Henry D. THOREAU / Walden ou la vie dans les bois (1854) / collection bilingue Aubier 1967
« Les rois et les reines qui ne portent leurs vêtements qu'une fois, bien qu'ils soient faits par un tailleur ou une couturière à la mesure de leurs majestés, ne connaissent pas le plaisir de porter un vêtement qui leur va. Ils ne sont que des porte-manteaux de bois sur lesquels on pend les vêtements propres. Chaque jour, nos vêtements épousent plus exactement notre personnalité, recevant la marque du caractère de celui qui les porte, si bien que nous hésitons à les laisser de côté, retardant le moment de le faire, leur administrant des soins médicaux et entourant leur départ de quelque solennité, comme nous le faisons pour notre corps. Nul homme n'a jamais baissé dans mon estime parce qu'il avait un habit rapiécé ; cependant je suis sûr que la plupart des gens désirent bien plus avoir des vêtements à la mode, ou du moins propres et sans raccommodages, que d'avoir la conscience nette. » <p.99>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Armure n. Sorte d'habit porté par un homme dont le tailleur est un forgeron. » <p.21>
Maurice DONNAY / L'esprit de Maurice Donnay / nrf Gallimard 1926
« Ce petit complet est d'une couleur choquante, il va mal, c'est de la confection. Plus vous irez, plus vous devrez vous rapprocher de la façon impeccable dont ils s'habillent en Angleterre. J'espère même que, dans très peu de temps, vous serez tout à fait ridicule. Mais en pareille matière, il ne faut pas craindre d'être ridicule et rappelez-vous ce mot bien français du jeune duc de Fonteney : "Ça m'est égal d'avoir l'air bête, pourvu que j'ai le chic anglais." » <Théâtre - Éducation de Prince p.35>
Paul LÉAUTAUD / Le théâtre de Maurice Boissard / OEuvres / Mercure de France 1988
« J'ai connu dans le temps, quand j'étais jeune, un jeune Chinois à qui je donnais quelques leçons de français. C'était un garçon fort élégant, depuis peu à Paris, et qui habitait place de la Madeleine. Comme je m'étonnais un jour de le voir toujours habillé à l'européenne, sa natte soigneusement cachée sous son vêtement, et lui demandais pourquoi il délaissait ainsi son costume national, il m'en donna la raison. "J'étais trop remarqué, me dit-il. Le soir, quand je me promenais sur le boulevard, toutes les femmes me tiraient la queue." » <1 juillet 1911, p.945>
Louis-Ferdinand CÉLINE / Voyage au bout de la nuit (1932) / Romans (1) / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1997
« Pendant qu'il parlait prudent et préliminaire, j'essayais de me représenter tout ce qu'il exécutait chaque jour ce curé pour gagner ses calories, des tas de grimaces et des promesses encore, dans le genre des miennes... Et puis je me l'imaginais pour m'amuser, tout nu devant son autel... C'est ainsi qu'il faut s'habituer à transposer dès le premier abord les hommes qui viennent vous rendre visite, on les comprend bien plus vite après ça, on discerne tout de suite dans n'importe quel personnage sa réalité d'énorme et d'avide asticot. C'est un bon truc d'imagination. Son sale prestige se dissipe, s'évapore. Tout nu, il ne reste plus devant vous en somme qu'une pauvre besace prétentieuse et vantarde qui s'évertue à bafouiller futilement dans un genre ou dans un autre. Rien ne résiste à cette épreuve. On s'y retrouve instantanément. Il ne reste plus que les idées, et les idées ne font jamais peur. Avec elles, rien n'est perdu, tout s'arrange. Tandis que c'est parfois difficile à supporter le prestige d'un homme habillé. Il garde des sales odeurs et des mystères plein ses habits. » <p.336>