« C'est se tromper que de croire qu'il n'y ait que les violentes passions, comme l'ambition et l'amour, qui puissent triompher des autres. La paresse, toute languissante qu'elle est, ne laisse pas d'en être souvent la maîtresse ; elle usurpe sur tous les desseins et sur toutes les actions de la vie ; elle y détruit et y consume insensiblement les passions et les vertus. » <M 266 p.68>
« L'esprit s'attache par paresse et par constance à ce qui lui est facile ou agréable ; cette habitude met toujours des bornes à nos connaissances, et jamais personne ne s'est donné la peine d'étendre et de conduire son esprit aussi loin qu'il pourrait aller. » <M 482 p.109>
« De toutes les passions celle qui est la plus inconnue à nous-mêmes, c'est la paresse ; elle est la plus ardente et la plus maligne de toutes, quoique sa violence soit insensible, et que les dommages qu'elle cause soient très cachés ; si nous considérons attentivement son pouvoir, nous verrons qu'elle se rend en toutes rencontres maîtresse de nos sentiments, de nos intérêts et de nos plaisirs ; c'est la rémore qui a la force d'arrêter les plus grands vaisseaux, c'est une bonace plus dangereuse aux plus importantes affaires que les écueils, et que les plus grandes tempêtes ; le repos de la paresse est un charme secret de l'âme qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolutions ; pour donner enfin la véritable idée de cette passion, il faut dire que la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui console de toutes ses pertes, et qui lui tient lieu de tous les biens. » <MS 54 p.147>
MARIVAUX / Lettre sur la paresse (1740) / Journaux et OEuvres diverses / Classiques Garnier 1988
« Ah ! sainte paresse ! salutaire indolence ! si vous étiez restées mes gouvernantes, je n'aurais pas vraisemblablement écrit tant de néants plus ou moins spirituels, mais j'aurais eu plus de jours heureux que je n'ai eu d'instants supportables. Mon ami, le repos ne vous rend pas plus riche que vous ne l'êtes ; mais il ne vous rend pas plus pauvre : avec lui vous conservez ce que vous n'augmentez pas, encore ne sais-je pas si l'augmentation ne vient pas quelquefois récompenser la vertueuse insensibilité pour la fortune. » <p.443>
Eugène DELACROIX / Journal 1822-1863 / Plon 1980
« Chez la plupart des hommes, l'intelligence est un terrain qui demeure en friche presque toute la vie. On a droit de s'étonner, en voyant la multitude de gens stupides ou au moins médiocres, qui ne semblent vivre que pour végéter, que Dieu ait donné à ses créatures la raison, la faculté d'imaginer, de comparer, de combiner, etc., pour produire si peu de fruits. La paresse, l'ignorance, la situation où le hasard les jette, changent presque tous les hommes en instruments passifs des circonstances. Nous ne connaissons jamais ce que nous pouvons obtenir de nous-mêmes. La paresse est sans doute le plus grand ennemi du développement de nos facultés. Le Connais-toi toi-même serait donc l'axiome fondamental de toute société, où chacun de ses membres ferait exactement son rôle et le remplirait dans toute son étendue. » <9 juin 1847 p.158>
Roger ALEXANDRE / Le Musée de la Conversation / Paris, Émile Bouillon 1897 [BnF]
« "Ah ! qu'il est doux De ne rien faire, Quand tout s'agite autour de nous !" Galathée, opéra-comique en deux actes de MM. Jules Barbier et Michel Carré, musique de Victor Massé. - Opéra-Comique, 14 avril 1852. Refrain des couplets chantés au deuxième acte, scène Iere, par Ganymède, le nonchalant serviteur de Pygmalion. » <p.148>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Ne pas faire valoir son droit. - Exercer la puissance coûte bien des peines et beaucoup de courage y est nécessaire. C'est pourquoi tant de gens ne font pas valoir leur bon droit, parce que ce droit est une sorte de puissance et qu'ils sont trop paresseux ou trop lâches pour l'exercer. Mansuétude et patience, ainsi nomme-t-on les vertus qui couvrent ce défaut. » <251 p.922>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le travail pense, la paresse songe. » <27 décembre 1887 p.12>
« Pour nous punir de notre paresse, il y a, outre nos insuccès, les succès des autres. » <2 janvier 1898 p.359>
« Il faut tout dire : le travail donne une satisfaction un peu béate. Il y a dans la paresse un état d'inquiétude qui n'est pas vulgaire, et auquel l'esprit doit peut-être ses plus fines trouvailles. » <1 octobre 1898 p.398>
« La paresse a cela de mortel que, dès qu'on en triomphe, on la sent qui renaît. » <20 juin 1900 p.464>
« Ecrire. Le plus difficile, c'est de prendre la plume, de la tremper dans l'encre et de la tenir ferme au-dessus du papier. » <17 novembre 1900 p.480>
« Je connais bien ma paresse. Je pourrais écrire un traité sur elle, si ce n'était un si long travail. » <21 juillet 1902 p.605>
« Paresse : habitude prise de se reposer avant la fatigue. » <22 mai 1906 p.831>
Tristan BERNARD / L'Esprit de Tristan Bernard / nrf Gallimard 1925
« Allais, écrit Tristan Bernard, donnait l'impression d'un paresseux. Mais qu'est-ce qu'un paresseux ? C'est un homme qui ne fait pas semblant de travailler. » <p.31>
Henry de MONTHERLANT / Carnets 1930-1944 / Essais / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1963
« L'homme est rarement paresseux. Mais l'enfant est accusé souvent de l'être. L'enfant paresseux préfigure l'être de sagesse : il se refuse aux connaissances inutiles, comme l'être de sagesse veut ne pas savoir beaucoup de choses, mais savoir les seules qui importent. » <Carnet XIX p.992>
ALAIN / Les idées et les âges / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Le paresseux, à ce que je crois, n'est qu'un homme qui n'a point encore de poste, ou qui croit n'en pas avoir. Chose remarquable, c'est toujours parce qu'il sait ou croit qu'on ne compte point sur lui, qu'il ne se presse point. Supposez au contraire dans cet homme l'idée, vraie ou fausse, que nul ne saura le remplacer, vous le verrez aller. C'est donc trop peu dire que de dire que l'homme aime son travail. La prise du travail est bien plus sûre. Comme ces courroies et engrenages, qui vous happent par la manche, ainsi la grande machine ne demande point permission. C'est un fait remarquable, et que je crois sans exception, que l'homme qui règle lui-même son travail est celui qui travaille le plus, pourvu qu'il coopère, et que d'autres lui poussent sans cesse des pièces à finir. Aussi je crois que sous les noms de cupidité, d'avarice, ou d'ambition, on décrit souvent assez mal un sentiment vif d'un travail à continuer, d'une réputation à soutenir, enfin d'une certaine action que les autres ne feront pas aussi bien. Il est clair que l'écolier ne trouve pas de ces raisons d'agir ; pour une version mal faite rien ne manquera au monde. Voilà sans doute pourquoi c'est dans la partie la plus active, la plus remuante, la plus infatigable, qui est l'enfance, que l'on trouve le plus de paresseux. » <p.104>
Sacha GUITRY / Théâtre, je t'adore / Omnibus 1996
« [...] je me suis rendu compte que si je travaillais tout le temps comme je le fais, du matin au soir, souvent du soir au matin, et d'un bout de l'année à l'autre, c'était par paresse. Oui, je fais tout le temps quelque chose, parce que j'ai remarqué que, lorsqu'on faisait quelque chose, on ne faisait qu'une chose, ce qui n'est pas fatigant, tandis que, lorsqu'on ne fait rien pendant une minute ou deux, on pense alors à tout ce qu'on a à faire et qu'on ne fait pas - et ça, c'est éreintant ! » <p.21>
Emil CIORAN / Le crépuscule des pensées (1940) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« La paresse est un scepticisme de la chair. » <p.425>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Tout ce que j'ai de bon vient de ma paresse ; sans elle, qui m'aurait empêché de mettre en application mes mauvais desseins ? Elle m'a heureusement contenu dans les limites de la "vertu". Tous nos vices viennent de l'excès d'activité, de cette propension à nous réaliser, à donner une apparence honorable à nos travers. » <janvier 1960 p.48>
Pierre PERRET / Les pensées / Le cherche midi éditeur 1997
« La devise du sage : "Rien faire et laisser dire !" » <p.62>
Jacques DUTRONC / Pensées et répliques / Le cherche midi éditeur 2000
« L'avantage qu'il y a à entretenir une réputation de feignant, c'est que ça évite même la peine de faire semblant de travailler. » <p.29>