Diogène LAËRCE / Vies et doctrines des philosophes illustres / La Pochothèque LdP 1999
« On raconte qu'au beau milieu d'un entretien avec Cratès, [Stilpon] courut acheter du poisson. À Cratès qui essayait de le retenir et qui disait : "Tu laisses tomber la discussion ?", Stilpon dit : "Moi, pas du tout ; la discussion je la garde, mais c'est toi que je laisse tomber ; car si la discussion, elle, peut attendre, le poisson, lui, va être vendu". » <II 119 Stilpon p.330>
Gédéon TALLEMANT DES RÉAUX / Historiettes (1) / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« La Reyne-mere disoit : "J'ayme tant Paris et tant Saint-Germain, que je voudrois avoir un pié à l'un et un pié à l'autre. - Et moy, dit Bassompierre, je voudrois donc estre à Nanterre." C'est à my-chemin. M. de Vendosme luy disoit en je ne sçay quelle rencontre : "Vous serez sans doute du party de M. de Guise, car vous baisez sa soeur de Conty ? - Cela n'y fait rien, répondit-il ; j'ay baisé toutes vos tantes, et je ne vous aymes pas plus pour cela." » <Le mareschal de Bassompierre, p.601>
« Sur le perron de Luxembourg, une dame de grande qualité, après luy avoir fait bien des complimens sur sa liberté, luy dit : "Mais vous voylà bien blanchy, Monsieur le Mareschal. - Madame, " luy respondit-il en franc crocheteur, "je suis comme les poireaux, la teste blanche et la queue verte." » <Le mareschal de Bassompierre, p.603>
LA ROCHEFOUCAULD / Maximes / Garnier 1967
« Une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens qui paraissent raisonnables et agréables dans la conversation, c'est qu'il n'y a presque personne qui ne pense plutôt à ce qu'il veut dire qu'à répondre précisément à ce qu'on lui dit. Les plus habiles et les plus complaisants se contentent de montrer seulement une mine attentive, au même temps que l'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement pour ce qu'on leur dit, et une précipitation pour retourner à ce qu'ils veulent dire ; au lieu de considérer que c'est un mauvais moyen de plaire aux autres ou de les persuader, que de chercher si fort à se plaire à soi-même, et que bien écouter et bien répondre est une des plus grandes perfections qu'on puisse avoir dans la conversation. » <M 139 p.37>
Abbé d'AILLY / Pensées diverses (1678) / Moralistes du XVIIe siècle / Robert Laffont - Bouquins 1992
« Le secret de plaire dans les conversations est de ne pas trop expliquer les choses, les dire à demi, et les laisser un peu deviner ; c'est une marque de la bonne opinion qu'on a des autres, et rien ne flatte tant leur amour-propre. » <57 p.268>
Chevalier de MÉRÉ / Maximes, sentences et réflexions morales et politiques / Paris, E. du Castin 1687 [BnF]
« Peu de gens sont exempts de dire des fadaises, et le malheur est qu'on les veut dire agréablement. » <334 p.147>
Jean de LA FONTAINE / Fables / La Pochothèque LdP 2000
« Il ne faut jamais dire aux gens : "Écoutez un bon mot, oyez une merveille." Savez-vous si les écoutants En feront une estime à la vôtre pareille ? » <Livre onzième, IX Les souris et le chat-huant p.666>
Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« L'esprit de la conversation consiste bien moins à en montrer beaucoup qu'à en faire trouver aux autres : celui qui sort de votre entretien content de soi et de son esprit, l'est de vous parfaitement. Les hommes n'aiment point à vous admirer, ils veulent plaire ; ils cherchent moins à être instruits, et même réjouis, qu'à être goûtés et applaudis ; et le plaisir le plus délicat est de faire celui d'autrui. » <p.155 V (16)>
« C'est une grande misère que de n'avoir pas assez d'esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire. Voilà le principe de toute impertinence. » <p.156 V (18)>
« Sans une grande roideur et une continuelle attention à toutes ses paroles, on est exposé à dire en moins d'une heure le oui et le non sur une même chose ou sur une même personne, déterminé seulement par un esprit de société et de commerce qui entraîne naturellement à ne pas contredire celui-ci et celui-là qui en parlent différemment. » <p.356 XIII (39)>
MONTESQUIEU / Mes pensées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1949
« Les inconvénients dans lesquels on a coutume de tomber dans les conversations sont sentis de presque tout le monde. Je dirai seulement que nous devons nous mettre dans l'esprit trois choses : La première, que nous parlons devant des gens qui ont de la vanité, tout comme nous, et que la leur souffre à mesure que la nôtre se satisfait ; La seconde, qu'il y a peu de vérités assez importantes pour qu'il vaille la peine de mortifier quelqu'un et le reprendre pour ne les avoir pas connues ; Et enfin, que tout homme qui s'empare de toutes les conversations est un sot ou un homme qui seroit heureux de l'être. » <626 p.1148>
CHAMFORT / Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes / Garnier-Flammarion 1968
« Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu'on sait par des gens qui les ignorent. » <261 p.106>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Le bavard est celui qui parle plus qu'il ne pense. Celui qui pense beaucoup et qui parle beaucoup ne passe point pour un bavard. » <1 décembre 1809 t.2 p.301>
« Écumer son esprit, l'écumer tous les jours. C'est une opération qui se fait à Paris facilement par la conversation, et qui se fait comme l'autre par une sorte d'ébullition que produit à coup sûr le commerce des gens d'esprit. Écumer son esprit, c'est épurer son goût. » <12 mai 1812 t.2 p.349>
« Un homme que l'on interrompt peut plaisanter, mais il ne lui devient plus possible de rien démontrer : le Socrate de Platon, qui ne permettait à aucun sophiste de parler autant qu'il le voulait, était lui-même à cause de cela un sophiste. En Angleterre, où l'on tolère encore les systèmes le verre à la main, un homme peut s'étendre comme une feuille de papier royal. En France, où l'esprit éclate en mille saillies, on doit être aussi laconique qu'un billet de visite. Le sage se tait cent fois devant les sots, parce qu'il a besoin de vingt-trois feuilles pour dire son opinion : les sots n'ont besoin que de quelques lignes ; leurs opinions ressemblent à des îles flottantes, et ne tiennent à rien, si ce n'est à leur vanité. » <p.45>
Lorédan LARCHEY / L'Esprit de tout le monde - Riposteurs (1893) / Berger-Levrault 1893
« C'était chez Mme A... Les diners sont des séances littéraires que la maitresse de maison préside ; on parle à son tour. Un jour que M. Jules Simon développait une théorie sociale, M. Renan ouvrit la bouche comme pour parler. Mme A... s'en aperçut et courut au-devant du scandale : "Tout à l'heure, nous serons bien heureux de vous entendre". M. Renan resta coi. Le service continua, et M. Jules Simon aussi. Enfin il cessa. - Je crois, Monsieur Renan, dit alors Mme A... que vous vouliez bien dire quelque chose ? - Oui, Madame, c'était tout à l'heure..., je voulais redemander des haricots ! » <p.241>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« L'art de plaire semble bien simple. Il consiste simplement en deux choses : ne point parler de soi aux autres et leur parler toujours d'eux-mêmes. » <4 mars 1860 p.540>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Dans une société, on reconnaît les gens élevés à une chose assez simple : ils vous parlent de ce qui vous intéresse. » <13 mai 1884 p.1073>
Alphonse KARR / Une poignée de vérités / M. Lévy frères 1866
« Je sais telle personne que j'ai vue tous les jours pendant douze ans, et qui, grâce à une charmante vivacité d'esprit, ne m'a jamais laissé terminer une phrase. - Les personnes de ce caractère croient qu'elles devinent aux premiers mots ce que vous voulez dire ; alors, sans attendre plus longtemps, elles vous coupent la parole, et répondent avec ardeur et véhémence à ce que vous n'avez ni dit, ni voulu dire, ni pensé. » <p.268>
Jean-Michel RIBES / Sursauts, brindilles et pétard / Grasset 2004
« Le supplice d'écouter jusqu'au bout une phrase que l'on a déjà comprise. » <p.118>
Oscar WILDE / Quelques maximes / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« Il ne faut jamais écouter. Écouter est une marque d'indifférence vis-à-vis de vos auditeurs. » <p.968>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« Quand au sceptique "pourquoi ?" le "parce que" crédule a répondu, la discussion est close. » <18 décembre 1889 p.15>
« Faire tous les frais de la conversation, c'est encore le meilleur moyen de ne pas s'apercevoir que les autres sont des imbéciles. » <1 avril 1890 p.48>
« Quand on commet une indiscrétion, l'on se croit quitte en recommandant à la personne d'être... plus discrète qu'on ne l'a été soi-même. » <21 avril 1890 p.50>
« Aujourd'hui on ne sait plus parler, parce qu'on ne sait plus écouter. Rien ne sert de parler bien : il faut parler vite, afin d'arriver avant la réponse, on n'arrive jamais. On peut dire n'importe quoi n'importe comment : c'est toujours coupé. La conversation est un jeu de sécateur, où chacun taille la voix du voisin aussitôt qu'elle pousse. » <29 janvier 1893 p.121>
« Il faut, pour soutenir une conversation en société, savoir une foule de choses inutiles. Il faut se tenir au courant. Je ne sais pas courir. Reste donc chez toi. » <20 février 1893 p.122>
« Chaque fois que je viens de parler un peu trop longtemps à quelqu'un, je suis comme un homme qui s'est grisé et qui, tout honteux, ne sait où se fourrer. » <7 décembre 1893 p.151>
« Je n'aime à parler qu'avec les gens plus grands que moi et dont la bouche me dépasse, parce qu'ainsi les odeurs montent. » <24 février 1895 p.208>
« À la fin d'une longue discussion, nous arrivâmes à conclure qu'au fond il n'y a rien de plus particulier qu'une idée générale. » <26 décembre 1893 p.153>
« - Comment vous portez-vous ? dis-je. - Oh ! je vais mieux. - Vous avez donc été malade ? Et voilà qu'il faut avoir l'air de s'intéresser à la santé d'une personne qui se porte bien, quand on serait à peine touché par la nouvelle de sa mort. » <15 novembre 1900 p.479>
« Les discussions les plus passionnées, il faudrait toujours les terminer par ces mots : "Et puis, nous allons bientôt mourir." » <17 novembre 1901 p.554>
« Il y a des gens qui retirent volontiers ce qu'ils ont dit, comme on retire une épée du ventre de son adversaire. » <11 décembre 1901 p.560>
« Quand un homme ne parle que de ce qu'il sait, il a toujours l'air plus savant que nous. » <22 juillet 1903 p.659>
Oscar WILDE / Intentions / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1996
« La conversation doit tout aborder mais ne rien approfondir. » <p.862>
Eugène MARBEAU / Remarques et pensées / Paris Ollendorf 1901 [BnF]
« Dire du mal de soi est le seul moyen de parler de soi sans ennuyer les autres. » <p.139>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Conversation n. Foire où chacun propose ses petits articles mentaux, chaque exposant étant trop préoccupé par l'arrangement de ses propres marchandises pour s'intéresser à celles de ses voisins. » <p.61>
« Raseur n. Personne qui vous parle quand vous souhaitez qu'elle écoute. » <p.234>
Maurice DONNAY / L'esprit de Maurice Donnay / nrf Gallimard 1926
« L'homme aimable est celui qui écoute en souriant les choses qu'il sait dites par quelqu'un qui les ignore. » <p.109>
« La facilité d'expression est l'art d'envelopper de bonne grâce l'ignorance où l'on est des choses dont on parle. » <p.109>
Paul VALÉRY / Tel Quel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« On parle bien plus volontiers de ce qu'on ignore. Car c'est à quoi l'on pense. Le travail de l'esprit se porte là, et ne peut se porter que là. » <p.643>
Paul VALÉRY / Monsieur Teste / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Quand il parlait, il ne levait jamais un bras ni un doigt : il avait tué la marionnette. » <p.17>
André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Le meilleur moyen pour amener autrui à "partager" votre conviction, n'est pas toujours de proclamer celle-ci. » <2 octobre 1927 p.850>
« Il faut en prendre son parti : plutôt que de demeurer renfrogné, consentir à débiter quelques banalités, quelques bêtises. Et puis cela met l'autre à son aise. » <8 novembre 1927 p.860>
ALAIN / 81 chapitres sur l'esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Il y a une forte raison de ne pas dire au premier arrivant ce qui vient à l'esprit, c'est qu'on ne le pense point ; aussi n'y a-t-il rien de plus trompeur que cette sincérité de premier mouvement. Il faut plus de précautions dans le jeu des paroles, d'où dépend souvent l'avenir des autres et de soi. Il n'y a rien de plus commun que de s'obstiner sur ce que l'on a dit par fantaisie ; mais quand on saurait pardonner à soi-même, et, mieux encore faire oublier ce qui fut mal dit et mal pensé, on ne saurait toujours pas l'effacer dans la mémoire de l'autre ; car on dit trop que les hommes croient aisément ce qui les flatte ; mais je dirais bien qu'ils croient plus aisément encore ce qui les blesse. » <p.1226>
Emil CIORAN / Écartèlement (1979) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« La conversation n'est féconde qu'entre esprits attachés à consolider leurs perplexités. » <p.1494>
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« Si on ne dit pas ce qu'on pense au moment où on le pense, on ne pensera plus ce qu'on dit au moment où on le dira. » <p.80>
Sacha GUITRY / Mémoires d'un tricheur / Théâtre & Mémoires d'un tricheur / Omnibus Presses de la Cité 1991
« Dans la conversation, sois optimiste, indulgent, paradoxal et cruel. Si tu as de l'esprit, sois féroce, impitoyable. Un "mot", c'est sacré. Tu dois le faire contre ta soeur, contre ta femme, s'il le faut - pourvu que le mot soit drôle. On n'a pas le droit de garder pour soi un mot drôle. Il y a des mots mortels. Tant pis ! Les mots qui sont mortels font vivre du moins ceux qui les font. » <p.28>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« - Je me suis laissé dire... - Vous avez eu tort. » <10 novembre 1969, p.291>
Antoine BLONDIN / Ma vie entre des lignes / OEuvres / Robert Laffont - Bouquins 1991
« Comme de nombreux bègues, j'ai toujours beaucoup aimé la nuit. Le temps ralenti s'y accorde à notre discours, lorsque nous hésitons ou en tire une accélération qui ne semble due qu'à notre débit précipité. D'ailleurs, à partir de 4 heures du matin, tout le monde bégaie. » <p.1150>
Michel AUDIARD / Audiard par Audiard / Ed. René Chateau 1995
« On pardonne aux jolies femmes de se regarder dans les glaces... et on blâme un homme intelligent de s'écouter parler... Pourquoi ? » <Les Lions sont lâchés, p.15>
Pierre PERRET / Les pensées / Le cherche midi éditeur 1997
« On n'a plus grand-chose à dire quand on a trouvé à qui parler. » <p.147>
Georges PICARD / Petit traité à l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raison / José Corti 1999
« Seuls, les naïfs peuvent croire qu'une discussion vise à résoudre un problème ou à éclaircir une question difficile. En réalité, sa seule justification est d'éprouver la capacité des participants à désarçonner leur adversaire. L'enjeu n'est pas de vérité, mais d'amour-propre. Le beau parleur l'emporte sur le bafouilleur, le téméraire sur le timide, le fonceur sur le scrupuleux. Être de bonne foi équivaut à additionner les handicaps, le scrupule s'ajoutant à la circonspection pour alourdir la langue. Qu'est-ce que la bonne foi ? Une conduite d'échec, un véritable suicide... » <p.33>