« Un citoyen de Londres me disait un jour : "C'est la nécessité qui fait lois, et la force les fait observer." Je lui demandai si la force ne faisait pas aussi quelquefois des lois, et si Guillaume le Bâtard et le Conquérant ne leur avait pas donné des ordres sans faire de marché avec eux. "Oui, dit-il, nous étions des boeufs alors ; Guillaume nous mit un joug, et nous fit marcher à coups d'aiguillon ; nous avons depuis été changés en hommes, mais les cornes nous sont restées, et nous frappons quiconque veut nous faire labourer pour lui, et non pas pour nous." » <p.285>
« Il n'y a aucun bon code dans aucun pays. La raison en est évidente ; les lois ont été faites à mesure, selon les temps, les lieux, les besoins, etc. Quand les besoins ont changé, les lois qui sont demeurées sont devenues ridicules. Ainsi la loi qui défendait de manger du porc et de boire du vin était très raisonnable en Arabie, où le porc et le vin sont pernicieux ; elle est absurde à Constantinople. » <p.288>
« À la honte des hommes, on sait que les lois du jeu sont les seules qui soient partout justes, claires, inviolables et exécutées. Pourquoi l'Indien qui a donné les règles du jeu d'échecs est-il obéi de bon gré dans toute la terre, et que les décrétales des papes, par exemple, sont aujourd'hui un objet d'horreur et de mépris ? C'est que l'inventeur des échecs combina tout avec justesse pour la satisfaction des joueurs, et que les papes, dans leurs décrétales, n'eurent en vue que leur seul avantage. L'Indien voulut exercer également l'esprit des hommes et leur donner du plaisir ; les papes ont voulu abrutir l'esprit des hommes. » <p.289>
« Que les supplices des criminels soient utiles. Un homme pendu n'est bon à rien, et un homme condamné aux ouvrages publics sert encore la patrie et est une leçon vivante. » <p.290>
« Que toute loi soit claire, uniforme et précise : l'interpréter, c'est presque toujours la corrompre. » <p.290>
Henry MARET / Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903 [BnF]
« La loi ne doit pas être du fer, comme le pensent les niais, mais de caoutchouc. Elle doit toujours être interprétée libéralement. L'application stricte et universelle de la loi serait le plus abominable des despotismes et la plus grande des iniquités. » <p.210>
« Les lois sont comme les proverbes : on en trouve toujours une qui justifie la violation de l'autre. » <p.209>
VOLTAIRE / Traité de métaphysique / Mélanges / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1961
« La plupart des lois se contrarient si visiblement qu'il importe assez peu par quelles lois un État se gouverne ; mais ce qui importe beaucoup c'est que les lois une fois établies soient exécutées. Ainsi il n'est d'aucune conséquence qu'il y ait telles ou telles règles pour les jeux de dés et de cartes ; mais on ne pourra jouer un seul moment si l'on ne suit pas à la rigueur ces règles arbitraires dont on sera convenu. » <p.196>
Antoine de RIVAROL / Esprit de Rivarol [oeuvres diverses] / Paris 1808 [BnF cote Z-24383]
« Les hommes naissent nus et vivent habillés, comme ils naissent indépendants et vivent sous les lois. Les habits gênent un peu les mouvements du corps, mais ils le protègent contre les accidents du dehors : les lois gênent les passions, mais elles défendent l'honneur, la vie et les fortunes. » <Politique p.37>
Paul Henri Dietrich baron d'HOLBACH / La Morale universelle (I) / Amsterdam M.-M. Rey 1776 [BnF cote 1070]
« Si les lois sont justes, c'est-à-dire, conformes à l'utilité générale et au bien des êtres associés, elles les obligent tous également, et punissent très-justement ceux qui les violent. Punir quelqu'un, c'est lui causer du mal, c'est le priver des avantages dont il jouissait, et dont il aurait continué de jouir, s'il eût suivi les règles de la justice indiquées par la prudence de la société. » <II v p.139>
Paul Henri Dietrich baron d'HOLBACH / La Morale universelle (II) / Amsterdam M.-M. Rey 1776
« De l'aveu même des jurisconsultes, rien de plus injuste, et conséquemment de plus contraire à la Morale, que le droit, s'il était rigoureusement observé. L'homme qui n'est juste que conformément aux lois, peut être dépourvu de toute vertu sociale : à l'aide de ces lois, un fils attaquera très indécemment son père ; des époux se diffameront réciproquement ; des proches se dépouilleront sans pitié ; les débiteurs ruineront leurs créanciers ; des traitants s'approprieront la substance du pauvre ; des juges immoleront sans remords l'innocent ; et des hommes si pervers marcheront la tête levée au milieu de leurs concitoyens. » <IV iii p.82>
« La multiplicité des lois, souvent contradictoires, rend la jurisprudence incertaine, impénétrable, arbitraire pour ceux mêmes qui s'en occupent uniquement ; elle fait que les juges les plus intègres sont surpris à tout moment par des praticiens rusés, qui se font une gloire de triompher dans les causes les plus désespérées. En général, les gens de loi sont, chez presque tous les peuples, l'un des plus grands fléaux dont ils soient tourmentés. » <IV vi p.183>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Tout ce qui a des ailes est hors de l'atteinte des lois. » <t.1 p.136>
« Il faut une force physique pour maintenir une force morale, comme il faut un flacon pour contenir une liqueur spiritueuse. Donc, loi au droit et force à la loi. » <10 décembre 1813 t.2 p.419>
MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« La loi n'est pas un pur acte de puissance. Toute loi inutile est une loi tyrannique : comme celle qui obligeoit les Moscovites à se faire couper la barbe. Les choses indifférentes par leur nature ne sont pas du ressort de la Loi. Comme les hommes aiment passionnément à suivre leur volonté, la Loi qui la gêne est tyrannique, parce qu'elle gêne le bonheur public. » <1950 p.1473>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Il est plus facile de légaliser certaines choses que de les légitimer. » <134 p.78>
Benjamin CONSTANT / De l'esprit de conquête et de l'usurpation (1814) / GF 456 Flammarion 1986
« La bonté des lois est, osons le dire, une chose beaucoup moins importante, que l'esprit avec lequel une nation se soumet à ses lois et leur obéit. Si elle les chérit, si elle les observe, parce qu'elles lui paraissent émanées d'une source sainte, le don des générations dont elle révère les mânes, elles se rattachent intimement à sa moralité ; elles anoblissent son caractère ; et lors même qu'elles sont fautives, elles produisent plus de vertus et par là plus de bonheur que des lois meilleures, qui ne seraient appuyées que sur l'ordre de l'autorité. [...] Je n'excepte du respect pour le passé que ce qui est injuste. Le temps ne sanctionne pas l'injustice. L'esclavage, par exemple, ne se légitime par aucun laps de temps. C'est que dans ce qui est intrinsèquement injuste, il y a toujours une partie souffrante, qui ne peut en prendre l'habitude et pour laquelle en conséquence l'influence salutaire du passé n'existe pas. Ceux qui allèguent l'habitude en faveur de l'injustice ressemblent à cette cuisinière française, à qui l'on reprochait de faire souffrir des anguilles, en les écorchant. Elles y sont accoutumées, dit-elle. Il y a trente ans que je le fais. » <p.119>
Alexis de TOCQUEVILLE / De la Démocratie en Amérique I (1835) / Robert Laffont - Bouquins 1986
« La chose qu'un peuple change le moins après ses usages c'est sa législation civile. Les lois civiles ne sont familières qu'aux légistes, c'est-à-dire à ceux qui ont un intérêt direct à les maintenir telles qu'elles sont, bonnes ou mauvaises, par la raison qu'ils les savent. Le gros de la nation les connaît à peine ; il ne les voit agir que dans des cas particuliers, n'en saisit que difficilement la tendance, et s'y soumet sans y songer. » <Partie I, ch. 2, p.74>
Victor HUGO / Choses vues / Histoire / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1987
« Le législateur, en élaborant la loi, ne doit jamais perdre de vue l'abus qu'on peut en faire. » <p.950>
Henry D. THOREAU / Résistance au gouvernement civil (1848) / Désobéir / Bibliothèques 10/18 (2832) Éd. de L'Herne 1994
« Jamais la loi n'a rendu les hommes plus justes d'une seule once, mais, en raison du respect qu'ils lui portent, il arrive chaque jour que même des gens dotés des meilleures dispositions se fassent les agents de l'injustice. » <p.48>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (3) / Mercure de France 1923
« Les lois de portée sociale arrivent presque toujours trop tard, parce qu'elles représentent, au jour de leur promulgation, un état d'esprit déjà ancien. Chaque génération a son idée fixe : elle ne la réalise le plus souvent qu'à la veille de sa disparition, alors que d'autres hommes sont nés à l'action, qui ne comprennent plus rien à ce vieil idéal. Il n'y a rien de ridicule comme les utopies périmées. » <septembre 1904, p.322>
Georges COURTELINE / Théâtre / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1990
« [...] déterminé à vivre en parfait honnête homme, je m'applique à tourner la loi, partant à éviter ses griffes. Car j'ai aussi peur de la loi qui menace les gens de bien dans leur droit au grand air, que des institutions en usage qui les lèsent dans leurs patrimoines, dans leur dû et dans leur repos. » <L'article 330, p.171>
« La justice n'a rien à voir avec la loi, qui n'en est que la déformation, la charge et la parodie. Ce sont là deux demi-soeurs, qui, sorties de deux pères, se crachent à la figure en se traitant de bâtardes et vivent à couteaux tirés, tandis que les honnêtes gens, menacés de gendarmes, se tournent les pouces et le sang en attendant qu'elles se mettent d'accord. » <L'article 330, p.177>
Georges BERNANOS / Journal de la guerre d'Espagne / Essais et écrits de combats I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« [...] les avatars des économistes depuis la guerre prouvent assez que la loi, médiocrement efficace contre les bêtes de proie, ne peut absolument rien contre les insectes. » <Sept, 27 novembre 1936 p.1436>
Pierre DAC / Les Pensées / Le cherche midi éditeur 1972
« C'est ce qui divise les hommes qui multiplie leurs différents. » <p.45>
Philippe BOUVARD / Auto-psy d'un bon vivant Journal 2000-2003 / Le cherche midi éditeur 2003
« La loi punit désormais sévèrement le blanchiment d'argent sale : c'est la première fois qu'une démarche visant à la propreté constitue un délit. » <p.48>