Chevalier de MÉRÉ / Maximes, sentences et réflexions morales et politiques / Paris, E. du Castin 1687 [BnF]
« Arriston de Chio disait que ceux qui quittaient la Philosophie pour s'adonner aux Mathématiques ressemblaient aux amoureux de Pénélope, qui ne pouvant jouir d'abord de leurs maîtresses, courtisaient les servantes.* » <91 p.40>
* Le chevalier de Méré était fâché avec les mathématiques. Il a proposé à son ami Blaise Pascal plusieurs "paradoxes" concernant le calcul des probabilités. Pour Pascal, le chevalier est le type même de l'esprit fin qui n'est pas géomètre, comme il le dit dans une lettre à Fermat (29 juillet 1654) : " Je n'ai pas le temps de vous envoyer la démonstration d'une difficulté qui étonnait fort M[éré] , car il a très bon esprit, mais il n'est pas géomètre (c'est, comme vous savez, un grand défaut) et même il ne comprend pas qu'une ligne mathématique soit divisible à l'infini et croit fort bien entendre qu'elle est composée de points en nombre fini, et jamais je n'ai pu l'en tirer. Si vous pouviez le faire, on le rendrait parfait." (Blaise PASCAL / OEuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954 / p.80)
Friedrich Melchior baron de GRIMM / Correspondance littéraire, philosophique et critique (tome 1) / Garnier frères 1877 [BnF]
« Maupertuis est le premier géomètre qui, après Fontenelle, ait été bel esprit. Il souhaita d'être admis chez Mme de Lambert, qui assemblait chez elle des gens de lettres. Fontenelle, en le présentant, dit : "J'ai l'honneur de vous présenter M. de Maupertuis, qui est un grand géomètre et qui pourtant n'est pas un sot". Maupertuis fut extrêmement flatté de ce compliment. Vous savez que Scaliger a fait un gros livre pour prouver qu'un homme d'esprit ne pouvait pas être géomètre. Maupertuis est un homme singulier et qui a des propos aussi singuliers que son maintien et sa figure. L'abbé de Vatry, l'entendant déraisonner un jour plus qu'à l'ordinaire, lui dit : "Je croyais que pour être géomètre il fallait une tête de boeuf, mais je vois bien qu'une tête de linotte suffit." » <p.114>
MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Les propositions mathématiques sont reçues comme vraies parce que personne n'a intérêt qu'elles soient fausses ; et, quand on a eu intérêt, c'est-à-dire quand quelqu'un a voulu, en en doutant, se faire chef de parti et entraîner, en les renversant, toutes les autres vérités, on en a douté : témoin Pyrrhon. » <677 p.1181>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Il y a des sciences bonnes dont l'existence est nécessaire et dont la culture est inutile. Telles sont les mathématiques. » <29 juin 1808 t.2 p.277>
« "S'asseoir sur le boisseau". - "Mettre la règle dans sa tête" (pour en débarrasser ses mains). - "... le compas dans l'oeil", disoit Michel Ange. Cette expression est si nette et par cela même si naturelle que le peuple l'a partout et qu'elle sera pour toujours adoptée dans tous les lieux où elle sera dite et par tous ceux qui l'auront entendue une seule fois. Toute parole qui exprime bien une pensée est son vêtement, son corps propre, son accompagnement inséparable, son associé naturel. » <26 février 1805 t.2 p.33>
Gustave FLAUBERT / Dictionnaire des idées reçues / Bouvard et Pécuchet / Garnier-Flammarion 1966
« COMPAS. - On voit juste quand on l'a dans l'oeil. » <p.342>
Évariste GALOIS / Écrits et mémoires mathématiques / Gauthier-Villars 1962
« On doit prévoir que, traitant des sujets aussi nouveaux, hasardé dans une voie aussi insolite, bien souvent des difficultés se sont présentées que je n'ai pu vaincre. Aussi dans ces deux mémoires et surtout dans le second qui est plus récent, trouvera-t-on souvent la formule "je ne sais pas". La classe des lecteurs dont j'ai parlé au commencement ne manquera pas d'y trouver à rire. C'est que malheureusement on ne se doute pas que le livre le plus précieux du plus savant serait celui où il dirait tout ce qu'il ne sait pas, c'est qu'on ne se doute pas qu'un auteur ne nuit jamais tant à ses lecteurs que quand il dissimule une difficulté. Quand la concurrence c'est-à-dire l'égoïsme ne régnera plus dans les sciences, quand on s'associera pour étudier, au lieu d'envoyer aux académies des paquets cachetés, on s'empressera de publier ses moindres observations pour peu qu'elles soient nouvelles, et on ajoutera : "je ne sais pas le reste". » <Prison de Ste Pélagie, décembre 1831 p.11>
STENDHAL / Vie de Henry Brulard / OEuvres intimes II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1982
« Suivant moi, l'hypocrisie était impossible en mathématiques, et, dans ma simplicité juvénile, je pensais qu'il en était ainsi dans toutes les sciences où j'avais ouï dire qu'elles s'appliquaient. Que devins-je quand je m'aperçus que personne ne pouvait m'expliquer comment il se faisait que : moins par moins donne plus (- × - = +) ? (C'est une des bases fondamentales de la science qu'on appelle algèbre.) On faisait bien pis que ne pas m'expliquer cette difficulté (qui sans doute est explicable car elle conduit à la vérité), on me l'expliquait par des raisons évidemment peu claires pour ceux qui me les présentaient. » <p.853>
« Ma cohabitation passionnée avec les mathématiques m'a laissé un amour fou pour les bonnes définitions, sans lesquelles il n'y a que des à-peu-près. » <p.885>
Victor HUGO / Moi, l'amour, la femme / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« J'ai fait dans ma jeunesse quatre ans de mathématiques. Mon professeur, M. Lefebvre de Courcy, me demandait un jour : Eh bien, Monsieur, que pensez-vous des X et des Y ? - Je lui ai répondu : c'est bas de plafond. » <p.274>
Ernest RENAN / L'Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« La science la plus vide d'objet, les mathématiques, est précisément celle qui passionne le plus, non pas tant par sa vérité que par le jeu des facultés et la force de combinaison qu'elle suppose. La jouissance que procurent les mathématiques est de même ordre que celle du jeu d'échecs. Aucune n'est plus tyrannique. Quand Archimède était appliqué à son tableau de démonstration, il fallait que ses esclaves l'en arrachassent pour le frotter d'huile ; mais lui, il traçait des figures géométriques sur son corps ainsi frotté. » <note 183 p.523>
Le Comte de LAUTRÉAMONT / Les chants de Maldoror (1869) / GF 528 - Flammarion 1990
« Ô mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées, depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon coeur, comme une onde rafraîchissante. J'aspirais instinctivement, dès le berceau, à boire à votre source, plus ancienne que le soleil, et je continue encore de fouler le parvis sacré de votre temple solennel, moi, le plus fidèle de vos initiés. Il y avait du vague dans mon esprit, un je ne sais quoi épais comme de la fumée ; mais, je sus franchir religieusement les degrés qui mènent à votre autel, et vous avez chassé ce voile obscur, comme le vent chasse le damier. Vous avez mis, à la place, une froideur excessive, une prudence consommée et une logique implacable. À l'aide de votre lait fortifiant, mon intelligence s'est rapidement développée, et a pris des proportions immenses, au milieu de cette clarté ravissante dont vous faites présent, avec prodigalité, à ceux qui vous aiment d'un sincère amour. Arithmétique ! algèbre ! géométrie ! trinité grandiose ! triangle lumineux ! Celui qui ne vous a pas connues est un insensé ! Il mériterait l'épreuve des plus grands supplices ; car, il y a du mépris aveugle dans son insouciance ignorante ; mais, celui qui vous connaît et vous apprécie ne veut plus rien des biens de la terre ; se contente de vos jouissances magiques ; et, porté sur vos ailes sombres, ne désire plus que de s'élever, d'un vol léger, en construisant une hélice ascendante, vers la voûte sphérique des cieux. » <II 10 p.162>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Je cite l'exemple de Pascal qui combattait ses maux de tête avec des problème de géométrie. - Moi, dit Tristan Bernard, je combattait la géométrie en feignant d'avoir des maux de tête. » <17 juillet 1894 p.187>
Léon DAUDET / Souvenirs / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Il y avait des récalcitrants, par exemple l'excellent Lemoine, mathématicien et organisateur des soirées musicales qui portent sont nom. C'était un petit vieillard sautillant et instruit, rempli de calembours et de coq-à-l'âne. Ayant apprivoisé une chouette, il répétait volontiers : "rien n'est chouette comme l'idem." Cela n'était rien, mais ne s'était-il pas mis en tête de nous faire connaître son "point de Lemoine" qui se trouve, parait-il, dans le triangle ? A peine avait-il commencé, pour la dixième fois, sa démonstration, que Hecq s'écriait : "Allons bon, il y a un fou grimpé sur le toit de l'hôtel." Tous les yeux se dirigeaient de ce côté et le théorème était interrompu. Ou bien : "Avez-vous senti cette odeur de brûlé ? faisait Hecq, la mine inquiète. Il y a certainement le feu quelque part." Tout le monde cherchait aussitôt l'origine de ce problématique incendie. Jamais le bon Lemoine ne put parvenir à nous expliquer son point. » <p.252>
Sacha GUITRY /L'Esprit / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Rien n'est plus facile à apprendre que la géométrie pour peu qu'on en ait besoin. Quand on n'en a pas besoin, quand ça ne vous manque pas, c'est assommant. Je suis enchanté de ne pas avoir appris la géométrie et l'algèbre car ça ne pourrait me servir à rien. » <p.297>
ALAIN / 81 chapitres sur l'esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Ceux qui admirent que la nature se prête si bien aux vêtements du géomètre, méconnaissent deux choses. D'abord ils méconnaissent la souplesse et toutes les ressources de l'instrument mathématique, qui, par complication progressive, dessinera toujours mieux les rapports, orientera et mesurera mieux les forces, sans gauchir la ligne droite pour cela. C'est ce que n'ont pas bien saisi ceux qui remettent toujours les principes en questions, comme l'inertie ou mouvement uniforme, et autres hypothèses solides. Ce qui est aussi sot que si l'on voulait infléchir les trois axes pour inscrire un mouvement courbé, ou bien tordre l'équateur pour un bolide. Mais, comme disait bien Platon, c'est le droit qui est le juge du courbe, et le fini et achevé qui est juge de l'indéfini. Et ce sont les vieux nombres entiers qui portent le calcul différentiel. Par ces remarques, on voudra bien comprendre en quel sens toute loi est a priori quoique toute connaissance soit d'expérience. Mais, ici encore, n'oubliez pas de joindre fortement l'idée et la chose. La seconde méprise consiste à croire que la nature, hors des formes mathématiques, soit réellement quelque chose, et puisse dire oui ou non. Cette erreur vient de ce que nous appelons nature ce qui est une science à demi-faite déjà, déjà repoussée de nous à distance convenable. Car la perception du mouvement des étoiles, d'Orient en Occident, est une supposition déjà, et très raisonnable, mais qui ne s'accorde pas avec les retards du soleil et de la lune et les caprices des planètes. Et même les illusions sur le mouvement, comme on l'a vu, procèdent d'un jugement ferme, et d'une supposition que la nature n'a pas dictée ; nos erreurs sont toutes des pensées. La nature ne nous trompe pas ; elle ne dit rien ; elle n'est rien. » <p.1136>
Robert MUSIL / L'homme sans qualités / Editions du Seuil - Points 1956
« À celui qui a pris l'habitude d'expédier ses affaires avec la règle à calcul, il devient carrément impossible de prendre au sérieux la bonne moitié des affirmations humaines. Qu'est-ce donc qu'une règle à calcul ? Deux systèmes de chiffres et de graduations combinés avec une ingéniosité inouïe ; deux petits bâtons laqués de blanc glissant l'un dans l'autre, dont la coupe forme un trapèze aplati, à l'aide desquels on peut résoudre en un instant, sans gaspiller une seule pensée, les problèmes les plus compliqués ; un petit symbole qu'on porte dans sa poche intérieure et qu'on sent sur son coeur comme une barre blanche... Quand on possède une règle à calcul et que quelqu'un vient à vous avec de grands sentiments ou de grandes déclarations, on lui dit : Un instant, je vous prie, nous allons commencer par calculer les marges d'erreur et la valeur probable de tout cela ! » <T.1 p.46-47>
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Quand on prend les virages en ligne droite, c'est que ça ne tourne pas rond dans le carré de l'hypoténuse. » <p.15>
« L'infini ne peut guère conduire qu'à zéro et réciproquement. » <p.21>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Cet après-midi, suis entré par mégarde au Collège de France, dans une salle où le prof écrivait au tableau noir des formules de hautes mathématiques. Pendant une heure, j'ai regardé avec une stupeur admirative ce magicien qui ne cessa de faire surgir des signes merveilleux et, pour moi, parfaitement inintelligibles. Que nos besognes littéraires paraissent vulgaires à côté de cet exercice hallucinant qui supprime pratiquement la parole : le prof d'ailleurs n'y avait recours que pour faire les raccords. S'adonner à une activité inaccessible aux profanes, à une activité qui ne peut être suivie que par quelques-uns, qu'on peut compter sur les doigts, oh, c'est cela que j'aurais aimé faire, et non écrire des articles que le premier venu peut lire et mépriser. » <20 décembre 1962 p.135>
Jean-Marie GOURIO / Brèves de comptoir (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 2002
« Le one-man-show qui a le moins de succès, c'est prof de maths. » <p.1077>