PLUTARQUE / Les Vies des hommes illustres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Voilà pourquoi il est, à mon avis, bien difficile et malaisé d'avoir entière connaissance de la vérité des choses anciennes par les monuments des historiens, attendu que les successeurs ont la longueur du temps qui leur brouille et offusque la nette intelligence des affaires ; et l'histoire qui est écrite du vivant des hommes dont elle parle, et du temps des choses dont elle fait mention, quelquefois par haine et par envie, et quelquefois par faveur ou par flatterie, déguise et corrompt la vérité. » <Vie de Périclès, XXX p.351>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« L'histoire est bonne à oublier ; c'est pour cela qu'elle est bonne à savoir. » <12 novembre 1793 t.1 p.149>
« L'histoire (a très bien dit quelqu'un) est encore plus propre à nous donner de la patience que de la prévoyance. » <2 mai 1797 t.1 p.212>
« L'histoire ancienne, ce miroir où l'on aime à voir le temps présent représenté. » <12 mars 1803 t.1 p.520>
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Écrire l'histoire est une manière de se débarrasser du passé. » <p.37>
Maurice JOLY / Recherches sur l'art de parvenir / Paris Amyot 1868 [BnF Cote LB56-1958]
« L'histoire moderne s'écrit avec des préjugés, l'histoire ancienne avec des ciseaux. » <p.218>
Anatole FRANCE / Les opinions de M. Jérôme Coignard (1893) / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1987
« Qu'est-ce que l'histoire ? Un recueil de contes moraux ou bien un mélange éloquent de narrations et de harangues, selon que l'historien est philosophe ou rhéteur. Il s'y peut trouver de beaux morceaux d'éloquence, mais l'on n'y doit point chercher la vérité, parce que la vérité consiste à montrer les rapports nécessaires des choses et que l'historien ne saurait établir ces rapports, faute de pouvoir suivre la chaîne des effets et des causes. Considérez que chaque fois que la cause d'un fait historique est dans un fait qui n'est point historique, l'histoire ne la voit point. Et comme les faits historiques sont liés étroitement aux faits qui ne sont pas historiques, il en résulte que les événements ne s'enchaînent point naturellement dans les histoires, mais qu'ils y sont liés les uns aux autres par de purs artifices de rhétorique. Et remarquez encore que la distinction entre les faits qui entrent dans l'histoire et les faits qui n'y entrent point est tout à fait arbitraire. Il en résulte que, loin d'être une science, l'histoire est condamnée, par un vice de nature, au vague du mensonge. Il lui manquera toujours la suite et la continuité sans lesquelles il n'est point de connaissance véritable. Aussi bien voyez-vous qu'on ne peut tirer des annales d'un peuple aucun pronostic pour son avenir. Or, le propre des sciences est d'être prophétiques, comme il se voit par les tables où les lunaisons, les marées et les éclipses se trouvent calculées à l'avance, tandis que les révolutions et les guerres échappent au calcul. » <p.299>
Gustave LE BON / Aphorismes du temps présent (1913) / Paris, Les amis de G. Le Bon 1978 [BnF]
« L'Histoire se déroule en dehors de la raison et souvent même contre la raison. Si beaucoup d'événements restent incompris, c'est qu'on leur suppose des causes rationnelles. » <p.239>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.1) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Que nous fait César traversant le Rubicon ? Ce sont des reliques, que la vieille histoire ! Mais l'adultère de Mme de Sully, voilà ce qui est de mon humanité, de mon temps, voilà qui me touche. Ces sont là les mémoires, les souvenirs qui font tressaillir. Il faut, pour s'intéresser au passé, qu'il vous revienne dans le coeur et jusque dans les sens. Le passé qui ne revient que dans l'esprit est un passé mort. » <19 septembre 1861 p.734>
Edmond et Jules de GONCOURT / Journal (t.2) / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Il n'y a que deux grands courants dans l'histoire de l'humanité : la bassesse qui fait les conservateurs et l'envie qui fait les révolutionnaires. » <12 juillet 1867 p.93>
« L'histoire est le plus grand bréviaire du découragement : on n'y rencontre que des coquins ou d'honnêtes imbéciles. » <18 février 1878 p.769>
Gustave LE BON / Psychologie des foules (1895) / PUF 1963
« Les traités de logique font rentrer l'unanimité de nombreux témoins dans la catégorie des preuves les plus probantes de l'exactitude d'un fait. Mais ce que nous savons de la psychologie des foules montre combien ils s'illusionnent sur ce point. Les événements les plus douteux sont certainement ceux qui ont été observés par le plus grand nombre de personnes. Dire qu'un fait a été simultanément constaté par des milliers de témoins, c'est dire que le fait réel est en général fort différent du récit adopté. Il découle clairement de ce qui précède qu'on doit considérer les livres d'histoire comme des ouvrages d'imagination pure. Ce sont des récits fantaisistes de faits mal observés, accompagnés d'explications forgées après coup. » <p.24>
Rémy de GOURMONT / Épilogues (1) / Mercure de France 1921
« Contrairement à la consolante croyance, la vérité ne se fait jamais jour ; une erreur entrée dans le domaine public n'en sort jamais ; les opinions se transmettent, héréditairement, comme des terrains : on y bâtit : cela finit par faire une ville : cela finit par faire l'histoire. Les réhabilitations sont aussi inutiles que les diffamations posthumes. » <novembre 1897, p.169>
Henry de MONTHERLANT / Carnets 1930-1944 / Essais / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1963
« On imagine mal un historien en train de faire l'amour. Voué par vocation à raconter les événements des autres, comment en aurait-il lui-même ? » <Carnet XXI p.1043>
Paul VALÉRY / Mauvaises pensées et autres / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Dans l'histoire, les personnages qui n'ont pas eu la tête coupée, et les personnages qui n'ont pas fait couper de têtes disparaissent sans laisser de traces. Il faut être victime ou bourreau, ou sans aucune importance. Si Richelieu n'eût pas usé de la hache, Robespierre, de la guillotine, l'un serait moindre, l'autre totalement effacé. Tout ceci est d'un mauvais exemple. » <p.837>
« "Les peuples heureux n'ont pas d'histoire. " D'où s'infère que la suppression de l'histoire ferait les peuples plus heureux. Le moindre regard sur les événements de ce monde retrouve cette même conclusion. L'oubli est le bienfait que veut corrompre l'histoire. Rien dans l'histoire n'est pour enseigner aux humains la possibilité de vivre en paix. L'enseignement contraire s'en dégage, - et se fait croire. » <p.903>
Paul VALÉRY / Regards sur le monde actuel / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« L'Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L'Histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout. » <p.935>
ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956
« Si les violents pouvaient être intelligents, ils auraient tout, ils pourraient tout. Mais comme il faut choisir, et parce que le recours à la force rend stupide, il y a beau temps que les violents sont menés par les négociateurs ; les replis, les détours, les hésitations, les atermoiements, au cours de cette victoire inévitable de ceux qui savent composer, c'est ce qui fait le tissu de l'histoire. » <1 août 1934 p.1214>
Henri LABORIT / Éloge de la fuite / Robert Laffont 1976 - Gallimard folio-essais 7
« Je sais bien que certains prétendent que le stalinisme a été prévu. Mais, alors, pourquoi n'a-t-il pas été évité ? Le danger de l'histoire, c'est de faire croire après coup à une causalité linéaire qui n'existe jamais. » <p.164>