ARISTOTE / Éthique de Nicomaque / GF 43 Flammarion 1992
L'habitude, cause essentielle de la vertu.
« Quant aux vertus, nous les acquérons d'abord par l'exercice, comme il arrive également dans les arts et les métiers. Ce que nous devons exécuter après une étude préalable, nous l'apprenons par la pratique ; par exemple, c'est en bâtissant que l'on devient architecte, en jouant de la cithare que l'on devient citharède. De même, c'est à force de pratiquer la justice, la tempérance et le courage que nous devenons justes, tempérants et courageux. » <II 1 p.52>
Conception sociale du vice et de la vertu :
« Qu'est-ce que vertu ? Bienfaisance envers le prochain. [...] Mais quoi ! n'admettra-t-on de vertus que celles qui sont utiles au prochain ? Eh ! comment puis-je en admettre d'autres ? Nous vivons en société ; il n'y a donc de véritablement bon pour nous que ce qui fait le bien de la société. » <p.413>
« Quelques théologiens disent que le divin empereur Antonin n'était pas vertueux ; que c'était un stoïcien entêté, qui, non content de commander aux hommes, voulait encore être estimé d'eux ; qu'il rapportait à lui-même le bien qu'il faisait au genre humain ; qu'il fut toute sa vie juste, laborieux, bienfaisant, par vanité, et qu'il ne fit que tromper les hommes par ses vertus ; je m'écrie alors : "Mon Dieu, donnez-nous souvent de pareils fripons !" » <p.414>
Jonathan SWIFT / Pensées sur divers sujets loraux et divertissants / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1965
« Les motifs des meilleures actions ne supporteraient pas une enquête rigoureuse. Il est reconnu que la cause de la plupart des actions, bonnes ou mauvaises, peut se ramener à l'amour de nous-mêmes. Mais l'amour de soi porte certains hommes à plaire aux autres et l'amour de soi en pousse d'autres à ne plaire qu'à eux-mêmes. Et c'est là la grande distinction entre la vertu et le vice. » <p.576>
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« La fortune fait paraître nos vertus et nos vices, comme la lumière fait paraître les objets. » <M 380 p.90>
« L'intérêt que l'on accuse de tous nos crimes mérite souvent d'être loué de nos bonnes actions. » <M 305 p.76>
« On a fait une vertu de la modération pour borner l'ambition des grands hommes, et pour consoler les gens médiocres de leur peu de fortune, et de leur peu de mérite. » <M 308 p.76>
Cardinal de RETZ / La Conjuration du comte de Fiesque / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1984
« Les scrupules et la grandeur ont été de tout temps incompatibles, et ces maximes faibles d'une prudence ordinaire sont plus propres à débiter à l'école du peuple qu'à celle des grands seigneurs. Le crime d'usurper une couronne est si illustre qu'il peut passer pour une vertu ; chaque condition des hommes a sa réputation particulière : l'on doit estimer les petits par la modération, et les grands par l'ambition et par le courage. Un misérable pirate qui s'amusait à prendre de petites barques du temps d'Alexandre passa pour un infâme voleur, et ce grand conquérant qui ravissait les royaumes entiers est encore honoré comme un héros ; » <p.25-26>
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« S'il est ordinaire d'être vivement touché des choses rares, pourquoi le sommes-nous si peu de la vertu. » <II 20 p.97>
MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« La grande règle est de chercher à plaire autant qu'on le peut faire sans intéresser sa probité : car il est de l'utilité publique que les hommes aient du crédit et de l'ascendant sur l'esprit les uns des autres : chose à laquelle on ne parviendra jamais par une humeur austère et farouche. Et telle est la disposition des choses et des esprits dans une nation polie qu'un homme, quelque vertueux qu'il fût, s'il n'avoit dans l'esprit que de la rudesse, seroit presque incapable de tout bien et ne pourroit qu'en très peu d'occasions mettre sa vertu en pratique. » <619 p.1145>
« On parle beaucoup de l'expérience de la vieillesse. La vieillesse nous ôte les sottises et les vices de la jeunesse ; mais elle ne nous donne rien. » <1210 p.1303>
LA BEAUMELLE / Mes pensées ou Le qu'en dira-t-on (1752) / Droz 1997
« Pourquoi les femmes vertueuses ont-elles toujours moins d'esprit que celles qui ne le sont pas ? » <CCXXX p.128>
Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS / Le Barbier de Séville (1775) / OEuvres complètes / Firmin-Didot 1865
« Aux vertus qu'on exige dans un domestique, votre excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ? » <Acte I scène ii p.78>
Paul Henri Dietrich baron d'HOLBACH / La Morale universelle (I) / Amsterdam M.-M. Rey 1776 [BnF cote 1070]
« Les hommes ne sont vicieux, que parce qu'ils ne pensent qu'au présent. » <III ix p.334>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Les philosophes reconnaissent quatre vertus principales dont ils font dériver toutes les autres. Ces vertus sont la justice, la tempérance, la force et la prudence. On peut dire que cette dernière renferme les deux premières, la justice et la tempérance, et qu'elle supplée, en quelque sorte, à la force, en sauvant à l'homme qui en a le malheur d'en manquer, une grande partie des occasions où elle est nécessaire. » <292 p.119>
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PÉRIGORD / La confession de Talleyrand [Ana] / Paris, L.Sauvaitre 1891 [BnF]
« Il faut se garder des premiers mouvements, parce qu'ils sont presque toujours honnêtes. » <p.17>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Avoir de la vertu, c'est savoir bien faire sans que l'inclination nous y porte et s'abstenir de faire mal quoique la passion nous y pousse. » <4 octobre 1799 t.1 p.306>
« Il faut se défier des prudes et de leur haine bavarde contre le vice. Si ce pauvre vice, traqué, soumis, ne sachant où se cacher, se jette étourdiment dans le coeur de ces prudes qui lui ont fait une si rude guerre, il est étonné d'y trouver un asile sûr. - En effet, elles ont dépensé tout leur colère et tout leur fiel contre le vice d'autrui. » <juillet 1844 p.192>
Alphonse KARR / Encore les femmes / M. Lévy frères 1858
« Une vertu qui ne désespérerait personne, croirait ne pas avoir fait ses frais. » <p.284>
Gustave LE BON / Aphorismes du temps présent (1913) / Paris, Les amis de G. Le Bon 1978 [BnF]
« Une vertu pratiquée sans effort est une qualité, non une vertu. » <p.201>
Friedrich NIETZSCHE / Humain, trop humain. (1878-1879) / OEuvres I / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Le succès sanctifie les intentions. - Il ne faut point craindre de suivre le chemin qui mène à une vertu, lors même que l'on s'apercevrait que l'égoïsme seul, - par conséquent l'utilité et le bien-être personnels, la crainte, les considérations de santé, de réputation et de gloire, sont les motifs qui y poussent. On dit que ces motifs sont vils et intéressés : mais s'ils nous incitent à une vertu, par exemple le renoncement, la fidélité au devoir, l'ordre, l'économie, la mesure et la modération, il faut les écouter, quelle que soit la façon dont on les qualifie. Car, lorsque l'on a atteint ce à quoi ils tendent, la vertu atteinte ennoblit à tout jamais les motifs lointains de nos actes grâce à l'air pur qu'elle fait respirer et au bien-être moral qu'elle communique, et, plus tard nous n'accomplissons plus ces mêmes actes pour les mêmes motifs grossiers qui autrefois nous y incitaient. » <91 p.732>
Friedrich NIETZSCHE / Par-delà le bien et le mal (1886) / OEuvres II / Robert Laffont - Bouquins 1990
« On n'est jamais si bien puni que pour ses vertus. » <132 p.622>
« Il est inhumain de bénir qui nous maudit. » <181 p.629>
Henry MARET / Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903 [BnF]
« Pourquoi y a-t-il tant de joies dans l'adultère ? Parce qu'on le défend. Pourquoi n'y en a-t-il aucune dans la fidélité ? Parce qu'on l'ordonne. Remarquez aussi qu'on est ridicule et par conséquent méprisé, quand on observe une loi quelconque, tandis que ceux qui la violent, depuis le monsieur qui mange du boudin le vendredi-saint, jusqu'à celui qui porte le trouble au sein des ménages, jouissent d'une considération toute particulière. C'est au point qu'on se demande parfois si les conducteurs d'hommes ont été aussi bêtes qu'ils le paraissent, et si les vertus n'ont pas été inventées tout exprès pour rendre le vice plus agréable. » <p.213>
« La fidélité, une vive démangeaison avec défense de se gratter. » <p.182>
Jacques DUTRONC / Pensées et répliques / Le cherche midi éditeur 2000
« La fidélité ? Il ne faut pas oublier que le mariage a été institué à une époque où l'espérance de vie ne dépassait pas trente ans. » <p.76>
Benjamin FRANKLIN / Mélanges de Morale, d'Économie et de Politique (t.1) / Paris, J.Renouard 1826 [BnF]
« Comme dit le bonhomme Richard, les femmes, le vin, le jeu et la mauvaise foi diminuent la fortune et augmentent les besoins. Il en coûte plus cher pour entretenir un vice, que pour élever deux enfants. » <La science du bonhomme Richard, 1757 p.137>
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« Franklin qui ne passe pas pour avoir inventé grand'chose, ni le paratonnerre, a écrit qu'un vice coûte plus cher que deux enfants. Et une vertu, donc ! » <154 p.180>
« Ces gens qui prétendent que ce qui les perdit, c'est d'être bons... Sans doute : mais à quoi ? » <146 p.179>
Jean-Louis-Auguste COMMERSON / Pensées d'un Emballeur (1) / Martinon 1851
« Il y a des gens qui mettent toujours leur vertu sur la tapis ; aussi c'est la première chose qu'ils foulent aux pieds. » <p.69>
« Le moins coûteux de tous les vices, c'est l'ingratitude. » <p.91>
« Si l'enfer n'est pavé que de bonnes intentions, quel est donc l'endroit du globe où l'on ne piétine que sur les mauvaises ? » <p.89>
Paul MASSON / Pensées d'un Yoghi / Paris, L.Vanier 1896 [BnF]
« Il est sage de canaliser ses vices, mais il ne faut pas trop s'attarder dans les biefs. » <29 - p.8>
Jerome K. JEROME / Arrière-pensées d'un paresseux (1898) / Arléa 1998
« N'avons-nous pas oublié le sens du mot "vertu" ? Jadis elle représentait tout ce qu'un homme avait de bon, sans tenir compte de ce qu'il pouvait avoir aussi de mauvais, à l'instar de l'ivraie dans le bon grain. Or, nous avons aboli la vertu pour lui substituer les vertus. Notre idéal moderne, ce n'est plus le héros - il avait vraiment trop de défauts - mais le sous-fifre qui n'a rien à se reprocher ; ce n'est plus l'homme qui fait du bien, mais celui qu'on ne prend pas en train de faire du mal. Conformément à cette nouvelle théorie, l'être le plus vertueux dans l'état de nature doit être l'huître. Elle est toujours à la maison, toujours sobre. Elle ne fait pas de bruit. Elle n'a jamais maille à partir avec la police. Je ne crois pas qu'il lui arrive jamais d'enfreindre un seul des Dix Commandements. Elle ne s'amuse jamais et elle ne donne jamais, de son vivant, un seul instant de plaisir à aucune autre créature. » <p.56>
Georges DARIEN / La Belle France (1900) / Voleurs ! / Omnibus Presses de la Cité 1994
« Il n'y a rien de plus touchant que la bienveillance et la compassion dont les Pauvres font preuve les uns envers les autres ; que l'aide qu'ils s'apportent entre eux ; que leur esprit de sacrifice ; que leur amour du travail ; que l'instinct sûr qui leur fait comprendre l'utilité de la résignation et la nécessité de la souffrance ; que leur simple et profonde honnêteté. Ce sont là des vertus, ou je ne m'y connais pas. Sans ces vertus, l'existence des Pauvres telle qu'elle est serait vraiment impossible. Les bourgeois ne l'ignorent pas. Bien qu'ils n'aient pas l'habitude d'en faire usage pour eux-mêmes, ils savent quelle est la valeur de ces vertus et tout le parti qu'on en peut tirer lorsqu'elles sont mises en pratique par d'autres. » <p.1234>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Nos vertus, nous les devons à l'impuissance où nous sommes d'avoir des vices. » <28 février 1901 p.504>
« Rien n'apprend mieux à généraliser que d'avoir quelques vices. » <25 août 1902 p.611>
Paul LÉAUTAUD / Passe-temps / OEuvres / Mercure de France 1988
« Quand je dis que les gens qui ne sont pas irréprochables valent souvent mieux que les autres, c'est que j'en ai fait l'expérience. La notion absolue du devoir rend les gens secs, étroits, bornés, finit par faire d'eux des mécaniques détestables. Un coquin est souvent un homme supérieur, mal à l'aise au milieu de nos préjugés. » <p.138>
Alexandre VIALATTE / Chroniques de La Montagne (1) / Robert Laffont - Bouquins 2000
« Faut-il que la vertu soit mal représentée et que sa propagande soit mal faite pour qu'elle arrive à dégoûter les jeunes démons quand elle fascine tant les vieux diables ! » <23 - 12 mai 1953 p.55>
« Il ne suffit pas d'être sublime, il faut encore empêcher que ça se remarque. La gentillesse est le tour de force qui fait pardonner la vertu. » <101- 23 novembre 1954 p.232>
Emil CIORAN / Syllogismes de l'amertume (1952) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Pour manier les hommes, il faut pratiquer leurs vices et en rajouter. Voyez les papes : tant qu'ils forniquaient, s'adonnaient à l'inceste et assassinaient, ils dominaient le siècle ; et l'Église était toute-puissante. Depuis qu'ils en respectent les préceptes, ils ne font que déchoir : l'abstinence, comme la modération, leur aura été fatale ; devenus respectables, plus personne ne les craint. Crépuscule édifiant d'une institution. » <p.771>
Emil CIORAN / De l'inconvénient d'être né (1973) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Il est plus aisé d'avancer avec des vices qu'avec des vertus. Les vices, accommodants de nature, s'entraident, sont pleins d'indulgence les uns à l'égard des autres, alors que les vertus, jalouses, se combattent et s'annulent, et montrent en tout leur incompatibilité et leur intolérance. » <p.1285>
André COMTE-SPONVILLE / Petit traité des grandes vertus / PUF 1995
« C'est se tromper sur les vertus que de fonder leur valeur sur leur origine, comme de vouloir, au nom de cette origine, les invalider. Qu'elles viennent toutes de l'animalité, et donc du plus bas (du moins de ce qui nous paraît tel : il est clair que la matière et le vide, d'où tout vient, y compris l'animalité, n'ont ni haut ni bas nulle part), j'en suis personnellement persuadé. Mais c'est dire aussi qu'elles nous élèvent, et c'est pourquoi le contraire de toute vertu, sans doute, est une forme de bassesse. » <p.135>
Charles DANTZIG / Dictionnaire égoïste de la littérature française / Grasset 2005
« L'idéal, la pensée, l'indignation, bien sûr ; mais si l'on nous disait le nombre de chefs-d'oeuvre nés de la cupidité, ou de la jalousie, ou de l'ambition ! Le prodige du talent est qu'il transfigure ses mauvaises qualités. » <p.311>
Philippe BOUVARD / Maximes au minimum / Robert Laffont 1984
« Il y aurait moins de femmes vertueuses s'il y avait moins d'hommes avares... » <p.118>
« Une ambition à satisfaire est moins puissante qu'un vice à entretenir. » <p.119>
« Ni la bonté, ni l'indulgence, ni la solidarité ne sont des vertus naturelles. » <p.11>
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« Que les chiens soient interdits de paradis tendrait à prouver que la fidélité n'est pas considérée comme une vertu cardinale. » <p.131>