Jean de LA BRUYÈRE / Les Caractères / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951
« Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent. Sur ce qui concerne les moeurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes. » <p.65 I 1>
« Rien n'est dit. L'on vient trop tôt depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes. Sur ce qui concerne les moeurs, comme sur le reste, le moins bon est relevé. Nous avons l'avantage de travailler après les anciens, les habiles d'entre les modernes. » <II p.363>
Joseph JOUBERT / Carnets / nrf Gallimard 1938-1994
« Ils appellent "progrès des lumières" les progrès de l'industrie. Le progrès de l'industrie dans quelques-uns est anéantissement de l'industrie dans tous les autres. "À force de machines (dit très bien Mr de Bonnald) l'homme ne sera bientôt plus lui-même qu'une machine ", un tourneur de manivelles. » <7 novembre 1818 t.2 p.573>
« Le siècle des lumières s'éclairait à la chandelle. » <p.64>
Victor HUGO / Philosophie prose / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« Le progrès rapetisse la terre et grandit l'homme. » <1855-56 p.64>
Victor HUGO / Faits et croyances / Océan / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1989
« L'art n'est pas perfectible car il est né parfait. La science est perfectible, car elle est née incomplète. L'art est né parfait parce qu'il est un et simple ; la science est née incomplète, parce qu'elle est variée et multiple. Le progrès est possible sur Aristote, il ne l'est pas sur Homère. Le progrès est possible sur Newton, il ne l'est pas sur Molière. » <1840-42 p.190>
« L'inventeur le plus humble est raillé. Hanway invente le parapluie et meurt ridicule, après avoir été trente ans suivi, chaque fois qu'il pleuvait, des éclats de rire de toute la ville de Londres. » <1860-65 p.230>
Francis PICABIA / Dits / Eric Losfeld 1960
« La seule façon d'être suivi, c'est de courir plus vite que les autres. » <p.13>
Anatole FRANCE / Le Crime de Sylvestre Bonnard (1881) / OEuvres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1984
« Le progrès des sciences rend inutiles les ouvrages qui ont le plus aidé à ce progrès. Comme ces ouvrages ne servent plus à grand-chose, la jeunesse croit de bonne foi qu'ils n'ont jamais servi à rien ; elle les méprise et, pour peu qu'il s'y trouve quelque idée trop surannée, elle en rit. » <p.252>
Alfred de MUSSET / Lettres de Dupuis et Cotonnet / OEuvres complètes t.9 / Paris, Charpentier 1888
« Dites-moi un peu où est le progrès ? On dit que l'humanité marche ; c'est possible, mais dans quoi, bon Dieu ! » <Troisième lettre 5 mars 1837 p.260>
Ernest RENAN / L'Avenir de la science, Pensées de 1848 (1890) / GF 765 Flammarion 1995
« Le véritable progrès semble parfois un recul et puis un retour. Les rétrogradations de l'humanité sont comme celles des planètes. Vues de la terre, ce sont des rétrogradations ; mais absolument ce n'en sont pas. La rétrogradation n'a lieu qu'aux yeux qui n'envisagent qu'une portion limitée de la courbe. Cercle ou spirale, comme Goethe le voulait, la marche de l'humanité se fait suivant une ligne dont les deux extrêmes se touchent. » <p.333>
Marcellin BERTHELOT / Science et morale / Calmann Lévy 1896
Rêve de chimiste :
« On a souvent parlé de l'état futur des sociétés humaines ; je veux, à mon tour, les imaginer, telles qu'elles seront en l'an 2000 : au point de vue purement chimique, bien entendu ; nous parlons chimie à cette table. Dans ce temps-là, il n'y aura plus dans le monde ni agriculture, ni pâtres, ni laboureurs : le problème de l'existence par la culture du sol aura été supprimé par la chimie ! Il n'y aura plus de mines de charbon de terre, ni d'industries souterraines, ni par conséquent de grèves de mineurs ! Le problème des combustibles aura été supprimé, par le concours de la chimie et de la physique. Il n'y aura plus ni douanes, ni protectionnisme, ni guerres, ni frontières arrosées de sang humain ! La navigation aérienne, avec ses moteurs empruntés aux énergies chimiques, aura relégué ces institutions surannées dans le passé ! Nous serons alors bien prêts de réaliser les rêves du socialisme... pourvu que l'on réussisse à découvrir une chimie spirituelle, qui change la nature morale de l'homme aussi profondément que notre chimie transforme la nature matérielle. » <5 avril 1894, p.510>
Charles BAUDELAIRE / Fusées / OEuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1975
« Quoi de plus absurde que le Progrès, puisque l'homme, comme cela est prouvé par le fait journalier, est toujours semblable et égal à l'homme, c'est-à-dire toujours à l'état sauvage. Qu'est-ce que les périls de la forêt et de la prairie auprès des chocs et des conflits quotidiens de la civilisation ? Que l'homme enlace sa dupe sur le Boulevard, ou perce sa proie dans des forêts inconnues, n'est-il pas l'homme éternel, c'est-à-dire l'animal de proie le plus parfait ? » <p.663>
Alfred JARRY / La chandelle verte / OEuvres / Bouquins, Robert Laffont 2004
« L'être humain est incapable de recommencer exactement la même chose. Cette maladresse à "doubler" la touche de son premier projectile sur une cible, c'est ce qu'il appelle le progrès. » <15 juillet 1903, p.1021>
Paul-Jean TOULET / Les trois impostures / OEuvres complètes / Robert Laffont - Bouquins 1986
« D'être sans noyau, c'est un progrès pour la prune, mais du point de vue de ceux qui les mangent. » <215 p.186>
Ambrose BIERCE / Le Dictionnaire du Diable (1911) / Éditions Rivages 1989
« Inventeur n. Personne qui fait un ingénieux arrangement de roues, de leviers et de ressorts, et qui croit que c'est la civilisation. » <p.152>
Léon BLOY / Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne / Journal I / Robert Laffont - Bouquins 1999
« Il y a deux ans, me trouvant dans un pays mortellement affligé d'automobilisme, je conseillai aux cultivateurs exaspérés de saluer au passage les automobiles avec des pompes à merde. J'allai même jusqu'à préconiser l'obstacle devant et l'obstacle derrière, dans les bouts de route isolés, puis la destruction des machines à coup de merlin, sans préjudice d'une capilotade consciencieuse pour les touristes exaltés, mâles ou femelles. Mais tout le monde gueule et personne ne marche. C'est la couardise, la pusillanimité universelles. » <2 juin 1903>
Paul VALÉRY / Degas Danse Dessin (1936) / OEuvres II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960
« Degas avait un grand faible pour Forain. Forain disait : Mossieu D'gâs, comme Degas disait : Monsieur Ingres. Ils échangeaient leurs mots terribles. Quand Forain se construisit un hôtel, il fit poser le téléphone, alors encore assez peu répandu. Il voulut l'utiliser tout d'abord à étonner Degas. Il l'invite à dîner, prévient un compère qui, pendant le repas, appelle Forain à l'appareil. Quelques mots échangés, Forain revient... Degas lui dit : "C'est ça, le téléphone ?... On vous sonne, et vous y allez." » <p.1217>
Paul LÉAUTAUD / Le théâtre de Maurice Boissard / OEuvres / Mercure de France 1988
« Tout le progrès dont on nous rebat les oreilles n'a jamais dépassé le domaine des choses matérielles. Le monde est ce qu'il a toujours été et ce qu'il sera toujours : une petite élite au milieu d'une foule de brutes ou d'imbéciles, avec les malins, dans un coin, ils ont bien raison, qui tirent les ficelles et gardent les profits. Il peut durer ou disparaître, je m'en moque. » < >
Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986
« Ces mitraillettes, que la guerre a mises à la mode, remplaceront peut-être d'ici quelque temps le revolver. Les gens qui rentrent tard le soir chez eux auront une mitraillette. L'amant quitté par sa maîtresse, ou le mari surprenant sa femme avec un tiers, abattront l'adoré et l'infidèle avec une mitraillette. Le neurasthénique las de la vie mettra fin à ses jours avec une mitraillette. Il suffira d'un qui commence. L'imitation est si forte chez les humains. Cela entrera dans les moeurs. Le fait est qu'avoir une mitraillette chez soi pour se défendre contre un cambrioleur, cela ne serait pas mal. » <10 octobre 1944 III p.1176>
Antoine de SAINT-EXUPÉRY / Terre des hommes / OEuvres / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1959
« Si nous croyons que la machine abîme l'homme c'est que, peut-être, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que sont les cent années de l'histoire de la machine en regard des deux cent mille années de l'histoire de l'homme ? C'est à peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales électriques. C'est à peine si nous commençons d'habiter cette maison nouvelle, que nous n'avons même pas achevé de bâtir. Tout a changé si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-même a été bousculée dans ses bases les plus intimes. Les notions de séparation, d'absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde aujourd'hui, nous usons d'un langage qui fut établi pour le monde d'hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à notre nature, pour la seule raison qu'elle répond mieux à notre langage. » <III p.168>
George BERNANOS / La France contre les robots (1946) / Essais et écrits de combats II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1995
« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » <p. 1025>
Alexandre VIALATTE / Chroniques de La Montagne (1) / Robert Laffont - Bouquins 2000
« [...] on n'arrête pas le progrès. Il s'arrête de lui-même. Il possède un déclic interne qui le stoppe automatiquement au moment où ce serait trop beau. » <459 - 19 décembre 1961 p.1022>
Paul MORAND / Journal inutile 1968-1972 / nrf Gallimard 2001
« Sans les progrès que la guerre de 1940 a fait faire à l'électronique, le XXe siècle n'aurait pas vu d'hommes sur la lune. L'exploit n'appartient à notre siècle que par erreur de calcul. » <24 juillet 1969, p.241>
Emil CIORAN / De l'inconvénient d'être né (1973) / OEuvres / Quarto Gallimard 1995
« Un philosophe du siècle dernier a soutenu, dans sa candeur, que La Rochefoucauld avait raison pour le passé, mais qu'il serait infirmé par l'avenir. L'idée de progrès déshonore l'intellect. » <p.1353>
François CAVANNA / La belle fille sur le tas d'ordures / L'Archipel (LdP9667) 1991
« L'évolution du psychisme profond n'ayant pas suivi celle de l'activité cérébrale consciente, le progrès technique n'est qu'un outil formidable entre les mains de bestiaux dont les motivations instinctives profondes (celles qui nous font agir) sont exactement les mêmes que celles d'un crocodile. L'intelligence ne fait que fournir servilement des armes et des arguments à l'instinct, alors qu'elle devrait avoir pris les commandes. Les cons ne mènent pas le monde, mais pour mener le monde il faut plaire aux cons. C'est pourquoi tout est fait ici-bas pour eux, c'est pourquoi quiconque ne l'est pas tout à fait se sent en exil chez les crétins, et s'indigne, et pleure, et pisse le sang. Et s'emmerde. Oh, nom de dieu, ce qu'il s'emmerde... ! » <p.109>
François CAVANNA / Dieu, Mozart, Le Pen et les autres... / Presses de la Cité 1992
« Les gens en avance sur leur époque ne sont pas heureux. Personne ne les comprend, on se moque d'eux, on leur fait des misères. Prenez, par exemple, Jésus-Christ. Il était chrétien deux cents ans avant tout le monde. Résultat : ils l'ont crucifié. Et, en un sens, on ne peut pas leur donner tort. » <p.213>
Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997
« Le Progrès est l'injustice que chaque génération montante commet à l'égard de celle qui l'a précédée. » <29 décembre 1968, p.659>
Philippe BOUVARD / Auto-psy d'un bon vivant Journal 2000-2003 / Le cherche midi éditeur 2003
« Le lancement d'avions très gros porteurs n'ira pas sans l'agrandissement des structures d'accueil au sol : tapis roulants, aérogares, hangars, parkings, chapelles ardentes. » <p.86>