Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [oeuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Le mérite des formes et la façon est si considérable, que l'abbé S.*** ayant dit à quelqu'un de ma connaissance : permettez que je vous dise ma façon de penser, celui-ci lui répondit fort à propos : dites-moi tout uniment votre pensée, et épargnez-moi la façon. » <Anecdotes et bons mots p.157>
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / La confession de Talleyrand [Ana] / Paris, L.Sauvaitre 1891 [BnF]
« La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée. » <p.18>
Madame de LAMBERT / Avis d'une mère à son fils / OEuvres complètes / Paris L.Collin 1808 [BnF]
« S'il ne faut pas toujours dire ce que l'on pense, il faut toujours penser ce que l'on dit. » <p.21>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« À les entendre, on croirait que rien n'est si aisé que de dire ce qu'on pense, et il n'est pas même aisé de le savoir au juste. » <3 septembre 1800 t.1 p.391>
« Il y a, pour l'observateur et le connoisseur, des mots et des pensées remarquables partout, dans les conversations des sots, dans les écrits les plus médiocres, etc. Cela est en circulation comme les pièces d'or, dont tout le monde fait usage et dont personne ou presque personne ne remarque l'éclat, la valeur intrinsèque et la beauté. On peut faire de ces monnoyes des bijoux ; mais qui saura le mettre en oeuvre ? » <11 mai 1812 t.2 p.352>
Georges DARIEN / Le Voleur (1897) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« Je me garde bien de dire toujours ce que je pense ; rien n'est plus ridicule que d'avoir raison maladroitement ou de mauvaise grâce. Il faut hurler avec les loups et, surtout lorsqu'on est voleur ou escroc, porter l'habit de deux paroisses. Cela ne vous interdit point l'ironie, et vous pouvez l'employer d'autant plus facilement que, généralement, elle n'est pas entendue. » <p.426>
Ernest RENAN / L'Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« La liberté de penser est imprescriptible : si vous barrez à l'homme les vastes horizons, il s'en vengera par la subtilité : si vous lui imposez un texte, il y échappera par le contresens. Le contresens, aux époques d'autorité, est la revanche que prend l'esprit humain sur la chaîne qu'on lui impose ; c'est la protestation contre le texte. Ce texte est infaillible ; à la bonne heure. Mais il est diversement interprétable, et là recommence la diversité, simulacre de liberté dont on se contente à défaut d'autre. Sous le régime d'Aristote, comme sous celui de la Bible, on a pu penser presque aussi librement que de nos jours, mais à la condition de prouver que telle pensée était réellement dans Aristote ou dans la Bible, ce qui ne faisait jamais grande difficulté. Le Talmud, la Massore, la Cabale sont les produits étranges de ce que peut l'esprit humain enchaîné sur un texte. On en compte les lettres, les mots, les syllabes, on s'attache aux sons matériels bien plus qu'au sens, on multiplie à l'infini les subtilités exégétiques, les modes d'interprétation, comme l'affamé, qui, après avoir mangé son pain, en recueille les miettes. Tous les commentaires des livres sacrés se ressemblent, depuis ceux de Manou jusqu'à ceux de la Bible, jusqu'à ceux du Coran. Tous sont la protestation de l'esprit humain contre la lettre asservissante, un effort malheureux pour féconder un champ infécond. Quand l'esprit ne trouve pas un objet proportionné à son activité, il s'en crée un par mille tours de force. » <p.124>
Friedrich NIETZSCHE / Le Gai Savoir. (1882-1887) / OEuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Danger dans la voix. - Avec une voix forte dans la gorge on est presque incapable de penser des choses subtiles. » <216 p.155>
Léon BLOY / Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
« Les pensées de derrière la tête. On dit qu'un homme a des pensées de derrière la tête quand il ne dit pas tout ce qu'il pense ou tout ce qu'il veut. C'est un cas très ordinaire et rien d'exceptionnel n'est signifié par cette expression. Celui qui dirait tout ce qu'il pense et déclarerait toutes ses intentions n'aurait que des pensées de devant la tête, des pensées de façade, si on peut dire et serait une sorte de monstre. Sa tête ressemblerait à une maison impossible, sans hauteur ni profondeur, sans toit, sans cave, sans escalier, sans propriétaire, où on ne pourrait s'étendre pour dormir qu'en mettant ses pieds et même ses jambes hors de la fenêtre, au scandale des personnes élégantes ou raisonnables qui passeraient dans la rue. On ne peut imaginer rien de plus absurde. En supposant qu'une telle demeure parût habitable à des malheureux accoutumés à l'étalage de leur misère, comment des gens dignes d'estime, n'ayant rien à se reprocher, pourraient-ils supporter de s'offrir en spectacle à tous ceux qui seraient tentés de regarder dans leur intérieur ? Un homme qui a des pensées de derrière la tête, au contraire, est simplement un individu sensé, habitant une maison bien aménagée, pourvue, par conséquent, d'un endroit retiré où il lui soit loisible de penser en sécurité, et d'un autre endroit, peu éloigné du premier, où il puisse obéir à certains appels de la nature, sans que personne en soit informé. L'idéal serait qu'il n'y eût qu'un seul endroit pour les deux fonctions qui paraissent avoir, dans ce cas, une mystérieuse et profonde conformité. Les spéculateurs et les sociologues me comprendront ! » <p.230-231>
Paul VALÉRY / Mélange (1939) / OEuvres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1957
« Parler avec soi-même... Ce n'est pas toujours amusant : Rendre la conversation amusante, intéressante, instructive, imprévue, avec soi-même, c'est se faire - penseur... » <p.310>
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Savoir penser, c'est savoir tirer du hasard les ressources qu'il implique en nous. » <Gladiator p.351>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Les grandes pensées ont quelque chose d'enfantin, qui fait que les beaux esprits passeront toujours à côté sans les voir. » <20 mai 1922 p.405>
« Rien n'étonne plus qu'une objection ; dès qu'on ne l'a pas prévue, on se trouve sot. Il faudrait oser beaucoup, mais sans aucune prétention ; c'est difficile ; car la modestie ne commence rien. Qui n'est pas un petit Descartes, qui ne compte pas sur ses propres lumières, est un penseur faible ; mais qui se lance d'après ses propres lumières est bientôt un penseur ridicule. » <10 février 1931 p.991>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Le nombre augmente... des choses que je me permets de penser, que je me permets un peu moins de dire, et que je ne permets aux autres de dire pas du tout. Par exemple : que le commencement de Madame Bovary est fort mal écrit. » <15 avril 1906 p.208>
« Ne pas se forcer à penser ; mais noter aussitôt chaque pensée qui se propose. » <5 novembre 1928 p.892>
Rémy de GOURMONT / Promenades philosophiques (1) / Mercure de France 1931
« On ne pense pas sans mots, et cependant les mots trahissent la pensée. Toute expression verbale d'un fait concret devient de la métaphysique. » <p.169>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Les penseurs de première main méditent sur des choses ; les autres, sur des problèmes. Il faut vivre face à l'être, non à l'esprit. » <1 juillet 1962 p.96>
Georges PERROS / En vue d'un éloge de la paresse - Lettre préface / Le Passeur 1995
« L'homme pense seul et ne trouve de raisons de penser que par les autres. » <p.19>
« Prêter aux autres des pensées de l'arrière, pensées qu'ils feront connaître à tous, sauf au principal intéressé, les éléments qui les composent le concernant, et, avoir la bêtise ou le courage de leur dévoiler ce qu'ils croyaient si bien caché, s'attirant un : "Tu es fou. Qu'est-ce que tu vas chercher. Quel compliqué tu fais !", ce courage ou cette bêtise les déçoit cruellement sur notre compte. On leur retire "l'inconnaissable absolu", et ils ne vous pardonneront pas de leur avoir ôté le droit et le plaisir de nous croire leur ami. » <p.54>
André FROSSARD / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1994
« Qu'est-ce qu'un penseur ? Un homme qui se pose encore des questions quand les autres ne s'en posent plus. » <p.154>
Claude Michel CLUNY / Le silence de Delphes - journal littéraire 1948-1962 / SNELA La Différence 2002
« Penser : la meilleure manière de ce taire. » <1960 p.170>