre, l'excellence du machinisme, puisqu'une machine à vapeur y fait le travail de nombreux ouvriers : qu'on lui fasse comprendre que bientôt, les voitures, elles aussi, seront tirées par des machines à vapeur, ce qui fera considérablement baisser la valeur des chevaux de son haras bien garni : et on verra ce qu'il en dira. » <Stratagème 35, p.54>
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Il n'y a personne à qui il ne reste assez de forces pour exécuter ce dont il est convaincu. » <p.37>
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« Souhaiter, c'est rêver ; vouloir, c'est penser. » <p.1155>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« La volonté forte est admirée de tout le monde, parce que personne ne l'a et parce que chacun se dit que, s'il l'avait, il n'y aurait plus de limite pour lui ni pour son égoïsme. » <460 p.643>
« But et voies. - Bien des gens sont obstinés en ce qui touche la voie une fois prise, peu en ce qui touche le but. » <494 p.659>
Jean-Louis-Auguste COMMERSON / Pensées d'un Emballeur (2) / Martinon 1852
« La résolution est la hache d'abordage de la volonté. » <p.109>
Oscar WILDE / Formules et maximes / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« Une fatalité s'attache à toutes les bonnes résolutions. On les prend toujours trop tôt. » <p.970>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Je n'ai pas eu ce que je désirais tant, et, un peu plus tard, je me suis aperçu qu'il était heureux pour moi de n'avoir pas réalisé mon désir têtu. » <29 mai 1894 p.179>
« La joie d'avoir travaillé est mauvaise : elle empêche de continuer. » <7 février 1897 p.307>
« Je n'admet pas que l'on contrarie mes projets, surtout quand j'ai la certitude de ne jamais les mettre à exécution. » <6 septembre 1899 p.429>
« On peut tout faire, avec de la volonté ; mais, d'abord, comment avoir de la volonté ? » <12 septembre 1906 p.845>
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« C'est la pire lassitude, quand on ne veut plus vouloir. » <246 p.194>
Georges COURTELINE / Philosophie / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Un lascar sera celui qui, ayant su préciser parmi les lobes du cerveau la case de la Volonté, la fécondera, la développera par un procédé à lui ; car l'homme ne meurt pas que d'urémie, de pleurésie ou de congestion, mais aussi de son impuissance à avoir raison de lui-même, de la souffrance aiguë qu'il endure à rompre avec des habitudes sur la malfaisance desquelles il ne s'illusionne même pas. Il meurt de s'attarder à jouer le poker dans le nuage d'une salle de café enfumée et de répéter tous les soirs : - Ma parole, on n'a pas idée de se coucher à des heures pareilles ! C'est la dernière fois ! À qui de faire ? Il meurt de s'écrier : - J'ai bu huit bocks ! C'est trop. Encore un, garçon ! C'est le dernier. Il meurt de constater : - Comment, je n'ai plus de tabac ! J'en fume pour vingt sous par jour ; c'est ridicule ! Qui est-ce qui me donne une cigarette ? C'est la dernière. » <p.816>
Sacha GUITRY / Toutes réflexions faites / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Il faut se faire aussi des serments à soi-même - et, ceux-là, les tenir. » <p.70>
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Les esprits valent selon ce qu'ils exigent. Je vaux ce que je veux. » <p.876>
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Je n'ai pas de volonté - - en toutes choses qui ne dépendent pas de moi seul. Je n'ai rien voulu dans l'ordre extérieur - J'ai subi, accepté, suivi. Il me semble que décider en ces choses extérieures c'est agir en violation des droits et prérogatives du hasard, lequel ne manque pas de récompenser à sa façon. Car les hommes savent parfois ce qu'ils font, mais ils ne savent jamais ce que fait ce qu'ils font. » <Ego p.188>
Charles BAUDELAIRE / Les Paradis artificiels / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« Balzac pensait sans doute qu'il n'est pas pour l'homme de plus grande honte ni de plus vive souffrance que l'abdication de sa volonté. Je l'ai vu une fois, dans une réunion où il était question des effets prodigieux du haschisch. Il écoutait et questionnait avec une attention et une vivacité amusantes. Les personnes qui l'ont connu devinent qu'il devait être intéressé. Mais l'idée de penser malgré lui-même le choquait vivement. On lui présenta du dawamesk ; il l'examina, le flaira et le rendit sans y toucher. La lutte entre sa curiosité presque enfantine et sa répugnance pour l'abdication se trahissait sur son visage expressif d'une manière frappante. L'amour de la dignité l'emporta. En effet, il est difficile de se figurer le théoricien de la volonté, ce jumeau spirituel de Louis Lambert, consentant à perdre une parcelle de cette précieuse substance. » <p.438>
Léon DAUDET / Souvenirs / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Nous possédons, avec la volonté, une force de pétrissage, de réfection, de refonte organique dont nous ne soupçonnons pas encore l'importance. J'appelle application de la volonté non le fait de répéter : "Je veux", en serrant les dents et les poings, mais l'exercice quotidien appuyé, précis, portant au même endroit, de la faculté qui meut toute notre machine. L'assiduité et l'attention sont deux rebouteuses de premier ordre. Chacun de nous, s'il se guette avec clairvoyance et s'il a le courage de se prendre en main, a en soi le docteur idéal, le docteur passionné pour son client, le docteur toujours prêt, dont rêvent les pauvres neurasthéniques et les vieilles dames couvertes de petites lésions. L'homme ignore les trois quarts de ses ressources et il meurt sans les avoir employées, comme il meurt sans avoir joué de la centième partie des combinaisons intellectuelles que lui permettrait la souplesse infinie de son cerveau. Nous sommes comparables à des laboureurs qui vivraient sur un hectare de culture, abandonnant cinq cents hectares à la friche. » <p.245>
ALAIN / 81 chapitres sur l'esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Chacun sait qu'une certaine espèce de fous font ce qu'on leur suggère, et qu'ils veulent aussi ce qu'ils font, ce qui fait qu'ils croient faire ce qu'ils veulent. Prouvez que nous ne sommes pas tous ainsi. » <p.1180>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Il ne faudrait vouloir qu'une chose et la vouloir sans cesse. On est sûr alors de l'obtenir. Mais moi, je désire tout ; alors je n'obtiens rien. Je découvre toujours et trop tard que l'une m'était venue tandis que je courais à l'autre. » <p.20>
« Oui, je crois que l'application manque beaucoup plus souvent que le don. L'insuffisance d'application provient souvent d'un doute sur sa propre importance ; mais est due plus fréquemment encore à une suffisance excessive. » <1 mars 1918 p.648>
Emil CIORAN / Syllogismes de l'amertume (1952) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Je prends une résolution debout ; je m'allonge - et l'annule. » <p.766>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« On parle des maladies de la volonté, et on oublie que la volonté elle-même est une maladie, que c'est une activité non naturelle que de vouloir. » <p.150>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989