Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Le peuple dit que, dans la maladie, la santé se repose. » <17 décembre 1804 t.1 p.659>
Gustave FLAUBERT / Dictionnaire des idées reçues / Bouvard et Pécuchet / Garnier-Flammarion 1966
« MALADE. - Pour remonter le moral d'un malade, rire de son affection et nier ses souffrances. » <p.367>
Léon DAUDET / Souvenirs / Robert Laffont - Bouquins 1992
La syphilis comme moyen d'explication :
« Le microbe du terrible mal, le tréponème, puisqu'il faut l'appeler par son nom, est aussi bien le fouet du génie et du talent, de l'héroïsme et de l'esprit, que de celui de la paralysie générale, du tabès et de presque toutes les dégénérescences. Tantôt excitant et stimulant, tantôt engourdissant et paralysant, forant et travaillant les cellules de la moelle, de même que celles du cerveau, maître des congestions, des manies, des hémorragies, des grandes découvertes et des scléroses, le tréponème héréditaire, renforcé par les croisements entre familles syphilitiques, a joué, joue et jouera un rôle comparable à celui du fatum de l'Antiquité. Il est le personnage, invisible mais présent, qui meut les romantiques et les déséquilibrés, les aberrants d'aspect sublime, les révolutionnaires pédants ou violents. Il est le ferment qui fait lever la pâte un peu lourde du sang paysan et l'affine en deux générations. Du fils d'une bonne il fait un grand poète, d'un petit-bourgeois paisible un satyre, d'un commerçant un métaphysicien, d'un marin un astronome ou un conquérant. Une époque telle que le XVIe siècle, avec ses splendeurs et ses turpitudes, sa bravoure, sa frénésie amoureuse, son expansion formidable, apparaît à l'observateur averti ainsi qu'une incursion du tréponème dans l'élite comme dans les masses populaires, ainsi qu'une sarabande d'hérédos. Dès la première ligne de sa fameuse dédicace, Rabelais avait vu juste, et lui-même sûrement en était, avec son verbe fulgurant, sa perpétuelle levée d'images forcenées et brillantes. La plupart des dégénérescences, la majorité des méfaits attribués à l'alcoolisme sont imputables à ce spirille, d'une agilité, d'une ductilité, d'une pénétration, d'une congénitalité, si l'on peut dire, encore mystérieux, autant que le "quel monstre est-ce", de la goutte de semence "de quoy nous sommes produits" à laquelle Montaigne fait allusion dans sa Ressemblance des enfants aux pères. Analogue pour l'élan et l'acrobatisme au propagateur de la vie, associé à lui dans mainte conception par la transmission héréditaire, le tréponème propage à la fois l'intensité dramatique de la vie, la stérilité qui est son contraire et les plus durs fléaux. Il est un daimôn matériel avec qui l'esprit doit compter, une vrille physique le moral et le factotum de l'instinct sexuel. Avant qu'il soit longtemps, je vous jure, cette notion en bouleversera beaucoup d'autres et fera un massacre de poncifs. » <p.174-175>
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Citation, page 72, d'un mot du Prince Edmond de PoIignac : "Un tel ? Il ne peut pas être intelligent, il n'est pas malade." Cela a l'air de boutade. Il y a une part de vrai. Il est bien certain qu'un certain état maladif, chez un homme intelligent, produit un affinement (voilà que je ne sais plus si ce mot est français) de l'intelligence, l'amène à des pensées, des sensations qu'il n'aurait peut-être pas sans cet état maladif. La songerie acquiert des prolongements, des profondeurs. On peut en citer un exemple avec Marcel Schwob. Cet état peut créer comme une finesse de tout l'individu, une finesse morale, en même temps que donner une certaine destruction physique. L'homme de grande santé, sans généraliser, est plus porté à la vulgarité physique et à quelque chose de commun dans les idées. » <10 janvier 1923 I p.1276>
« Il est à remarquer, ce n'est pas la première fois que je le vois, que tous les gens qui parlent d'une opération quelconque, pour eux ou pour des proches, cette opération a toujours été faite par le "premier chirurgien de Paris" ou par le "premier spécialiste". » <21 mai 1931 II p.736>
« On est bien portant. On voit des malades. On les sait perdus. On les veut tromper, tenir dans l'illusion, par de bonnes paroles, et y croire. On est malade à son tour, et on se laisse tromper et tenir dans l'illusion comme les autres. » <27 décembre 1932 II p.1166>
Sacha GUITRY / La maladie / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993
« Si vous êtes malade, ne le soyez pas trop longtemps. Tâchez de ne pas dépasser les 21 jours réglementaires, car, vous ne pouvez pas l'ignorer, la patience des meilleurs amis est assez courte et vous auriez vite l'impression d'être délaissé. » <p.544>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« La peste soit de ces gens devant lesquels on ne peut pas renifler sans qu'aussitôt ils vous demandent : "Vous êtes enrhumé ?". » <2 octobre 1926 p.826>
« Je n'ai jamais rencontré quelqu'un de ceux qui se vantent de n'avoir jamais été malades, qui ne soit, par quelque côté, un peu sot ; comme ceux qui n'ont jamais voyagé ; et je me souviens que Charles-Louis Philippe appelait fort joliment les maladies : les voyages du pauvre. Ceux qui n'ont jamais été malades sont incapables de vraie sympathie pour une quantité de misères. » <25 juillet 1930 p.998>
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Le travail est loin d'être toujours conscient. Ainsi même physiquement les moindres mouvements - les sensations ordinaires - le simple fait de vivre entraîne dépense d'énergie, mais on ne la perçoit pas. Mais dès que malade alors cela apparaît. Psychologiquement la maladie est un accroissement de sensibilité à l'égard des dépenses d'énergie. » <Psychologie p.883>
Emil CIORAN / Le livre des leurres (1936) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Un malade est supérieur à l'homme en bonne santé. Et pourtant chaque homme sain se sent supérieur au malade. Depuis qu'il y a monde, l'homme en bonne santé ressent la maladie de l'autre comme une flatterie. C'est une sorte de garantie secrète que lui donne la nature et dont il est fier, sans le dire. Les sentiments les plus ordinaires naissent du contact des hommes malades avec les autres. Faire la psychologie de ces relations signifierait écrire la justification définitive du dégoût. » <p.236>
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« Je me suis souvent demandé et me le demande souvent encore ce qui peut bien différencier une mauvaise bronchite d'une bonne. » <p.79>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Les maladies : on croit toujours qu'on va en guérir, ou en mourir ; alors que ce qui arrive, c'est autre chose : on vit, et on vieillit avec. » <14 septembre 1971, p.588>
Antonio R. DAMASIO / L'erreur de Descartes - La raison des émotions / Ed Odile Jacob 1995
« La distinction entre maladies du "cerveau" et maladies "mentales", entre problèmes "neurologiques" et "psychologiques", relève d' un héritage culturel malheureux qui imprègne toute la société, en général, et la médecine, en particulier. Elle reflète une méconnaissance fondamentale des rapports entre le cerveau et l' esprit. Dans le cadre de cette tradition, on estime que les maladies du cerveau sont des affections dont on ne peut blâmer ceux qui en sont atteints, tandis que les maladies psychologiques, et surtout celles qui touchent à la façon de se conduire et aux réactions émotionnelles, sont des troubles de la relation interpersonnelle, dans lesquels les malades ont une grande part de responsabilité. Dans ce contexte, il est courant de reprocher aux individus leurs défauts de caractère, le déséquilibre de leurs réactions émotionnelles, et ainsi de suite ; le manque de volonté est considéré comme la source primordiale de tous leurs problèmes. » <p.64>
Jean DUTOURD / Dutouriana / Plon 2002
« La santé, comme l'argent, est un moyen, non une fin. » <p.80>