Antoine de RIVAROL / L'Universalité de la langue française (1783) / arléa 1998
« Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c'est l'ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. Le français nomme d'abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l'action, et enfin l'objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l'objet qui frappe le premier. C'est pourquoi tous les peuples, abandonnant l'ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l'harmonie des mots l'exigeaient ; et l'inversion a prévalu sur la terre, parce que l'homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la raison. Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l'ordre direct, comme s'il était tout raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu'il existe ; et c'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l'ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n'est pas clair n'est pas français ; ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. » <p.72>
Ernest RENAN / L'Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« Le français ne veut exprimer que des choses claires ; or les lois les plus importantes, celles qui tiennent aux transformations de la vie, ne sont pas claires : on les voit dans une sorte de demi-jour. C'est ainsi qu'après avoir aperçu la première les vérités de ce qu'on appelle maintenant le darwinisme la France a été la dernière à s'y rallier. On voyait bien tout cela, mais cela sortait des habitudes ordinaires de la langue et du moule des phrases bien faites. La France a ainsi passé à côté de précieuses vérités, non sans les voir, mais en les jetant au panier, comme inutiles ou impossibles à exprimer. » <p.68>
Arthur SCHOPENHAUER / Pensées et fragments / Alcan 1900 [BnF]
« Aucune prose ne se lit aussi aisément et aussi agréablement que la prose française... L'écrivain français enchaîne ses pensées dans l'ordre le plus logique et en général le plus naturel, et les soumet ainsi successivement à son lecteur, qui peut les apprécier à l'aise, et consacrer à chacune son attention sans partage. L'Allemand, au contraire, les entrelace dans une période embrouillée et archi-embrouillée, parce qu'il veut dire six choses à la fois, au lieu de les présenter l'une après l'autre. » <p.223>
Jean-Louis-Auguste COMMERSON / Pensées d'un Emballeur (2) / Martinon 1852
« J'aime mieux descendre mon thé que monter des cendres. Cette pensée est à l'usage de MM. les étrangers qui veulent se perfectionner dans l'euphonie de la langue française. » <p.61>
Drôle de liaison :
« J'ai souvent tété ma nourrice, mais jamais à l'Odéon. » <p.87>
Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1973
« Clarté du français. Qui sait si cette clarté n'est point due à la diversité des races en présence sur notre sol. Une population mêlée formerait pour s'entendre un langage moyen. Inverse de Babel. Chez nous Latins et Germains et Celtes. » <Langage p.418>
Johann Wolfgang von GOETHE / Maximes et réflexions / Paris, Brokhauss et Avenarius 1842 [BnF]
« Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre langue. » <p.35>
Lorédan LARCHEY / L'Esprit de tout le monde - Joueurs de mots (1891) / Berger-Levrault 1892
« Il est [...] probable qu'on demandera d'autant moins au français qu'on possédera plus de langues étrangères. Et celles-ci sont à l'ordre du jour. » <p.xxxiv préface>
Léon BLOY / Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne / Journal I / Robert Laffont - Bouquins 1999
« On peut être un imbécile et pratiquer tout de même l'imparfait du subjonctif, cela s'est vu. Mais la haine de l'imparfait du subjonctif ne peut exister que dans le coeur d'un imbécile. » <12 septembre 1902, p.431>
Jules RENARD / Journal / Robert Laffont - Bouquins 1990
« J'aime passionnément la langue française, je crois tout ce que la grammaire me dit, et je savoure les exceptions, les irrégularités de notre langue. » <6 octobre 1906 p.850>
Alexandre VIALATTE / Chroniques de La Montagne (1) / Robert Laffont - Bouquins 2000
« Je me suis aperçu au passage d'une énorme faute de français qui est devenu courante dans la presse, dans la radio et même ailleurs : "colonialisme" n'est pas français. Littré en mains, "colonialisme" n'existe pas. C'est un mot qui a été forgé pour les besoins d'une cause étrangère. J'ai cherché à en percer le sens à travers l'usage qui s'en fait. Je me suis aperçu qu'il désigne les procédés de colonisation d'un pays dont on convoite les possessions. Il englobe pêle-mêle tous les crimes. Bref, nous avons de la chance que le mot ne soit pas français. » <270 - 25 mars 1958 p.620>
Alexandre VIALATTE / Chroniques de La Montagne (2) / Robert Laffont - Bouquins 2000
« La grammaire est, après le cheval, et à côté de l'art des jardins, l'un des sports les plus agréables. Il faut toujours garder un vice pour ses vieux jours. La grammaire est l'un des meilleurs. Je serais assez d'avis, avec Audiberti, que l'orthographe est toujours trop simple, il y aurait intérêt à compliquer ses règles. Les amoureux de billard, de cheval ou de régates trouvent toujours à compliquer le jeu. Je crois que Jean Paulhan était du même avis. Probablement aussi Perret. Quand on est amoureux de la langue, on l'aime dans ses difficultés. On l'aime telle quelle, comme sa grand-mère. Avec ses rides et ses verrues. Avec son bonnet tuyauté qui donne tant de mal à la repasseuse. On ne veut pas la faire visager. On la trouverait méconnaissable. Et en serait-elle plus belle ? On ne sait jamais d'avance. Il y a des expériences qui ratent. » <880 - 10 décembre 1970 p.936>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Je lis de moins en moins l'anglais et l'allemand ; ce sont des langues qui mettent trop de flou dans mon esprit - qui n'en a vraiment pas besoin. Et puis j'ai plus que l'impression, la certitude, qu'on ne peut formuler qu'en français, et qu'en tout autre langue on se laisse aller au charme et à la débauche de l'approximation. Le français est la langue non géniale par excellence. » <11 octobre 1962 p.114>
« La preuve que, pour parler avec Rivarol, la probité définit la langue française, c'est que le subjonctif y abonde plus que dans d'autres. Le français ou le respect de l'incertitude. » <21 septembre 1966 p.405>
« Quand deux français se disputent, s'ils ne se livrent pas à des voies de fait, ils se reprochent, dernier argument, des fautes de français. Éviter à tout prix toute faute, et même toute incorrection, dans une lettre d'injures. C'est ce péché de forme qu'on vous reprochera le plus gravement, et on passera à côté du fond. » <23 novembre 1969 p.763>
Frédéric DARD / Les pensées de San-Antonio / Le cherche midi éditeur 1996
« - Vous parlez un français très châtié ! - Qui aime bien châtie bien ! » <p.112>
Jean DUTOURD / Dutouriana / Plon 2002
« Les Français, si détestables, ont un avantage considérable sur les autres peuples : ils parlent français. » <p.19>