« Ce système de la nécessité et de la fatalité a été inventé de nos jours par Leibniz, à ce qu'il dit, sous le nom de raison suffisante ; il est pourtant fort ancien : ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que souvent la plus petite cause produit les plus grands effets. ... Mais il me semble qu'on abuse étrangement de la vérité de ce principe. On en conclut qu'il n'y a si petit atome dont le mouvement n'ait influé dans l'arrangement actuel du monde entier ; qu'il n'y a si petit accident, soit parmi les hommes, soit parmi les animaux, qui ne soit un chaînon essentiel de la grande chaîne du destin. ... Tous les événements sont produits les uns par les autres, je l'avoue ; si le passé est accouché du présent, le présent accouche du futur ; tout a des pères, mais tout n'a pas toujours d'enfants. Il en est ici précisément comme d'un arbre généalogique : chaque maison remonte, comme on sait, à Adam, mais dans la famille il y a bien des gens qui sont morts sans laisser de postérité. » <p.103-104>
Georg Christoph LICHTENBERG / Le miroir de l'âme / Domaine romantique José Corti 1997
« Nous devons croire que tout a une cause, comme l'araignée tisse sa toile afin d'attraper des mouches, et le fait bien avant de savoir qu'en ce monde il existe des mouches. » <H 25 p.369>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Ce n'est pas parce qu'il y a une rose sur le rosier que l'oiseau s'y pose : c'est parce qu'il y a des pucerons. » <9 juin 1897 p.326>
« Nous ne pouvons inférer les événements de l'avenir des événements présents. La croyance au rapport de cause à effet est la superstition. » <5.1361 p.109>
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Quand on dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets, on ne dit rien. Car les mêmes choses ne se reproduisent jamais - et d'ailleurs on ne peut jamais connaître toutes les causes. » <Philosophie p.649>
« Cause - Si l'on dit que le coup de mer a ruiné une jetée. Tout ici est homo - Coup - et l'emploi du verbe actif comme l'idée de ruine ou de désordre - qui est relative à notre ordre. Et l'on néglige la modification réciproque de la mer. On ne dit pas : la jetée a vomi ses pierres sur la mer, a transformé, dissipé, l'énergie de la lame. Mais quoi qu'on fasse, c'est toujours un homme qui observe. » <Philosophie p.673>
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954
« La science, il est vrai, ne progresse qu'en remplaçant partout le pourquoi par le comment ; mais, si reculé qu'il soit, un point reste toujours où les deux interrogations se rejoignent et se confondent. Obtenir l'homme... des milliards de siècles n'y auraient pu suffire, par la seule contribution du hasard. Si antifinaliste que l'on soit, que l'on puisse être, on se heurte là à de l'inadmissible, à de l'impensable ; et l'esprit ne peut s'en tirer qu'il n'admette une propension, une pente, qui favorise le tâtonnant, confus et inconscient acheminement de la matière vers la vie, vers la conscience ; puis, à travers l'homme, vers Dieu. » <8 juin 1942 p.123>
Robert MUSIL / L'homme sans qualités / Editions du Seuil - Points 1956
Le Principe de Raison Insuffisante !
« Étant philosophe, vous devez savoir ce que l'on entend par principe de raison suffisante. Malheureusement, pour tout ce qui le concerne directement, l'homme y fait toujours exception ; dans notre vie réelle, je veux dire notre vie personnelle, comme dans notre vie historique et publique, ne se produit jamais que ce qui n'a pas de raison valable. » <T 1 p.168>